La saga de John Law et de Richard Cantillon

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From the Archives : Originally published January 16th, 2013
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Parmi toute la folie et le mauvais raisonnement de notre monde – qui s’unissent pour faire obstacle à la création de richesse – il existe une espèce qui puisse encore nous apporter de l’espoir : celle des entrepreneurs.


Dans l’attente d’un héros


Dans notre monde d’aujourd’hui, nous sommes constamment confrontés au problème de savoir ou non déterminer qui prospère de la manière la plus honnête et qui ne fait que paraître.


Le premier pourrait bien entendu être un homme sur lequel miser – si tant est que son prix soit correct et que lui et ses actionnaires aient besoin d’argent.


Le second, en revanche, est à éviter à tout prix, soit parce que son bateau a été porté plus loin que les autres par le courant de monnaie, soit parce qu’il bénéficie de l’intervention du gouvernement sur le marché libre.


Dans ce dernier cas, il y a peu de chance qu’il vous apporte quelque rendement que ce soit : il n’est dans la plupart des cas qu’une sorte de pirate licite. Il n’est pas impossible qu’il ait également trempé dans des affaires de corruption.


Mais revenons à nos moutons. Nous ne pouvons jamais être sûrs à 100% qu’une société soit de bonne foi. Nous risquons donc, au cas où elle perdait les faveurs de ses titulaires ou des électeurs, de perdre notre monnaie dans sa chute.


Par une curieuse coïncidence, il se trouve qu’il ait existé une personnification de ces deux types d’entrepreneurs il y a près de 300 ans, alors que naissait l’ère financière moderne.


Dans le Paris des années 1720, un duel faisait rage – un conflit à la fois de volonté et d’intellect – entre un homme qui promouvait les influences destructrices de l’inflation associée aux interventions gouvernementales et son antagoniste qui privilégiait l’énergie constructive des individus et l’autonomie des marchés.


Le premier était John Law, un homme qui pourrait de plein droit proclamer être le père de notre système bancaire central moderne, bien que sa Banque Royale n’ait en rien été la première institution de la sorte et n’ait pas survécu à sa disgrâce.


Mais passons-nous des préambules. Law – Ecossais émigré ayant fui la justice Anglaise et parieur légendaire – était persuadé qu’en mettant en place un système d’émission de billets de banque, il pourrait régénérer l’économie Française et la sauver de la dette et des défauts hérités du défunt Roi Soleil.


Les premiers billets de banque émis par Law étaient convertibles en or et en argent sur simple demande et étaient, comme on pourrait dire, des bénédictions. Au début du XVIIe siècle, la France était un endroit où crime et malhonnêteté signifiaient que le transport de monnaie était constamment porteur de grand danger et, plus important encore, le contenu métal des pièces en circulation à l’époque était si faible que plus personne ne leur accordait quelque confiance.


Grâce à cette monnaie peu populaire, l’or de la nation avait pu être accumulé plutôt que de circuler librement. Le commerce n’attendait qu’un moyen d’échange fiable capable de lui permettre de subsister.


Les billets de banque de Law réglèrent ce problème et s’échangeaient même avec un premium par rapport à l’ancienne devise qu’ils étaient venus remplacer.


Law, en revanche, avait des idées grandioses et ne s’est pas contenté de restreindre sa banque à sa fonction la plus désagréable. Il prévoyait d’échanger les billets de banque soutenus par l’or par des titres fonciers, l’abondance de terres lui permettrait ainsi d’émettre bien ‘plus de liquidité sur les marchés’, comme nous le formulons aujourd’hui.


Les tenants de l’école Autrichienne seront d’accord sur le fait que la tentative de promouvoir le commerce en augmentant la masse monétaire était une erreur. Mais Law était bien plus qu’un proto-Alan Greenspan : il était également moitié théoricien de gestion de capital de long terme et moitié oligarque Russe.


Sans entrer dans les détails de ce conte trop raconté [1], Law était tant captivé par son succès qu’il ne tarda pas à mélanger ses activités bancaires saines avec un projet plus ambitieux de restructuration des finances Françaises.


Pour employer un terme moderne, il eut recours à un swap dette-capital basé sur les recettes de la privatisation et l’introduction en bourse d’un champion national, une industrie monopolistique aux senteurs exotiques de marchés émergeants.


