Mes chères contrariées, mes chers contrariens,
C'est sans contexte la nouvelle la plus importante du week-end :
l'assureur Groupama va mal, très mal. Tellement mal qu'il a d'ailleurs
annoncé dans un communiqué, vendredi soir dernier, qu'il ne
paiera pas la prochaine échéance sur ses obligations.
Avant de rentrer dans les détails, je voulais juste vous
rassurer. C'est important que vous soyez rassurés.
Donc rassurez-vous, vous pouvez être rassurés, tout va
très bien. La crise financière est finie ! Depuis le temps
qu'on vous le dit, vous devriez le savoir et ne pas avoir
d'inquiétude.
D'ailleurs, en France, notre système bancaire est très
solide. Encore une fois tout va très, très bien, donc soyez
rassurés. C'est vrai que Dexia a encore besoin d'un peu de sous, mais
rien d'insurmontable. Il est indéniable que le Crédit
Immobilier de France n'est pas dans une forme extraordinaire puisque
l'État est obligé de voler à son secours, mais il n'y a
rien de grave, c'est tout petit.
Puisque l'on vous dit et répète que tout va bien. Dormez
tranquilles mes petits. Enfin pas tous.
Car ceux parmi vous qui détiennent de l'épargne chez
notre copine Cerise, vous pouvez commencer à numéroter vos
abattis. Enfin, pas les vôtres, mais ceux de vos contrats d'assurance
vie au hasard.
Car n'en déplaise à la communication officielle du
Groupe Groupama, ne pas payer une échéance
d'intérêts sur ses obligations, cela porte le nom de
défaut... c'est-à-dire de faillite.
Groupama
dégradé
Conséquence logique, quelques heures après l'annonce par
Groupama du non-paiement de son coupon sur des emprunts obligataires,
l'agence Fitch indique qu'elle abaisse la note de
l'assureur vert à BB+.
Il s'agit d'une dégradation de deux crans des notes de
solidité financière de l'assureur français Groupama SA
de « BBB » à « BB+ » et de
dette à long terme de « BBB- » à « BB »,
les deux étant assorties d'une perspective négative, donc
susceptible d'être abaissée à nouveau dans un avenir
proche.
Les notes de solidité financière des filiales Groupama
Gan Vie et Gan Assurances sont également rétrogradées de
deux crans à « BB+ » par Fitch.
Cela va avoir des conséquences directes sur l'accès au
financement et aux liquidités du Groupe Groupama au sens large. La
filiale assurance vie est également dégradée. Mais vous
pouvez continuer à souscrire un contrat en fonds euros sans aucun
problème puisque nous avons la chance en France d'avoir le
système financier le plus solide de l'Univers.
Un communiqué
de « Politburo »
Le communiqué de Groupama est absolument extraordinaire.
« Cette décision n'est pas liée à un
problème de liquidité mais plutôt à un
problème de principe », a assuré Thierry Martel, le
directeur général de Groupama, à l’AFP.
« Après avoir demandé des efforts à
nos partenaires mutualistes et aux salariés du groupe, il nous
paraissait assez légitime de mettre à contribution nos
partenaires financiers », a-t-il indiqué.
Chez l'assureur mutualiste, on estime qu'il s'agit d'un non-événement.
« Nous nous trouvons dans la situation où une
entreprise ne verse pas, exceptionnellement, de dividende à ses
actionnaires. Nous considérons que nous sommes dans une année
particulière où nos actionnaires, nos salariés et nos
investisseurs doivent consentir à des efforts exceptionnels en vue de
restaurer notre marge de solvabilité », décrit le
communiqué.
Il est hallucinant de lire de telles bêtises dans un
communiqué normalement rédigé par des gens
compétents.
Groupama a émis une ligne d'obligations dites
perpétuelles d'un milliard d'euros (ce qui commence à faire un
peu d'argent).
Nous rappelons qu'une obligation est en réalité un
prêt consenti à Groupama. En échange de ce prêt,
vous recevez un taux d'intérêt c'est-à-dire une
rémunération qui vous est versée à des
échéances fixées à l'avance,
généralement trimestrielles.
Groupama a annoncé qu'elle ne paierait pas les
intérêts aux prêteurs. On ne peut pas écrire, ni
dire qu'il s'agit d'un « non-événement »
!! Ne pas rembourser les sommes dues à ses créanciers est
toujours un événement !!
La tentative désespérée de communication est
renforcée par une comparaison peu crédible entre le versement
de dividendes et le paiement des intérêts sur une dette.
Faire le parallèle entre ces deux éléments est un
non-sens économique.
Être actionnaire donne le droit de participer aux
bénéfices de l'entreprise sous forme de perception de
dividendes. Les dividendes sont optionnels. Les bénéfices ne
sont pas forcément distribués aux actionnaires. Une part est
d'ailleurs toujours conservée afin de financer les investissements
nécessaires ou les projets en cours. On peut garder les
bénéfices pour constituer des réserves, bref, c'est la
vie normale d'une entreprise et c'est logique. D'ailleurs, ce sont les
actionnaires qui, réunis en assemblée générale
des actionnaires, décident ensemble de la répartition des
bénéfices.
