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Demandez-vous : que se passera-t-il en 2013 si
nos entrepreneurs disparaissent, si leur génie créateur
n’alimente plus l'économie ? La réponse
réside dans La Grève.
Dans ce roman
prophétique, (Atlas Shrugged, 1957, La Grève
en français, traduit par Sophie Bastide-Foltz aux éditions Les
Belles Lettres en 2011) Ayn Rand montre
le prix à payer, par l'individu et par la société,
lorsque la réussite individuelle dans la société est
discréditée, punie et diabolisée. Après une crise
majeure, la société menace de s'effondrer. Mais le plus grave
c'est moins la situation économique que la folie collectiviste qui
s'empare des politiciens. À force de nouvelles lois sur
l’égalisation, d’interdictions de posséder plus
d’une entreprise, de taxes punitives, les « hommes de l'esprit
» (penseurs, industriels, scientifiques, artistes et autres
innovateurs) se mettent « en grève » et refusent de
contribuer à un monde qui leur impose une culpabilité
imméritée.
John Galt, le
héros du roman, est un ingénieur qui a décidé de
faire sécession en quelque sorte et de disparaître. À la
radio, il lance un appel à résister à l’oppression
: les victimes doivent rejeter l'éthique collectiviste qui les
condamne. « Nous sommes en grève contre l'auto-immolation.
Nous sommes en grève contre le credo de récompenses non
acquises et les devoirs sans récompense. Nous sommes en grève
contre le dogme selon lequel la poursuite de la son
bonheur est mauvais. Nous sommes en grève contre la doctrine que la
vie est la culpabilité. »
Les révolutions sont souvent
sanglantes. Mais la révolution imaginée par Ayn
Rand dans son roman est différente : c'est la grève des hommes
de l'esprit contre une société qui pratique le pillage sous
couvert d'altruisme et de philanthropie. Son héros n’est pas un
chef de guerre mais un ingénieur. C’est une adaptation
contemporaine du droit de résistance, tel qu’il a
été défini par la scolastique médiévale,
par John Locke au XVIIe siècle, puis par la Déclaration des
droits de l’homme de 1789.
Dagny Taggart est un personnage central
de La Grève. Elle est
vice-présidente en charge des opérations de la Taggart Transcontinental, une société de
chemin de fer familiale. En raison de l'incompétence de son
frère James Taggart, occupé à
obtenir des privilèges du bureaucrate corrompu Wesley Mouch à Washington DC, c'est elle qui assume seule
la responsabilité de l'entreprise.
Elle est un exemple rare d’une vie
vécue par ses propres moyens et pour ses propres valeurs. En tant
qu'ingénieur et femme d'affaire, elle fait preuve d'un savoir-faire
exceptionnel. Dagny comprend le pouvoir de la
responsabilité personnelle et du choix. Ses actions illustrent la
logique propre au libre marché. Elle est aussi confrontée
à la vive opposition des bureaucrates et syndicalistes qui tentent de
s'emparer du contrôle de sa société. Elle est
continuellement harcelée, taxée, ou réglementée -
et cela au nom de l'intérêt public - jusqu'à la faillite.
Francisco d'Anconia
est un ami de John Galt. C’est un provocateur
doué d’une ironie corrosive. Sa manière à lui de
faire la grève, c’est de ruiner par tous les moyens le
système collectiviste et de ridiculiser les bureaucrates arrogants et
prétentieux. Il se rapproche de Dagny Taggart pour l’aider à résister :
« Nos ennemis ont empoché l'argent qu'ils ne
méritaient pas, mais aussi les honneurs que nous méritions et
que nous n'avons pas reçus. Notre faute est là. Nous avons
aidé l'humanité à survivre, mais nous avons
laissé les hommes nous mépriser. Nous avons encensé ceux
qui voulaient notre perte. Nous les avons laissé vouer un culte
à l'incompétence, à la violence, aux exploiteurs, aux
parasites. En acceptant d'être punis, non pour les fautes que nous
aurions pu commettre, mais pour nos qualités, nous avons trahi nos
valeurs et accrédité les leurs. Dagny,
leur morale est celle des preneurs d'otages. Notre amour de la vertu est pris
en otage. Ils savent que tu es capable de tout supporter pour travailler et
produire. Parce que tu sais que se réaliser est l'idéal le plus
élevé qui soit ; parce que l'homme ne peut pas vivre sans cela,
et que cet amour de la vertu n'est autre que l'amour de la vie. Ils savent
que tu accepteras de porter n'importe quel fardeau pour servir ton idéal.
Dagny, tes ennemis se servent de tes
capacités, de ta générosité, de ta
résistance, pour te détruire. Ils n'ont qu'une seule prise sur
toi : ton inégalable droiture. Ils le savent. Pas toi ! Ils ne
craignent qu'une chose : que tu t'en rendes compte. Tu dois comprendre
comment ils fonctionnent. Tu ne t'en libéreras qu'en ayant compris.