Il s’agissait bien entendu de la fameuse Compagnie des Indes.


Il est inutile de préciser que tout cela déboucha sur une terrible spéculation financière, puis, inévitablement, sur une désastreuse hyperinflation – une pathologie répliquée par un groupe d’insiders aux intentions bien plus frauduleuses dirigé par John Blunt, la Compagnie des Mers du Sud, en Angleterre.


Il est assez révélateur que très peu de personnes considèrent aujourd’hui Law comme étant un charlatan, et que l’on s’en souvienne généralement comme d’un théoricien que sa réputation a poussé à succomber à la pression politique.


Beaucoup pensent que l’application de ses méthodes serait aujourd’hui une noble politique, tout particulièrement si elle était prise à la manière très prudente habituelle des manipulateurs monétaires de notre nation.


Ce que les avocats de Law manquent à reconnaître est bien entendu la leçon à tirer de sa relation avec le pouvoir plutôt qu’avec l’économie.


C’est là le problème crucial du système mis en place par Law. Il pouvait si aisément être corrompu par l’Etat que même un géant comme lui ne pouvait faire autrement que de se trouver pris dans le tourbillon de la ruine.


Il est assez révélateur que le terme ‘millionnaire’ soit né à la même période, tout comme le mot ‘bulle’ – appliqué en majeure partie aux nouvelles sociétés qui affluaient à l’époque sur le marché de Londres alors que l’inflation faisait rage dans toute l’Angleterre.


Mais ce que nous n’entendons que trop peu est que le terme ‘entrepreneur’ est également né à cette époque, apparu pour la première fois dans l’œuvre posthume d’un homme qui d’abord avait collaboré avec Law avant de se fâcher avec lui.


L’homme dont je parle est le financier d’origine Irlandaise, Richard Cantillon.


Dans son ouvrage au titre peu créatif ‘Essai sur la Nature du Commerce en Général’ [2], Cantillon fait preuve d’un traitement anachronique de l’économie, des marchés et de la politique.


Il a apporté à la pensée monétaire bien plus que beaucoup d’autres – tout particulièrement en ce qui concerne le contexte politique – durant plus d’un siècle après son assassinat par ses servants, qui nous ont privés de son génie alors qu’il n’était pas âgé de 50 ans.


Parmi ses opinions les plus intéressantes, Cantillon attire l’attention sur les caractéristiques humaines essentielles que les Autrichiens considèrent comme la force motrice du progrès matériel. Voici ce qu’il écrit :


‘La circulation et l’échange de biens et de marchandises ainsi que leur production sont pris en charge en Europe par des entrepreneurs – et cela n’est pas sans risque’.


‘Tous les habitants d’un Etats peuvent être divisés en deux classes : les entrepreneurs et les salariés. Les entrepreneurs disposent d’un salaire qui n’est pas fixé à l’avance, au contraire des salariés qui vivent d’un salaire fixe (si tant est qu’ils le reçoivent), bien que leur rang et fonction puissent être très inégaux. Les généraux ont un salaire, les courtisans une pension, et les servants un pécule’.


‘Tous les autres sont des entrepreneurs, qu’ils disposent d’un capital pour mener à bien leurs activités, ou qu’ils travaillent pour eux-mêmes sans aucun capital. Ils sont ceux qui vivent dans l’incertitude de ce que leur réserve le lendemain’.


‘Tous ces entrepreneurs deviennent des consommateurs et des clients, le drapier fournissant des tissus au marchand de vin et vice-versa’.


‘S’il existe trop de chapeliers dans une même ville ou dans une même rue par rapport au nombre de personnes qui ont besoin d’un nouveau chapeau, certains sombrent dans la banqueroute. S’il n’en existe pas assez, alors de nouveaux chapeliers saisissent l’opportunité et viennent y installer leur boutique – les entrepreneurs s’ajustent au risque au sein de leur Etat’.


Ce que Cantillon nous explique dans ces divers passages est que c’est l’entrepreneur – l’homme qui suit son intuition, qui estime la demande des consommateurs, qui détermine combien coûte la production de biens divers et quel profit il peut espérer en tirer – qui est réellement au cœur de la vie économique.


