Mes chères contrariées, mes chers contrariens,
Hier, notre président de la République Normal 1er
donnait une grande conférence de presse, alors qu'il s'était
engagé à se livrer à ce genre d'exercice tous les six
mois afin de rendre compte de son action aux Français.
Plus de deux heures trente d'intervention et de discussion avec les
journalistes. Je souhaitais revenir sur LA phrase marquante prononcée
par le Président et qui mérite toute notre attention.
« Bien
plus qu'une crise, nous vivons un changement du monde »
« Nous vivons bien plus qu'une crise, nous vivons un
changement du monde. Et c'est pourquoi depuis six mois, j'ai fait mes choix
et je m'y tiens sans avoir besoin de prendre je ne sais quel tournant, je ne
sais quel virage car ces choix sont conformes à mes engagements,
à mes principes et, surtout, aux intérêts de la France. »
Au moins, tout est dit ou presque dans cette phrase. Le
Président explique pour la première fois, publiquement, la
réalité de la crise que nous traversons.
Les mots utilisés sont très précis et...
prudents. Il évoque « un changement du monde ».
Le mot « changement », bien que porteur d'incertitudes,
reste un terme positif, surtout dans la dialectique de gauche. Le slogan de
campagne n'était-il pas « le changement c'est
maintenant ».
Le président de la République n'a pas franchi le Rubicon
en déclarant que nous vivions la « fin d'un
monde ». Il n'en demeure pas moins que c'est un grand pas
intellectuel qui vient d'être franchi et donne plutôt raison aux
cassandres dont je fais partie qui pensent que le modèle
économique n'est plus viable, que l'idée de croissance est
obsolète, que les notions de travail et d'emploi seront bientôt
dépassées.
Nous devrons inventer autre chose et, dans un excès d'optimisme
non maîtrisé, espérons que nous saurons collectivement en
sortir le meilleur.
Tous les
jours les mêmes problèmes
Encore une fois, j'en appelle à votre mémoire de Contrarien contrarié. Souvenez-vous avant
l'élection présidentielle américaine. Tout allait mieux
que bien. Les marchés financiers montaient, nous allions avoir plein
d'argent gratuit fraîchement imprimé. Le pire de la crise
était même passé et était derrière nous,
d'ailleurs il n'y avait plus de risque pour la monnaie unique. Enfin,
l'Espagne n'avait plus besoin d'autant d'aide que cela.
C'était il y a une semaine environ. En une semaine, et depuis
que Barack Obama est à nouveau président, on se rend compte
tous les jours qu'il y a des problèmes. Enfin, quand je dis
« on », je ne pense pas à nous. Nous, on avait
compris. Non, je pense à eux.
Eux... ce sont les « zinvestisseurs
qui animent les marchés ». C'est une espèce
d'être à la mémoire de « red
fish » comme disent nos copains anglais,
ce qui n'est pas un compliment. Le « red
fish », vous l'aurez compris, c'est le
poisson rouge. Un petit animal que ma fille affectionne tout
particulièrement et qui a la particularité de pouvoir tourner
indéfiniment dans un bocal ridiculement petit posé sur le plan
de travail de notre cuisine. Il ne s'ennuie pas notre poisson rouge. Car sa
mémoire ne dure qu'une seconde... Même pas le temps d'un tour de
bocal.
Nos amis « zinvestisseurs »
me font penser à mon poisson rouge... Enfin, pas le mien, celui de ma
fille, même si c'est moi qui lui change son eau et lui donne à
manger.
Aucune mémoire, un comportement moutonnier confinant à
la stupidité la plus extrême.
Tout le
monde peut donc découvrir subitement…
Que les États-Unis ont un menu problème d'ordre
budgétaire.
Que la Grèce est dans une situation catastrophique avec un PIB
qui vient de perdre encore 7,2 % !! D'ailleurs à ce rythme, la
Grèce n'aura bientôt plus de PIB du tout...
Que la croissance mondiale patine et ne repart pas.
Que la Japon repart en récession, mais l'avait-il vraiment
quittée...
Que les tentatives désespérées d'impression
monétaire font gonfler quelques bulles spéculatives mais ne
parviennent pas à relancer durablement l'économie.
Que l'Europe entière s'enfonce dans une récession
destructrice.
Que la France, notre pays, va mal.
Mais tout cela n'existait pas avant les élections
présidentielles américaines. Il est important de reparler de
tout ça. Il est important de montrer à quel point l'information
peut être sélective. Il est important de montrer et de remontrer
que le « consensus » empêche toute
réflexion pour la majorité.
Car il n'y a rien de nouveau... mais pourtant c'est une
redécouverte quotidienne. Ce ne serait pas aussi grave, la situation
serait vraiment drôle.
Vers une
nouvelle dégradation de la France
Nos chers « amis » allemands, qui semblent avoir
décidé de se taper la France pour se
« faire » l'euro, l'idée étant de ne pas
passer pour celui qui aura cassé la monnaie unique, nous mettent dans
une situation effroyable en pointant nos
« défauts » dans un climat où les agences
de notation sont aux aguets.
Alors nous devons nous attendre à une nouvelle
dégradation de notre note souveraine. Cette fois-ci, elle risque
d'être ravageuse, et dans cette nouvelle conjoncture économique,
il est peu probable de continuer à voir longtemps notre pays persister
à emprunter à taux réels négatifs.
Il n'y a pas à dire, c'est vraiment « un changement
du monde » auquel nous avons à faire face.
Avant que le monde change, le monde ancien devra prendre fin.
Serez-vous prêt ?
Charles SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
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