Mais quand tu auras compris, ta colère sera si violente que tu
préféreras faire sauter tous les rails du réseau
plutôt que de laisser la Taggart entre leurs
mains. » (Ayn Rand, La Grève, traduction Sophie Bastide-Foltz, Les Belles
Lettres, p. 623-624)
Dagny est attirée par l'industriel Henry Rearden
(Hank), l'un des rares hommes dont elle admire le
génie et l'engagement au service de ses propres idées. Rearden possède l'entreprise sidérurgique
la plus importante des États-Unis, Rearden Metal, une entreprise spécialisée dans les
alliages de métaux. Rearden a mis au point
un alliage métallique nouveau, plus résistant que l'acier, qui
offre des perspectives technologiques extraordinaires. Pour Rearden, l'innovation seule peut empêcher la
société de sombrer dans le chaos. Mais il est haï par tous
les parasites qui veulent lui faire payer sa réussite, en particulier
les politiciens. Pourtant, Hank Rearden est
un industriel qui améliore la qualité de la vie de tous et
mérite sa récompense. Francisco d’Anconia
s’adresse également à Hank Rearden en ces termes :
Vous qui ne vous
laissez pas impressionner par les forces de la nature, vous n’avez de
cesse, au contraire, de la conquérir, pour la mettre au service de
votre bonheur et de votre confort, jusqu’où vous faites-vous
exploiter par les hommes ? Vous qui savez, par votre travail, que seul celui
qui accumule les échecs mérite une sanction, pourquoi endurer
tout cela ? Pourquoi ? Ce ne sont pas vos défauts, mais vos plus
grandes qualités qui vous valent d’être attaqué. Ce
ne sont pas vos échecs qui vous valent d’être
détesté, mais vos succès. On vous méprise pour
ces qualités qui sont les vôtres et dont vous tirez la plus
grande fierté. On vous a traité d’égoïste
parce que vous avez le courage d’agir selon votre jugement et
d’en accepter toute la responsabilité. On vous a accusé
d’arrogance en raison de votre indépendance d’esprit. On
vous a taxé de cruauté parce que vous avez
témoigné d’une totale intégrité. On vous a
qualifié votre conduite d’antisociale parce que vous regardiez
loin devant vous et que vous vous aventuriez sur des routes inconnues. On
vous dit sans pitié à cause de l’énergie et de la
discipline personnelle dont vous avez fait preuve pour atteindre votre
objectif. On vous a traité de requin parce que vous avez la
merveilleuse faculté de créer des richesses. Vous qui avez
toujours déployé une incroyable énergie, on vous a
traité de parasite. Vous qui avez créé
l’abondance, là où, auparavant, il n’y avait rien
que déserts et famine, on vous a traité de voleur. Vous qui
avez procuré à tant d’individus de quoi subsister, on
vous a traité d’exploiteur. Vous, l’être le plus
droit, le plus pur, vous avez été méprisé comme
un “vulgaire matérialiste”. Leur avez-vous demandé
: de quel droit ? En vertu de quelles règles, de quels critères
? Non, vous avez tout enduré en silence. Vous avez subi leurs lois
sans même essayer de défendre vos principes. Vous aviez ce qu’il
fallait de droiture pour produire le moindre clou, mais vous les avez
laissés vous taxer d’immoral. (Aynd
Rand, La Grève, Les
Belles Lettres, p. 460-461)
Le roman, écrit avec un génie
littéraire unique, a suscité l'inspiration et la controverse
depuis sa publication en 1957. Quelle est sa pertinence pour nous
aujourd’hui ? Après la révolte des
« pigeons » et l’exil de Gérard Depardieu,
la France n’est-elle pas en train de devenir le pays de La Grève ? Début
décembre, Depardieu déclarait : « Je pars parce que
vous considérez que le succès, la création, le talent,
en fait, la différence, doivent être
sanctionnés. » Fin décembre, Bernard Tapie
révélait que Montebourg avec « tout l'appareil
d'État » était prêt à favoriser la
candidature de son rival le groupe Rossel « en lui prêtant
50 millions d'euros ».
La France est dirigée par un
président qui n’aime pas les riches. Un président
à l’image des Français.... Récemment, un sondage
LCI-Opinion Way (29 novembre 2012) montrait que 59%
des Français étaient favorables à la nationalisation de
Florange et, parmi eux, 35% des électeurs de N. Sarkozy ! En
2013, la réalité peut-elle rejoindre la fiction ? Voulons-nous
vivre dans le monde de La Grève ?
À lire : Alain Laurent, Ayn Rand
ou la passion de l'égoïsme rationnel, Les Belles
Lettres, 240 p, 24 €.
Sur le web :
Ayn Rand un an après,
le come back
Ayn Rand, une essayiste
victime de la caricature
Ayn Rand, Robert Nozick et les droits naturels
Métaphysique et
épistémologie chez Ayn Rand
Ayn Rand et la déroute
de l'Amérique
L’origine
française du Laissez-faire. Par Ayn Rand
Lettre de Mises à Ayn Rand pour la parution d'Atlas Shrugged
Qui est Ayn
Rand ?
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