Mes chères contrariées, mes chers contrariens,
Oh là là, qu'est-ce qu'on
rigole aujourd'hui. Moi j'adore le débat sur le retour de la fin de la
chronique de la mort annoncée des 35 heures. Bon, je ne vous cache pas
qu'à titre personnel, la fin des 35 heures, ça ne m'arrange
pas. Je ne parle pas des miennes de 35 heures, je dois plutôt
travailler une centaine d'heures par semaine, et pour tout vous dire, je fais
partie de ceux qui ont la chance immense de ne pas vraiment travailler mais
de réussir à vivre de leur passion.
Non, je vous parle des 35 heures de ma femme. Ma femme, elle, elle
travaille 35 heures. En réalité beaucoup plus... mais elle a
des RTT. Elle adore ses RTT. Dès qu'on parle à la
télé de supprimer ses RTT, elle voit rouge.
Comprenez-moi bien. Elle est très intelligente ma femme.
Supprimer les RTT des autres, c'est autre chose, mais supprimer les siennes,
certainement pas.
C'est un peu comme le « travailler plus pour gagner
plus ». Tant que c'est l'autre qui doit travailler plus, aucun
problème.
Bref, revenons au débat, pour ne pas dire au psychodrame, du
jour. Les 35 heures. Notre Z'Ayrault du jour a
déclaré, en réponse à une question de
journaliste, qu'il ne voyait pas en quoi cela pose un problème de
parler du retour des 39 heures, et qu'il n'est pas dogmatique.
Cela s'appelle ouvrir le débat. Mais hop, une
demi-journée de polémique plus tard, on referme le débat
fissa, en disant que sous la gauche, les 35 heures sont intangibles et
indépassables.
Franchement, merci Monsieur le Premier ministre, j'ai failli passer
une très mauvaise soirée avec ma femme. Vous ne savez pas
comment elle est ma femme quand elle est de mauvais poil, et menacer ses RTT,
c'est me la mettre de mauvaise humeur.
On respire.
On respire, sauf que cet épisode, où on voit un Premier
ministre recadré par son propre ministre du Travail, pose un vrai
sujet. Celui du temps de travail.
Et disons-le clairement, c'est un débat complexe.
Tout d'abord, il y a un véritable problème de quantité
de travail disponible. Tout le monde peut s'accorder autour de cette
réalité.
Les millions de chômeurs dans notre pays et dans le monde
entier, les dizaines de millions de personnes en temps partiel
témoignent de ce triste état de fait.
Ensuite, si nous regardons chez nos voisins, le temps de travail
effectif est inférieur à 35 heures par semaine, que ce soit en
Allemagne (32 heures) ou aux États-Unis (31 heures).
Après, il y a un problème de
compétitivité. Évidemment, une entreprise dont les gars
travaillent 39 heures par semaine (au même salaire) sera plus
compétitive qu'une entreprise dont les ouvriers travaillent seulement
35 heures... au même salaire là aussi.
L'idée des 35 heures reposait avant tout sur le concept de
partage de la quantité de travail disponible. Imaginer que l'on puisse
créer plus de richesses collectivement, en travaillant chacun un peu
moins, est une erreur économique.
Néanmoins, force est de constater qu'il y a de moins en moins
de boulot disponible et ce, partout à travers le monde.
Encore une fois, les causes en sont doubles. Les
délocalisations d'un côté ont massacré nos
industries. Les progrès de la robotique d'abord puis de
l'informatique, dont on commence à peine à mesurer les gains de
productivité, vont permettre de supprimer des centaines de milliers
d'emplois. Pour vous donner un exemple, une banque comme Boursorama Banque
fonctionne très bien avec quelques centaines de salariés et en
plus votre carte bleue est gratuite.
On commence à parler de surcapacité de 186 000
collaborateurs dans les banques de détail en France (les agences au
coin de la rue), et qu'il va falloir supprimer tous ces postes. C'est une
évidence en terme de
compétitivité. Regardez Free, opérateur de
téléphonie qui fonctionne avec 500 personnes, là ou SFR
en a 15 000. Résultat : SFR et Orange vont devoir virer un peu
plus de monde chaque année.
On a bien un problème de fond de création de
quantité de travail et pas uniquement en France.
