Ce sont les banques, pas leurs
clients, qui finissent par se devoir de l’argent les unes aux
autres…
Les observateurs
du système bancaire de réserve fractionnaire ont
déterminé que vos dépôts bancaires pouvaient
être utilisés par votre banque pour offrir de nouveaux
prêts bien plus importants que le montant qu’ils
représentent.
Ces mêmes
observateurs pensent qu’il s’agit là de nouvelle monnaie
qui n’aurait pas dû être créée.
Mais chacun
d’entre nous peut aisément créer du nouveau pouvoir
d’achat de la même manière. Faites dès
aujourd’hui une faveur à votre ami et vous créerez ce que
nous appellerons une faveur non retournée. J’appellerai une unité
de crédit un ‘Uf’, et dès
que possible, j’utiliserai le mot ‘Uf’
à la place du mot ‘crédit’. Et vous verrez, cela
rend les choses bien plus simples à comprendre.
Même si
vous ne le portez pas par écrit, vous prenez note d’une dette
sociale, et si votre ami vous retourne votre faveur le jour
d’après, vous annulez sa dette. C’est un peu comme
s’il vous avait remboursé un paiement.
Si votre ami
était passé par le système bancaire pour vous retourner
votre faveur, alors vous auriez la possibilité de dépenser
votre Uf où que ce soit. Le système
bancaire a ses bons côtés, comme les Ufs,
parce qu’un Uf que vous recevez de votre ami
vous devient disponible ainsi qu’à toute autre personne qui
possède un compte en banque.
Supposons que Godfrey ouvre un compte en banque et y dépose
quelques Ufs. Il peut pratiquer des transactions
dans les deux sens avec les habitants de sa ville qui ont également un
compte auprès de la même banque que lui. Il pourrait aller
rendre un service à son voisin Fred – lui construire une cabane
de jardin, par exemple – et Fred pourrait dire à sa banque de
payer Godfrey. Pour ce faire, la banque placerait
quelques Ufs négatifs sur le compte de Fred,
et quelques Ufs positifs sur le compte de Godfrey. Si le bilan de Fred était de zéro
ou négatif, alors sa banque aurait créé de la monnaie,
parce que Godfrey possèderait
désormais un pouvoir d’achat qui n’existait pas
auparavant.
Est-ce là
réellement un problème ? Peut-être pas, du moins
tant que la banque reste prudente envers Fred. Peut-elle être
sûre qu’il lui retournera des Ufs ?
La banque n’aurait pas autorisé son compte à passer dans
le rouge sans raison.
Elle le lui a
certainement permis parce que :
a) Elle détient des
nantissements, c’est-à-dire qu’elle contrôle une
partie du patrimoine non-monétaire de Fred (propriété,
portefeuille…).
b) Elle possède des informations
à son sujet : peut-être la mère très riche de
Fred est-elle en fin de vie, peut-être vient-il tout juste de
décrocher un emploi chez Goldman Sachs ?
Des
scénarios tels que celui-ci ouvrent l’accès à Fred
à des Ufs dans le futur, et une
crédibilité auprès de sa banque qui lui répond
occasionnellement en l’autorisant à avoir une balance
négative d’Ufs sur son compte en
banque. En attendant, ce sont les Ufs de la banque
qui seront donnés à Godfrey
s’il vient à les retirer.
Et quelque chose
de complètement différent se produit dans le même temps
pour étendre ce système proto-bancaire et le rendre bien plus
utile. La banque de Godfrey et la banque de la
ville voisine ouvrent des comptes chez l’une et chez l’autre.
C’est là une réponse très simple à une
règle économique : les citoyens des deux villes ont
commencé à effectuer des transactions les uns avec les autres,
et il y a donc une demande de paiement qui s’installe.
Brad vit dans la
ville voisine. Ayant construit une cabane de jardin plus solide que vous
n’en ayez jamais vue, Godfrey commence
à se faire de la publicité dans les Pages Jaunes et ne tarde
pas à se lancer dans la construction de la cabane de jardin de Brad.
Lorsque son travail est terminé, Brad donne un chèque à Godfrey (ou un équivalent électronique,
comme cela se fait de plus en plus de nos jours, bien qu’il soit plus
simple de comprendre le processus en étudiant le fonctionnement de
paiement par chèque).
Le chèque
est une autorisation écrite donnée par Brad à sa banque
lui permettant de soustraire des Ufs de son compte
en banque et d’en ajouter sur le compte en banque de la personne
mentionnée sur son chèque, c’est-à-dire soit sur
le compte de Godfrey, soit sur le compte de la
banque de Godfrey.
