Le sujet de la dette est
actuellement omniprésent dans les médias. Quand ceux-ci
l’évoquent, ils parlent le plus souvent de la dette publique.
Celle-ci, nous l’avons déjà vu dans un
précédent article,
comprend principalement la dette souveraine ainsi que celles des
collectivités locales et des organismes de sécurité
sociale. Mais ces organisations publiques ne sont évidemment pas les
seules à emprunter. Pour définir la notion d’endettement
total, on rajoute traditionnellement les dettes des agents non financiers.
Ces derniers se répartissent de la manière suivante :
- les ménages, constitués des
particuliers, des entrepreneurs individuels et des institutions sans but
lucratif au service des ménages (ISBLSM)
- les sociétés non financières
(SNF), privées et publiques
L’exercice qui consiste
à sommer ces trois dettes permet de prendre la mesure du poids de
l’endettement global dans les principaux pays développés
et du fait qu’on approche probablement de sa limite.
Cela peut aussi sembler
osé et critiquable de les rapprocher. On ne peut, en effet, pas les
mettre sur un pied d’égalité car elles sont de nature
différente. L’entreprise investit dans du matériel ou
dans la recherche. Les particuliers vont s’endetter pour
acquérir des biens de consommation ou leur résidence principale
(ou un bien immobilier dont le loyer est destiné à assurer la
retraite). Les administrations publiques, à l’inverse,
s’endettent pour financer les dépenses courantes. Là
où l’entreprise et les particuliers investissent pour
améliorer leur rentabilité ou leur avenir, et donc créer
des ressources supplémentaires les administrations publiques
dépensent sur des critères politiques souvent
éloignés de l’« intérêt
général » (si cette notion peut avoir un sens),
comme nous l’explique
l’école des choix publics.
Donc ces trois dettes ne sont
pas de même nature, mais pourtant leur agrégat fait tout de
même sens car il ya des liens. L'État,
pour payer ses dettes, va devoir piocher dans les poches des ménages
et des entreprises, ce qui revient à leur transférer ses
dettes. Il est donc tout à fait pertinent d’étudier
l’endettement actuel de ces derniers, pour savoir s'ils seront capables
de supporter ce surpoids, et dans quelle mesure.
De plus, il est
également naturel de regarder les niveaux d’endettement parmi
les principales puissances économiques du fait des relations qui
peuvent exister entre elles. En effet, il n’y a pas besoin de beaucoup
d’imagination pour émettre l’hypothèse de dettes
souveraines grecques remboursées par les contribuables français
ou allemands.
La photographie de la
situation à la fin du deuxième trimestre 2012 est la
suivante :
C’est en Allemagne et en
France que les endettements totaux sont les plus faibles, ce qui tombe assez
bien puisque les États allemands et français sont la pierre
angulaire du dispositif de sauvetage de la zone euro (MES/FESF).
Si l’on regarde
l’évolution sur les dix dernières années, on
s’aperçoit que l’endettement total a explosé dans
tous les pays (à l’exception de l’Allemagne), le record
étant pour l’Espagne qui flirte avec les 100 points de PIB
d’augmentation :
Source : Banque de France
Source : Banque de France
Lecture des tableaux : l’endettement des ménages français
représentait 35,1% du PIB en 2002 et a progressé de 21,2 points
de PIB ces 10 dernières années.
Sur l’exemple
français, cette augmentation de l’endettement des ménages
provient principalement de la progression des encours de crédits
à l’habitat (de 337,1 à 861,6 milliards d’euros, soit
de 22,3% à 43,1% du PIB), celle-ci trouvant pour origine
l’augmentation (la bulle ?) de l’immobilier.
Une étude
de McKinsey de janvier 2012 nous permettait d’obtenir les endettements
des institutions financières. Bien que les données de McKinsey datent
un peu et représentent la situation à la fin du deuxième
trimestre 2011 (c’est-à-dire un an d’écart avec les
chiffres de la Banque de France), on peut tout de même les
intégrer et obtenir l’ordre de grandeur suivant :
Source : Banque de France, McKinsey, calcul de l’auteur
pour l’endettement des sociétés financières de la
zone euro.
Il est à noter également
qu’à ces dettes explicites s’ajoute ce que l’on
appelle les dettes implicites
pour lesquelles il faut prendre en compte les obligations futures, par
exemple pour les retraites. Et ces dernières sont
considérables :
Notons aussi que la Cour des
comptes s’inquiétait récemment
du niveau de dettes garanties par l’État, qui pourrait « influencer
négativement la perception qu’ont les investisseurs
extérieurs de la solvabilité de la France ».
Celles-ci s’élevaient en 2011 à 124 milliards
d’euros. D’ailleurs, contrairement au FESF, les émissions
du MES n'augmenteraient pas la dette publique des différents États
contributeurs.
Il est donc apparu que la
dette publique, si elle semblait à juste titre préoccupante
pour beaucoup, n’était en fait que la face immergée de
l’iceberg de la dette. Il ne s’agit évidemment pas de
condamner le principe de la dette, lorsque celle-ci provient des agents non
financiers. Mais le niveau actuellement atteint est pour le moins
préoccupant. Si les administrations publiques sont les principales
responsables de l’augmentation de l’endettement total, les agents
non financiers y ont dans la plupart des cas contribué et risquent
dans un futur proche
d’être mis à contribution de manière plus
importante pour porter ce fardeau. Or, les chiffres ci-dessus, laissent
penser qu’ils pourraient bien ne pas être en mesure de le faire.
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