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Y a-t-il un
droit au « mariage pour tous » ? Telle est la question qui sera
prochainement discutée au Parlement. En effet, un projet de loi
« ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
» a été présenté mercredi 7 novembre en
conseil des ministres. Les couples homosexuels pourront aussi, en leur
qualité d'époux et parce que le mariage est indissociable de la
filiation, adopter un enfant. L’État a-t-il compétence
pour redéfinir le mariage ? L’État doit-il protéger
la famille traditionnelle ? Le mariage doit-il être
politisé ?
On pourrait tout
d’abord appliquer au mariage l’analyse hayekienne
des institutions. Selon Hayek, les traditions morales et culturelles
spontanées sont des institutions fondamentales qui ont survécu
à travers les siècles. Du fait qu’elles ont
survécu, elles doivent très probablement avoir une importante
fonction sociale, de sorte que nous devons éviter de les manipuler,
surtout si nous ne savons pas toujours précisément quelle est
leur fonction. Les modifications apportées à ces institutions
ne sont pas absolument exclues, mais elles doivent toujours être
effectuées avec prudence, à titre provisoire et de
manière parcellaire. En tout cas, le fardeau de la preuve en revient
toujours aux innovateurs et non aux conservateurs de la tradition. Certains
changements peuvent en effet se révéler
bénéfiques, permettant à la société dans
laquelle elles ont lieu de s’épanouir et de surpasser ses
concurrents, mais d’autres pourraient bien s’avérer
dangereuses et inefficaces, de sorte que la société qui
abandonne ses traditions peut, dans le pire des cas, se dissoudre ou
s’effondrer.
Partant de
là, il serait tentant de penser que, le mariage étant un
contrat de droit naturel pré-politique, l’État doit
simplement le reconnaître et le protéger, comme l’ensemble
des droits fondamentaux. Beaucoup de conservateurs s’en tiennent
là et voient dans l’État leur meilleur allié. À
ceux-là je réponds que c’est un leurre. Car
l’État devenu État-providence est aujourd’hui le
plus grand fossoyeur du mariage. Ainsi par exemple, la légalisation du
divorce sans faute, autorisant une partie à abroger le contrat de
mariage sans pénalité et sans considération pour
l’autre partie, a complètement détruit
l’idée de contrat de mariage. Pire, il a sapé depuis bien
plus longtemps encore deux autres éléments constitutifs de la
famille : l’autorité des parents et la propriété
privée.
L’autorité
des parents s’exerce par l’éducation. La production des
attitudes morales et des comportements vertueux provient de la famille.
C’est en son sein que les enfants apprennent à
réfléchir de façon critique, à exercer leur
liberté et leur responsabilité. De façon plus générale,
la famille est une organisation économique beaucoup moins coûteuse
que les services publics.
Or
L’État-providence, la nouvelle religion civile du monde moderne,
est une institution collectiviste monopolistique qui exclut par principe
toute concurrence. Ainsi, au nom du bien, il exige de ses citoyens une
pensée conformiste et parfaitement normalisée. Pour ce faire il
a mis en place un monopole de l’éducation, s’assurant que
les professeurs n’enseignent que les programmes dictés par la
loi. Pour ne rien laisser passer, il a mis aussi en place des garderies
subventionnées, retirant les plus jeunes enfants à la garde de
leur mère. En pratique, le droit fondamental des parents
d’éduquer leurs enfants, selon leurs propres convictions,
n’existe plus car le lavage des cerveaux, qui commence au berceau, est
permanent.
L’État ne protège
pas la famille, il en est le véritable fossoyeur.
Tout cela ne
serait pas si grave si le droit de propriété protégeait
encore les familles contre les empiètements du pouvoir. Mais
c’est précisément pour limiter au maximum ce droit de
propriété que l’État-providence a mis en place une
fiscalité confiscatoire. L’épargne est taxée,
quand elle n’est pas insidieusement et volontairement détruite
par l’inflation. Quant au patrimoine, il est rendu quasiment
intransmissible aux enfants. Or sans héritage, les enfants ne peuvent
pas prendre soin de leurs parents correctement. Ainsi, c’est toute la
solidarité entre les générations qui est
disloquée. Isolées, désunies, appauvries de toutes les
façons possibles, les familles ne peuvent que tout attendre de l’assistance
de l’État et des services publics.
C’est
pourquoi, la défense du mariage traditionnel doit se faire
désormais par les institutions sociales ou la société
civile (églises, associations) et non plus par la contrainte de la
loi. Quand la loi prétend établir tel ou tel modèle de
vie, il en résulte une lutte entre des factions qui veulent se
l’approprier pour leur propre compte. Il en fut ainsi quand la loi
établissait le christianisme comme religion d’État. On a
vu le résultat : la lutte des anticléricaux pour
s’emparer du pouvoir et faire des lois antireligieuses.
Il se passe la
même chose aujourd’hui pour la famille. La loi défendait
la famille traditionnelle. Résultat : des groupes de pression
s’en emparent pour établir des lois anti-famille. Ceci
n’est pas pour conclure que tous les modes de vie se valent et
qu’il n’existe pas de normes objectives. Ainsi, tout en
étant convaincu que la norme hétérosexuelle est et doit être
une norme dominante pour des raisons tant biologiques que psychologiques, il
serait erroné de penser qu’elle doit être imposée
par la loi. D’ailleurs, si les modèles de vie sont en
concurrence, il est possible d’affirmer que, l’homme étant
doué d’un principe naturel de jugement, les modèles les plus
viables, les moins coûteux humainement et économiquement, en un
mot : les plus sains, attireront davantage que les autres.
Entre ceux qui
voudraient redéfinir le mariage par la contrainte de la loi et ceux
qui espèrent de la loi qu’elle protégera le mariage
traditionnel, il y a donc place pour une autre option, qui reste à
explorer, celle de la privatisation du mariage civil et de la
dépénalisation du mariage religieux. En effet, selon le code
civil : « Tout
ministre d'un culte qui procédera, de manière habituelle, aux
cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait
été justifié l'acte de mariage préalablement
reçu par les officiers de l'état civil sera puni de six mois
d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende ». Une
peine doit être appliquée quand il y a un agresseur et une
victime. Dans le cas du mariage religieux, où est l’agresseur
est où est la victime ? Le rôle de la loi est de veiller
à la sûreté des personnes et des biens, en particulier
des plus fragiles. Mais elle n’a pas à s’immiscer dans les
choix privés des individus pour les réglementer.
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