Durant des années, je n’ai cessé de
mettre en garde contre le fait que les titres de propriété de
l’or contenu dans les banques centrales du monde aient pu ne pas
être déclarés avec exactitude. Un rapport publié
le mois dernier en Allemagne a une nouvelle fois porté cette question
sur le devant de la scène. Dans l’environnement actuel, fait de
création monétaire et de doutes quant aux activités des
banques centrales, une telle incertitude devrait pouvoir attirer
l’attention de nombreux investisseurs.
Depuis le plus profond de la crise financière en
2008, les banques centrales du monde n’ont cessé d’accumuler
de l’or. En janvier de cette année, le FMI estimait que les
réserves d’or officielles avaient atteint un record à la
hausse sur six ans. Une majeure partie de cette augmentation provient des
pays émergeants et en développement, qui auraient accru le poids
de leurs réserves d’or de 25% depuis 2008. Il y a seulement
quelques années, l’Inde achetait 200 tonnes d’or au FMI.
Une telle augmentation pourrait surprendre ceux qui
pensent encore que les banques centrales ne tendent pas traditionnellement
à accumuler de l’or en période de récession. Le
fait qu’elles en fassent ainsi devrait ouvrir les yeux à de
nombreux investisseurs privés.
Les Etats-Unis, dont les réserves d’or
s’élevaient à 8133,5 tonnes en 2012 (et dont la valeur
actuelle est de 420 milliards de dollars), est de loin le plus important
propriétaire d’or de la planète. En raison des souvenirs
qu’il lui reste des cicatrices sociales de la République de
Weimar, l’Allemagne arrive deuxième, avec 3396 tonnes. Il est
assez surprenant de noter que selon les estimations, l’Allemagne
conserve 66% de ses réserves d’or auprès de la Fed de New
York et 21% auprès de la banque d’Angleterre. L’or
Allemand fut expatrié durant la Guerre Froide, dans les années
1950, pour le protéger d’une éventuelle attaque de
l’Allemagne de l’Ouest par l’Union Soviétique.
A la fin du mois d’octobre, Ambrose Evans-Pritchard
écrivait dans le Daily Telegraph que la cour fédérale
Allemande chargée des audits avait critiqué la Bundesbank pour
ne jamais avoir attesté physiquement de la présence de son or
dans les coffres des banques centrales étrangères et lui a
demandé d’obtenir l’accès aux sites de stockage. Le
rapport indiquait également que l’Allemagne aurait
diminué de deux tiers ses réserves d’or placées
auprès de la banque d’Angleterre en 2000 et 2001. Les ventes
d’or opérées à l’époque par la banque
d’Angleterre a certainement rendu les Allemands quelque peu nerveux. En
plus de cela, Pritchard note que la cour fédérale Allemande a
appelé au rapatriement de 150 tonnes d’or Allemand au cours de
ces trois prochaines années afin de les soumettre à un
contrôle de qualité. Ce rapport a bien entendu attisé le mouvement politique visant au
rapatriement de l’or Allemand. De mon point de vue personnel, le
rapport lève le voile sur trois autres points fascinants.
Premièrement, l’Allemagne a fortement
augmenté ses réserves d’or entre 2000 et 2009 en doublant
le pourcentage de ses réserves de devises étrangères
alloué à l’or. Selon des données publiées
en 2010 par le Conseil Mondial de l’Or, l’or constituerait
quasiment 74% des réserves de devises étrangères du
pays. Cette accumulation d’or a été enregistrée
malgré une hausse des coûts de stockage et une
probabilité proche de zéro d’une attaque de la part de la
Russie. Pourquoi l’Allemagne a-t-elle décidé
d’accumuler tant d’or ? les investisseurs ne devraient pas
ignorer ce point.
Deuxièmement, le rapport présente un niveau
de coopération et de confiance entre les banques centrales qui
défie les limites de l’imagination. Les gouvernements alliés
semblent s’être fait confiance quant à la garde de
centaines de milliards de dollars d’or non-alloué – voire,
dans certains cas, d’or non inscrit sur les inventaires. Cette
politique frise la négligence financière.
Troisièmement, certaines banques centrales, telles
que la Fed, publient les quantités totales d’or qui composent
leur inventaire. En revanche, elles ne fournissent aucun détail quant
au titre de propriété de cet or. Il est bien connu que certains
pays disposent d’or dans les coffres de la Fed, mais ces données
ne sont pas présentées par les bilans qu’elle publie.
Entre 1999 et 2009, les banques centrales ont
établi trois accords successifs sur l’or dans l’intention
de coordonner les ventes d’or à l’échelle mondiale.
De nombreux investisseurs privés voient ces accords comme de simples
tentatives de démonétiser l’or en créant une volatilité
stratégique de son prix et donc, un environnement incertain pour
l’investissement. Les opérations de négoce
nécessaire à l’établissement des fluctuations de
prix désirées ont très certainement influencé les
réserves d’or des banques centrales. Mais puisque les banques
refusent d’indiquer le titre de propriété de l’or
qu’elles possèdent dans leurs coffres, nous ne disposons
d’aucune donnée qui soit capable de le prouver.
Au cours de ces prochaines années,
l’intérêt que portent les gens à l’or en tant
que réserve de valeur devrait grandement se développer à
mesure que la confiance envers les devises fiduciaires s’estompe. Si
cette tendance se trouvait alimentée par des questions quant à
la sécurité et la propriété de l’or
présent dans les banques centrales du monde, il pourrait en
découler une volatilité bien plus importante. Si la perte de
confiance envers les monnaies fiduciaires venait à être accentuée
par une nouvelle crise du type de celles que nous avons pu voir en Europe du
Sud, les banques centrales pourraient être de plus en plus nombreuses
à réclamer leur or détenu à
l’étranger. Une telle situation finirait éventuellement
par mettre en lumière le marché de l’or fantôme sur
lequel s’activent les banques centrales.
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