|
Jean-Marc Ayrault a présenté le
budget 2013 et les médias se sont empressés de titrer sur une
prétendue rigueur et même austérité. Pour La
Croix, « Jean-Marc Ayrault défend un budget
d'austérité pour la France », RFI
titrait « France : le budget 2013 sous le signe de
l’austérité » et France
Culture y voyait même « une cure d'austérité
sans précédent ». Les réactions politiques ne
furent pas plus mesurées, notamment du côté des
extrêmes : Jean-Luc Mélenchon estimant
qu’il s’agissait d’un « budget
d'austérité » alors que Marine Le Pen dénonçait
une « hyper austérité absurde, synonyme de
contraction de l'activité économique et de creusement des
injustices pour les Français ».
La présentation relayée par les
médias est celle d’un effort de 30 milliards d’euros qui
se décompose de la manière
suivante :
·
une augmentation de la fiscalité de 20
milliards d’euros (10 pour les ménages et 10 pour les
entreprises) ;
·
une diminution des dépenses de 10
milliards d’euros.
Dans le détail, voici les principales
mesures qui constituent cet effort :
Tout d’abord, même si ces chiffres
étaient exacts, la réussite de ces mesures sur le plan
économique serait douteuse puisque les plans les plus efficaces sont
ceux dont les efforts portent principalement sur les réductions de
dépenses [1]. Alberto Alesina and Silvia Ardagna ont, en effet, montré
qu’historiquement les ajustements budgétaires basés sur
les augmentations d’impôts s’accompagnaient de longues
récessions, à l’inverse des ajustements provenant de
baisses de dépenses qui ne provoquaient que des récessions
limitées dans le temps (voire pas de récession du tout).
Ensuite, les recettes sont sans doute
surestimées du fait d’hypothèses trop optimistes et de la non
prise en compte de l’effet Laffer : une
augmentation de la pression fiscale désincite
à l’activité, ce qui réduit la base imposable et
donc le produit de l’impôt.
Mais surtout, l’annonce de la baisse des
dépenses apparaît comme tout à fait mensongère. En
effet, ces fameuses baisses de dépenses, habilement mises en exergue
lors de la présentation du budget, sont en fait plus que
compensées par d’autres augmentations de dépenses. Au
niveau agrégé, les dépenses publiques totales se
monteraient en 2013 à 56,3% d’un PIB estimé à
2 070 milliards d’euros, soit 1 195 milliards d’euros,
ce qui correspond en fait à une augmentation de 30 milliards
d’euros par rapport à cette année. L’exécutif
table sur une progression annuelle de 0,7 % de plus que l'inflation chaque
année jusqu’en 2017. Comme l’inflation est prévue
à 1,7%, la progression réelle du total des dépenses
publiques est de 2,4%. Nous sommes donc très loin d’une baisse
des dépenses, et donc d’une réelle austérité.
Les dépenses publiques totales sont
principalement composées de trois pôles : l’État,
la Sécurité Sociale et les collectivités locales. Au
niveau de l’État seul, les dépenses
passeraient de 369,8 à 370,9 milliards d’euros, ce qui
correspond à une augmentation de 0,3%. De plus, la rigueur est toute
relative puisque les dépenses de l’État excèdent
ses recettes de 58,3 milliards d’euros, soit 19% ! Comment un
ménage qui dépense 19% de plus que ce qu’il gagne, peut-il
être considéré comme rigoureux dans sa gestion ? Il est
à noter que les recettes sont supposées atteindre un niveau
historiquement élevé en 2013 avec 53,3% du PIB :
En fait, il serait plus exact de parler de choc
fiscal que d’austérité pour l’État. La
rigueur concerne avant tout les les ménages
et les entreprises puisqu’il est prévu que les recettes passent de 51,8% du PIB en 2012
à 53,3% l’année prochaine. Cela risque de peser fortement
sur une croissance déjà probablement surestimée. En
effet, le projet de budget 2013 se fonde sur une série
d’hypothèses toutes plus optimistes les unes que les autres, ce
qui rend l’objectif des 3% de déficit public pour le moins
incertain. C’est ce que nous verrons dans un prochain article.
[1] Alberto Alesina and Silvia Ardagna, Large changes in fiscal policy: taxes versus spending
|
|