Le chèque
commence son voyage lorsque Godfrey le
dépose auprès de sa banque. Lorsque cela se produit, sa banque
l’accepte parce qu’elle voit bien qu’il concerne une banque
auprès de laquelle elle possède elle-même un compte en
banque. La banque ajoute donc des Ufs sur le compte
en banque de Godfrey, qu’elle déduit
du compte de la banque de Brad. Elle utilise les informations (numéro
de compte) mentionnées sur le chèque et l’envoie à
la banque de Brad comme justificatif. C’est donc la banque de Godfrey, et non Godfrey
lui-même, qui dépose le chèque écrit par Brad
auprès de sa banque.
La banque de
Brad ajoute donc des Ufs sur le compte en banque de
la banque de Godfrey, et en retire du compte
personnel de Brad (ce qu’autorise son chèque signé de sa
main). La banque de Brad doit donc désormais des Ufs
à la banque de Godfrey. Elles sont toutes
deux d’accord sur ce point. Une banque obtient les Ufs
positifs, l’autre les Ufs négatifs.
C’est là une balance d’Ufs qui
sera rééquilibrée dans le futur lorsque Brad se mettra
finalement à faire quelque chose d’utile et que des Ufs afflueront dans l’autre direction.
La banque de Godfrey devient donc dépositaire auprès de
la banque de Brad (ou son prêteur, c’est la même chose).
Elle est en quelque sorte le dépositaire agrégé de tous
les habitants de la ville de Godfrey qui
n’ont pas de compte auprès de la banque de Brad mais qui rendent
service à des personnes quoi en ont un. Ce que tout le monde
espère, c’est que Brad finisse par rendre service à
quelqu’un dans la ville de Godfrey afin que
le processus puisse être inversé et que les Ufs
puissent revenir d’où ils viennent. C’est ce qu’il
se produirait si la balance commerciale entre les deux villes était
équilibrée.
Mais que se
passe-t-il si la ville de Brad est fainéante ? Lentement, la
banque de Godfrey se construit une balance
très importante d’Ufs sur son compte
en banque ouvert auprès de la banque de Brad. La banque de Brad doit
des Ufs à la banque de Godfrey
parce qu’aucune faveur n’est retournée. La banque de Brad
manque donc grandement d’Ufs,
puisqu’elle en doit énormément à la banque de Godfrey. Cela signifie que le directeur de la banque de Godfrey pourrait se rendre à la banque de Brad et
demander à ce que sa balance lui soit livrée en liquide, ou
écrive un chèque pour que sa balance soit
transférée.
Ce n’est
pas souvent que les directeurs de banque se rendent chez l’un et chez
l’autre pour demander de retirer de l’argent pour quelques
dizaines de millions après une longue période de trafic en sens
unique. Ils le pourraient, mais ils n’ont pas besoin de le faire, parce
que dans le système bancaire moderne, ils possèdent tous deux
un compte auprès de la banque centrale – qui est en quelque
sorte une autre banque, qui dispose quant à elle du monopole de
création d’Ufs et le droit
d’imposer de nouvelles lois aux banquiers.
Aujourd’hui,
s’il se trouve que la banque de Godfrey
commence à s’inquiéter du montant que lui doit la banque
de Brad, elle retire simplement un chèque le nom de la banque de Brad
et le dépose à la banque centrale, transférant ainsi ses
Ufs depuis son compte à la banque de Brad
à son compte ouvert auprès de la banque centrale.
La banque de Godfrey ne craint ainsi plus une banqueroute
éventuelle de la banque de Brad. La banque centrale agit en tant que
compensateur de risque. A vrai dire, chaque banque qui accepte de retirer des
Ufs d’un compte pour créditer le
compte d’un dépositaire compense un risque. Une fois que le
compte de Godfrey est crédité, ce
dernier n’a plus à s’inquiéter de savoir si la
banque de Brad fait faillite ou non. En revanche, Godfrey
est toujours exposé à la banqueroute de sa propre banque.
Lorsque sa banque dépose la balance qu’elle possède
auprès la banque de Brad auprès de la banque centrale, elle se
protège elle-même contre une faillite de la banque de Brad.
C’est au tour de la banque centrale d’être exposée au risque.
Vous êtes
certainement en train de vous dire ‘alors c’est ça que
veut dire compensation de chèque !’. Bon, peut-être pas,
mais je vous l’expliquerai tout de même. Promis, je fais court.
Vous pourriez
mettre en place un système de compensation de chèque en montant
une banque et l’appelant par exemple ‘Banque des Compensations de
Chèque’. Vous pourriez ensuite ouvrir des comptes auprès
de toutes les banques du centre-ville et leur dire à toutes
qu’elles peuvent accepter des virements à leurs clients
privés pour tout chèque écrit par un membre de votre
banque. Les Ufs négatifs des banques du
centre-ville sont ajoutés au compte privé du
dépositaire, et les Ufs positifs sont
envoyés à la Banque des Compensations de Chèque en tant
que justificatif pour ensuite pouvoir être associé à
l’individu qui l’a rempli.