C’est le talent de l’entrepreneur pour ce qu’il appelle spéculation productive – et non pour la forme de pari glorifié que nous associons aujourd’hui à ce terme – qui permet au marché de fonctionner. C’est par lui que se font la circulation et l’échange de marchandises et leur production.


Plus encore, les entrepreneurs sont les agents de l’avancée matérielle d’une société.


Ils créent le progrès au travers de la découverte, et s’ils sont mauvais, le marché s’en débarrasse pour ne garder que les meilleurs. Le succès des plus profitables est renforcé aux dépens des moins profitables qui ne peuvent pas continuer indéfiniment de mal allouer des ressources rares. Ils s’ajustent aux risques et aux besoins des consommateurs.


C’est là très certainement un rôle que l’Etat ne pourrait jamais jouer.


Dans notre monde d’aujourd’hui, la bureaucratie s’auto-perpétue et – comme nous l’ont illustré la NASA et la CIA au cours de ces dernières années – leur erreurs ne sont plus punies mais récompensées par une part plus grande de la tarte de nos pauvres contribuables.


Cinquante ans après Cantillon, Adam Smith a fait la remarque optimiste [3] que les forces du Bien sont généralement celles qui prévalent :


‘Les efforts uniformes et constants d’un homme à améliorer sa condition sont souvent suffisants au maintien du progrès naturel des choses et ce, malgré l’extravagance du gouvernement et les plus grandes erreurs de l’administration’.


Mais il est question ici de bien plus que du combat de chaque homme contre les prédateurs et les promoteurs et que du dénouement de la spoliation des escrocs et des membres du Congrès.


Ce qu’explique Cantillon, cce que nous devrions réellement faire pour remédier aux dommages causés par notre drôle de monnaie et la mainmise de notre gouvernement est de faire appel à l’entrepreneur, à l’homme qui ne craint pas le risque, l’homme qui vit au service de ses consommateurs et le fait bien mieux que tous ses compétiteurs.


Les hommes aujourd’hui à la retraite qui étaient autrefois des entrepreneurs de renom devraient voir leur portrait affiché dans le trois fois centenaire Temple de la Renommée.


Ce qu’ils ne devraient jamais oublier est que leur propre richesse ne peut être préservée qu’en étant employée de la même manière qu’elle a été gagnée – en la plaçant entre les mains d’autres entrepreneurs, plus jeunes, qui vivent eux-aussi une vie de risque et de constants ajustements.


De cette manière, aucun John Law de notre monde moderne ne sera jamais capable de détruire le travail d’une vie que représente leur capital.


Pour en revenir à Law, il mourut seul et dans le déshonneur avant d’être enterré dans un cimetière d’indigents.


Juste avant sa chute, il a demandé expressément à Cantillon – qui menaçait son système en convertissant ses profits en cash et les retirant à la fois du marché et des banques – de lui rendre visite.


C’est là que, comme nous le relate Baron von Grimm [4], Law a impérieusement annoncé à l’Irlandais :


‘Si nous étions en Angleterre, nous aurions eu à négocier l’un avec l’autre et à trouver un arrangement. Mais en France, comme vous le savez, je peux vous assurez que vous passerez la nuit à la Bastille si vous ne promettez pas que vous aurez quitté le royaume sous 24 heures’.


Cantillon a considéré son offre un instant avant de lui répondre :


‘Très bien. Je ne partirai pas. Mais j’aiderai votre système à connaître le succès’.


La demande de Law a conforté Cantillon dans l’idée que l’homme était désespéré et que la mania touchait à sa fin. Selon Grimm, Cantillon s’est ensuite empressé de prêter toutes ses actions à des courtiers de change.


Après avoir retiré les billets obtenus en échange de ses actions, il les a échangés contre de l’or avant de quitter le pays et d’observer son effondrement économique et la chute de Law en toute sûreté.


Cantillon est décédé prématurément, mais au contraire de Law l’inflationniste, le politicien et finalement le miséreux, il a laissé un héritage substantiel à sa famille ainsi qu’un intellectuel lumineux et une postérité ayant survécu bien longtemps après sa mort.


Cantillon, voyez-vous, n’était rien sinon un entrepreneur !

 

 

 

 

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Exactement le contraire en france !
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