Dans le cas de Groupama, il s'agit de ne pas payer les
intérêts de sa dette. Les créanciers ne sont pas
consultés et n'ont pas voté pour ne pas être payés
!! Une obligation est un contrat de prêt ! Il n'y a donc aucune
comparaison possible entre dividendes et paiement des coupons obligataires.
Enfin, il faut remettre les choses en perspective. Groupama refuse
d'honorer un montant de 63 millions d'euros soi-disant pour renforcer ses
fonds propres.
Soyons logique. La Direction de Groupama savait très bien que
sa décision unilatérale allait entraîner une
dégradation de sa note et donc son éjection des marchés
financiers et du coup l'impossibilité pour le groupe de trouver de la
liquidité.
Ce sont les dégradations successives qui ont mené le
Crédit Immobilier de France dans l'impasse.
Quel est donc l'intérêt pour une entreprise comme
Groupama de renforcer ses fonds propres de 63 millions d'euros, c'est-à-dire
rien du tout, et de prendre le risque d'une impossibilité totale de
financement.
C'est très peu crédible. Vraiment très très peu crédible.
On peut donc imaginer que la situation de l'assureur français
est beaucoup plus grave que ce que l'on pense.
Enfin, une telle décision, loin de rassurer les
épargnants, ne peut que contribuer à un retrait massif de
capitaux, que les fonds propres du Groupe ne suffiront pas à honorer.
Si les clients sociétaires paniquent, cela en sera même fini de
Groupama en moins de quinze jours.
Groupama a
le droit de ne pas payer
C'est un peu technique, et nous ne rentrerons pas dans les
détails. Il faut simplement retenir qu'il existe plusieurs types
d'obligations.
A chaque type d'obligation qui reste dans tous les cas et contrat de
prêt, il existe des clauses différentes, avec des droits,
devoirs et possibilités différentes.
En l'occurrence, Groupama a fait usage d'une possibilité
légale et contractuelle de ne pas payer son coupon sur ses titres
hybrides. C'est dans ce sens que les dirigeants nous expliquent doctement que
c'est normal et que tout va bien. Si c'est vrai juridiquement, cela montre
bien l'incapacité financière du Groupe à faire face
à ses engagements.
Logiquement, cette décision fait entrer les investisseurs dans
une période d'incertitude car d'autres coupons sont à verser
dans les prochains jours ou les prochains mois. Groupama fera-t-il à
nouveau usage de son « option » de ne pas payer ?
La société d'investissement et de recherche Aurel BCG
estime ainsi « qu'en ne payant pas le coupon du 22 octobre sur le
TSS 6,298 %, Groupama s'offre la possibilité de ne pas payer le coupon
sur le TSP 4,375 % en juillet 2013 », car ce paiement sera lui
aussi optionnel compte tenu des conditions qui figurent sur le document d'émission.
En revanche, « nous estimons à la lecture des
prospectus que Groupama devra effectuer, le 27 octobre 2012, le paiement du
coupon sur le titre subordonné senior octobre 2039 call 2019 puis euribor 3m +536 bp, puisque la
société a payé en juillet 2012 le coupon annuel sur le
titre 4,375 % call 2015 puis euribor 3m +225 bp », écrit Aurel.
Chronique de
la mort annoncée d'un assureur français de premier plan
Vous l'aurez compris. Une telle décision est explosive et
envoie un signal particulièrement négatif.
Les clients vont souhaiter récupérer leurs fonds.
Les investisseurs ne vont plus vouloir prêter.
Groupama ne pourra pas trouver d'argent au moment même où
ses clients vont souhaiter sortir ce qui nécessite justement des
liquidités importantes.
Groupama devrait donc s'enfoncer plus ou moins rapidement en fonction
de la suite des événements jusqu'à ce que mort s'en
suive.
Mais surtout, surtout, soyez rassurés, il n'y a aucun
problème, tout va bien et notre système financier est
très solide. Ce qui arrive à Groupama n'existe pas, et ne
pourrait jamais arriver à une banque comme le Crédit Agricole
dont la stratégie a été brillante ces 10
dernières années.
D'ailleurs, vous auriez tord de vous
inquiéter puisque les compte de Groupama ont été validés
par l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) il y a
quelques mois.
Alors si vous n'avez pas confiance dans les plus hautes instances de
régulations... On ne peut plus rien pour vous !
Ha, j'oubliais, Groupama a déjà été
sauvé in extremis l'année dernière grâce à
l'injection de 300 millions d'euros en urgence par la Caisse des
Dépôts et Consignations. Il faut croire que ce n'était
pas assez.
Alors vous avez le choix, entre pièce d'or et contrats
d'assurance vie fonds en euros. Par les temps qui courent... mieux vaut faire
le bon choix.
La crise financière n'est pas finie. Mais vous le saviez
déjà. Encore une fois, préparez-vous il est encore
temps.
Charles SANNAT
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