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Quel bonheur d’avoir la vingtaine de nos jours dans un
pays occidental ! Jamais les perspectives d’avenir n’auront
été aussi chantantes. Et quand on sait que c’est
grâce aux nombreux efforts de notre classe politique, on ne peut que la
remercier vigoureusement. D’ailleurs, les politiciens ont
décidé de mettre un coup d’accélérateur
à leurs interventions. Jeunes d’Europe, bouclez vos ceintures :
vous allez avoir droit à un beau voyage !
Comme toutes les belles histoires, cela commence par un
constat bien alarmant : au fur et à mesure que les politiques de lutte
contre le chômage sont mises en place, le chômage augmente. Et
dans ce chômage, c’est celui des jeunes qui semble le plus
alarmant puisque ce sont les populations qui, généralement en
bonne santé, sont pleines de vigueur pour produire et faire
décoller la productivité des pays concernés. En
conséquence de quoi, les politiciens se sont fixé comme
objectif de venir à bout spécifiquement de ce chômage là : non seulement, ils
interviennent dans des politiques de lutte contre le chômage, mais en
plus ils ajoutent des dispositifs plus ou moins malins contre le
chômage des jeunes.
Et bizarrement, plus les politiciens combattent le
chômage des jeunes, plus il explose, comme en
témoigne ce joli petit graphique réalisé par Francesco
Carbone de Usemlab.com et commenté par ItalianAllegro
sur lequel on découvre, pas trop stupéfait tout de même,
que le chômage des jeunes a littéralement explosé avec la
crise et les habiles politiques de « relance »
prônées par les troupes de keynésiens en pleine
excitation.
On peut, décemment, se poser la question de savoir dans
quelle mesure, du reste, ces politiques de relance n’ont pas accru le
problème de chômage des jeunes. En effet, ces politiques se sont
traduites, pour faire court, par d’un côté une injection
monétaire assez large, et de l’autre un endettement assez massif
des institutions publiques. Inévitablement, la crise, la manipulation
monétaire et l’endettement public se traduisent
mécaniquement par un resserrement des facilités de
crédit pour les entreprises et par une baisse de la consommation des
ménages. Du point de vue de l’entrepreneur, embaucher de
nouveaux salariés devient plus délicat puisque chaque nouvelle
embauche, chaque emploi créé représente un pari sur
l’avenir. Et lorsqu’il paraît morose, on embauche moins. Et
lorsqu’on embauche moins, on prend naturellement moins de risque en se
concentrant sur les salariés qui ont le meilleur rapport
expérience / coût. Un salarié âgé dispose
d’une bonne expérience mais son ancienneté dans
l’entreprise entraîne un salaire important. Le ratio lui est
défavorable. De la même façon, le ratio sera là
encore peu favorable aux nouveaux arrivés sur le marché de
l’emploi, dont le coût est certes faible, mais
l’expérience aussi. Seule la tranche des 25 – 55 ans
permet un compromis acceptable.
Le verrouillage du marché de l’emploi par cette
tranche de population est d’autant plus important que, comme je le
mentionnais au début de l’article, les politiciens font
absolument tout pour protéger le salarié déjà
en place : en accroissant législativement le coût d’un
licenciement, les politiques de sauvegarde de l’emploi ont, de fait,
posé une barrière de plus en plus haute à
l’entrée des jeunes sur le marché. La conjonction de
cette barrière élevée, de l’accroissement subit de
la frilosité des employeurs à embaucher, et de la baisse
globale de consommation et du crédit liée
à la crise amènent certains pays, les plus exposés,
à des taux de chômage des jeunes les plus dramatiques. La
Grèce et l’Espagne, talonnés par l’Irlande, le
Portugal et l’Italie, sont les exemples qui viennent naturellement
à l’esprit. La France, bien sûr, n’arrive pas loin
derrière.
Devant ce constat, une fois passés l’effroi et la
douloureuse réalisation qu’une facture très salée
nous sera adressée (quoi qu’on ait pu faire) par
l’entremise de notre (très) cher Trésor, que peut-on
faire ?
Laisser le bazar dans les mains des politiciens, pardi !
C’est bien ainsi que le problème trouvera sa solution,
retentissante qui plus est. En effet, si certains devinent confusément
que le problème est provoqué par une pléthore de branquenouilles politocards,
cela ne les empêche pas d’attendre avec ferveur la solution
qu’amèneront ces mêmes saltimbanques de
l’économie (peut-être pour explorer de nouvelles zones
sombres de l’économie alternative). On ne sera donc pas
étonné de découvrir que se
fomente s’imagine actuellement un projet
d’interdire purement et simplement le chômage des jeunes, au
niveau de l’Union Européenne.
Oui. Vous avez bien lu. C’est le Frankfurter Algemeine Zeitung
qui a levé récemment un lièvre. La France, on le sait, a
déjà longuement travaillé pour rendre le licenciement
fort coûteux. De l’autre, l’Union Européenne
travaillerait pour rendre l’embauche obligatoire. Bien sûr, si
l’on nettoie l’aspect purement journalistique (et bien raccoleur) du Frankfurter et
qu’on va regarder les récentes
déclarations du commissaire László Andor au
sujet de l’emploi des jeunes, on se rend compte que l’obligation
pure et simple, sur une base légale, n’est pas (encore) à
l’ordre du jour, de même que ne le sont pas (encore) les
sanctions pour les entreprises contrevenantes.
Il n’en reste pas moins que le Commissaire s’est
bel et bien fixé comme objectif de s’assurer que le jeune qui
quitte le système scolaire se retrouvera, dans les quatre mois et
d’une façon ou d’une autre, soit en formation, soit avec
un emploi. Et à terme, on sent qu’il n’y aura pas moyen
d’y échapper. Pour le moment, on parle donc de mettre en place
un programme de « garantie d’emploi » pour la jeunesse, et
la seule certitude indestructible de tout cela est, bien évidemment,
qu’on va claquer pas mal de nouveaux euros fraîchement
imprimés pour financer tout ça. Le calcul économique
(idiot) qui se cache derrière une si belle proposition est le suivant
: comme des jeunes au chômage, ça coûte un pont (135
milliards grâce aux calculs diaboliquement précis d’une
commission quelconque), autant imposer aux entreprises de trouver à
les occuper, ça coûtera certainement moins cher.
Évidemment, soixante-dix années de soviétisme tendent
à prouver que le gain est très relatif : les personnes
concernées ne sont plus au chômage, mais bizarrement,
l’économie ne repart pas plus. Zut et zut. Peut-être
faudra-t-il une loi pour interdire les baisses de productivité, de
production et de richesses ?
L’enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions.
Celui que nous préparent les politiciens, qu’ils soient
français ou européens, promet d’être un
véritable boulodrome de taille cyclopéenne, amoureusement
pavé de dalles monstrueuses choisies pour leur absence totale
d’aspérité assurant une glisse sans frottement vers les
rôtissoires du collectivisme joyeux.
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