Ce qui veut dire que les 35
heures n'ont pas vraiment créé d'emplois, puisque l'emploi
manque chez nous comme chez les autres. Inversement, ce ne sont pas les 35
heures qui ont créé le chômage puisque nous en avons ni
plus ni moins qu'ailleurs, et qu'il est globalement très
élevé dans tous les pays du monde.
Alors on peut débattre sur les 35 heures. Leur principal apport
a été un peu plus de temps disponible pour les gens, et surtout
le développement en France d'un secteur touristique et de centaines de
milliers de chambres d'hôtes pour que nos titulaires de RTT puissent se
promener et voir du pays.
Mais il ne faut pas nier non plus que les 35 heures coûtent
cher.
Alors doit-on accuser les 35 heures de tous nos maux ? Certainement
pas dans la mesure où nous sommes les seuls à les avoir et que,
dans ce cas, on devrait être les seuls à en souffrir. Donc c'est
bien que les causes sont tout autres.
Maintenant, évidemment, cela n'aide pas, mais si vous demandez
à ma femme de renoncer à ses RTT, elle va très très mal le vivre !
Sinon, comme il se passe autre chose dans le monde que notre
psychodrame national sur les RTT de ma femme, j'ai sélectionné
pour vous cette superbe dépêche de l'AFP qui nous explique qu'en
dépit du fait qu'on leur dise que tout va bien grâce à un
matraquage intensif, eh bien les peuples d'en bas ont une perception
légèrement différente de la vraie économie.
Europe : 75
% des consommateurs pensent que leur pays est en récession
Trois quarts des consommateurs européens estiment que leur pays
est en récession, et 65 % d'entre eux déclarent avoir
réduit leurs dépenses, selon une enquête du cabinet
Nielsen réalisée fin août.
Franchement, je suis particulièrement déçu. On
leur explique que tout va bien, on leur prépare de sublimes
statistiques de retour de la croissance européenne – et je ne
vous parle même pas de la croissance américaine et du
chômage qui baisse de façon considérable –, rien
n'y fait. Les peuples se sentent en récession.
Au niveau mondial, ce sont 62 % des consommateurs qui pensent que leur
pays est en récession, selon Nielsen qui a interrogé en ligne
29 000 consommateurs dans 58 pays entre le 10 août et le 7 septembre
2012.
C'est une véritable honte. Un véritable travail
d'orfèvre complètement ignoré carrément par les
peuples entiers. Je pense qu'il va falloir contrôler Internet et les
mots clés. Interdiction de rechercher le mot
« récession », ou « crise
économique ». Comme en Chine.
Ils ont tout compris ces Chinois.
Les pires évidemment, c'est nous.
Les consommateurs français sont 83 % à considérer
leur pays en récession, une hausse d'un point par rapport au trimestre
précédent.
Mais on vous dit que nous sommes en croissance Z’Ayrault,
pardon, zéro, et vous n'y croyez pas. Mais comment doit-on vous le
dire ? Vous, les Français, vous êtes tout simplement insupportables.
En plus, tous ces crétins inquiets ont décidé
d'arrêter de consommer, c'est-à-dire d'acheter des bidules
très cher ne servant à rien et qui terminent dans des caves
avant de finir à la brocante annuelle.
Pour s'adapter à la crise, 69 % des consommateurs au niveau
mondial déclarent avoir réduit leurs dépenses, en hausse
de deux points par rapport au deuxième trimestre et de 3 points par
rapport à la même période de 2011.
Au niveau européen, 57 % déclarent dépenser moins
en achat de vêtements, 53 % disent réduire leur budget loisirs
et 51 % achètent des marques moins cher pour
les produits de grande consommation.
La « morosité persiste dans certains pays
européens », comme l'Espagne (- 4 points), l'Allemagne (- 2
points à 86), la Finlande (- 5 points à 75).
Moi qui croyais que tout allait mieux que bien chez nos amis germains
de Germanie, il semblerait qu'ils n'aient pas un grand moral.
Enfin, que voulez-vous, c'est comme ça, de toute façon
il faut tenir jusqu'au 6 novembre.
En attendant le remaniement ministériel (surtout celui du
premier d'entre eux), on peut dire qu'en tout cas, actuellement, à
Matignon, c'est Ground Z'Ayrault
!
Charles
SANNAT
Directeur des Etudes Economiques Aucoffre.com
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