A chaque stage,
des Ufs négatifs et des Ufs
positifs sont ajoutés aux bilans de la banque qui reçoit le
chèque, et ce qui lie les banques entre elles est qu’il existe
pour toute balance négative d’une banque une balance positive
auprès d’une autre banque.
J’ai dit
que j’allais faire court, et je m’excuse si cela vous a paru trop
long. J’ai toutefois illustré le fonctionnement bancaire
à tous les étages et la manière dont sont
opérés les transferts bancaires. Et comme vous pouvez le voir,
l’échec de Brad et de ses voisins à faire quoi que ce
soit d’utile découle sur une importante balance d’Ufs sur un compte en banque. C’est
l’inévitabilité comptable qui découle de
l’achat effectué par Brad avec la monnaie créée
par sa banque. Cela explique également que la dernière banque
de la chaîne accepte le risque que la banque de Brad ne puisse pas
retourner ses Ufs. Et parce que les banques ne
peuvent pas annuler ce risque en écrivant un chèque au nom de
la banque de Brad et le déposer auprès de la banque centrale,
les Ufs créés par la banque de Brad
finissent généralement directement à la banque centrale.
Ces jours-ci, la
banque centrale est fébrile et se montre inquiète des
conséquences de l’éventuelle banqueroute des banques.
Elle laisse donc la banque de Brad accumuler une balance toujours plus
importante grâce à des nantissements toujours plus fragiles. Les
autres banques peuvent déposer de la monnaie de la banque de Brad
auprès de la banque centrale. Le bluff de la banque centrale (celui
qui veut que cela entraîne la fermeture de la banque de Brad) entre
alors en jeu. Si vous êtes
une banque sérieuse, vous pouvez désormais faire des affaires
avec une banque qui ne vous paiera jamais correctement, et cela ne vous
ferait pas de mal. Parce que le directeur de la banque centrale a fait savoir
à tous qu’il ne laissera pas une banque faire faillite, il a
fait de lui-même le dindon de la farce. Vous n’avez plus
qu’à déposer la balance que la banque de Brad vous doit
auprès de la banque centrale. Le directeur de la banque centrale ne
peut pas vous empêcher de le faire puisqu’il est déterminé
à fermer les yeux sur l’insolvabilité de la banque de
Brad. Après tout, vous pourriez toujours vous rendre auprès de
la banque de Brad et demander à ce que votre dû vous soit
donné en cash, qui provient de toutes les manières de la banque
centrale. Cela revient à la même chose,
c’est-à-dire à forcer les Ufs
émis par la banque de Brad vers la banque centrale. Et cela peut se
poursuivre jusqu’à ce que la banque centrale décide
qu’elle en a assez.
Vous comprenez
maintenant – du moins je l’espère – que lorsque
l’impératif de fermer une banque insolvable est corrompu par la
politique, les banquiers sans scrupules sont poussés à
créer de la monnaie (et à s’offrir un salaire
incroyable), ce qui encourage les banques sérieuses à mener des
transactions absurdes avec les plus mauvaises, transmettant rapidement tout
risque à la banque centrale qui est peu à peu
transformée en un aimant à actifs bancaires rouillés.
Voilà ce qu’il se passe actuellement – et depuis un moment
- tout autour de nous.
Les énormes
quantités d’Ufs à la banque
centrale peuvent paraître assez déroutantes lorsque l’on
entend dire ‘les bilans de la banque d’Angleterre
s’élargissent’. Et je suis sûr que lorsque les gens
lisent des articles de ce type, ils se disent qu’elle fait certainement
un travail très important. Ce que cela veut dire est qu’en
réalité, le directeur de la banque centrale ne laisse pas une
banque insolvable faire faillite, et dispose d’une balance toujours
plus importante auprès d’une banque de plus en plus fragile. Ce
que la banque centrale permet à la banque de Brad est donc
littéralement de ‘créer de la monnaie à partir de
rien’.
Revenons-donc
à notre question quant au système bancaire de réserve
fractionnaire. La banque de Brad peut créer de la monnaie et du pouvoir
d’achat en autorisant Brad à avoir une balance d’Ufs négative. Mais l’idée est que de
la monnaie électronique puisse être créée en
ajoutant simplement des nombres à des comptes est erronée. Cela
ne peut pas être fait sans que les autres banques s’en rendent
compte, puisque les dépenses de Brad transmettent les Ufs négatifs au travers des relations
interbancaires et laisse la banque de Brad devoir à la banque centrale
toute la monnaie qu’elle a créée.
C’est
l’ambivalence de la banque centrale envers la très importante
balance d’Ufs de la banque de Brad qui permet
à tout cela de se produire.
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