Le Sénat français
vient de proposer une petite sœur à la taxe soda : bienvenue
à la taxe Nutella. Cette nouvelle venue tombe à point, au
milieu du débat sur la compétitivité des entreprises
françaises. Les pouvoirs
publics ne sont pas à une contradiction près quand il
s’agit de régler les problèmes de santé et de
combler des déficits qui pourraient bien se creuser encore davantage.
Car le gouvernement actuel a
bien décidé d’atteindre son objectif de retour du
déficit à 3% du PIB (critère de Maastricht oblige) en
recourant à des augmentations d’impôts à hauteur
des 2/3 des efforts à consentir. Comme les prévisions de
rentrées fiscales et de dépenses reposent sur un taux de
croissance, considéré aujourd’hui par la Commission
européenne, comme peu réaliste, il est fort à parier que
l’objectif ne sera pas tenu.
Sauf à augmenter encore
quelques taxes… C’est ce que vient de faire la commission des
Affaires sociales du Sénat. Le mercredi 7 novembre, elle a
adopté un « amendement Nutella » au projet de
loi de financement de la sécurité sociale visant à
augmenter de 300% la taxe sur l'huile de palme qui entre notamment dans la
composition de ce produit, d’où son nom.. Le projet sera
examiné le 12 novembre prochain au Sénat.
Comme il était à
craindre, l’introduction en France d’une taxe nutritionnelle a
créé un dangereux précédent. Cette nouvelle taxe,
comme celle sur les sodas qui l’a précédée, il y a
un an, aurait pour objectif d’améliorer la santé des
français tout en réduisant les déficits. Dans un cas
comme dans l’autre, on sera pourtant loin du compte.
Certes, une taxe nutritionnelle
‒ surtout si elle est
placée à un niveau très élevé ‒ est susceptible de faire baisser
la consommation des aliments taxés. Mais en réaction, les
consommateurs vont leur substituer d'autres aliments qui présentent
eux aussi leurs avantages et leurs inconvénients. Comme le soulignait
un rapport conjoint de l'Inspection générale des Finances et
de l'Inspection générale des Affaires sociales,
« les effets de substitution entre produits alimentaires sont complexes
et difficiles à apprécier ».
Par exemple, même si la
consommation de sodas peut éventuellement diminuer à
la marge du fait de la taxe, cette diminution risque d'être
remplacée par la consommation d'autres boissons ou d'autres produits
alimentaires qui peuvent s'avérer plus caloriques. En effet, un verre
de jus de pomme ou de lait est à cet égard plus calorique qu'un
verre de cola.
Dans le cas de l’huile de
palme, il est vrai qu’elle contient des acides gras saturés
(tout comme les fromages qui pourraient être les prochains sur la
liste), mais elle a aussi l’avantage de ne pas contenir d’acides gras
trans, associés à des risques
sanitaires encore plus élevés (maladies cardiaques, hausse du
taux de mauvais cholestérol et baisse du taux de bon
cholestérol). En pratique, cela signifie qu'il faut soupeser les
avantages et les inconvénients des diverses huiles, car la
pauvreté en graisses saturées entraîne une perte de
maniabilité, de saveur, de texture, de stabilité, ainsi
qu'une augmentation du coût.
Qu’en est-il de la
diminution des déficits ? Les taxes sodas et nutella
n’ont pas la prétention de régler le problème du
dérapage des comptes publics. Par contre, la première puis la
seconde indiquent clairement que l’idée d’une taxation
nutritionnelle fait son chemin et continuera d’être
étendue à d’autres familles d’aliments.
Ces taxes rapporteront indiscutablement
‒ du moins dans l'immédiat ‒ davantage de recettes à l'État.
Mais la présence d'une fiscalité nutritionnelle lourde
et étendue à d'autres produits alimentaires
apportera son propre lot d'effets pervers.
D'une part, elle pèsera
de plus en plus lourd sur le pouvoir d'achat des ménages ‒ notamment les plus modestes. D'autre
part, la taxation nutritionnelle ne manquera pas de pénaliser les
capacités productives d'une filière agroalimentaire qui, selon
l'INSEE, constitue l'un « des secteurs les plus importants de
l'industrie » en France.
Accabler cette industrie d'une
nouvelle couche de taxes risque non seulement de limiter les recettes de la
fiscalité nutritionnelle à plus long terme mais aussi de
ralentir davantage encore le retour de la croissance en France où le
fardeau fiscal est déjà parmi les plus élevés
dans l'Union européenne.
Plutôt que de multiplier
les taxes, il serait plus
judicieux de considérer la baisse des dépenses publiques comme
prioritaire, d’autant plus que comme l’expliquent deux chercheurs
de Harvard, c’est là le meilleur moyen de réduire le
ratio d’endettement.
On finit par se demander si les
pouvoirs publics font semblant de s’intéresser à la
compétitivité des entreprises et s’ils ont
l’intention de s’attaquer sérieusement aux
problèmes qui bloquent la croissance en France.
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