Je commence à douter de plus en plus de tout ce que
les régulateurs qualifient de ‘nantissement à risque
zéro’.
Le système bancaire de réserve fractionnaire
n’est pas responsable de la mauvaise pratique qu’est la
‘création monétaire’.
Il est une limite à la création
monétaire mis en place par une banque centrale pour mettre fin
à l’habitude des banques commerciales de trop pratiquer ce qui
pour elles semble tout naturel.
Les banques centrales laissaient autrefois libre cours aux
décisions des banquiers et ne s’en mêlaient que pour les
liquider lorsqu’ils étaient allés trop loin. Mais dans un
monde de protection de dépôts et de plans de sauvetage, ce sont
les banques centrales qui paient la note salée de la création
monétaire excessive. Pour limiter les risques et calmer les ardeurs
des banques commerciales, elles imposent le système de réserve
fractionnaire. Tout cela ne se produit que parce que les banques centrales
sont trop timides pour brandir leur épée en direction des
mauvaises banques.
L’état actuel des choses – qui veut que
les banques ne soient pas autorisées à faire faillite –
est bien pire que ce que nous pourrions penser. Cela va bien plus loin que
porter secours aux banques qui ont l’infortune de s’aventurer
au-delà de leur zone de sûreté. Le système actuel
force les banques à agir comme des inconscientes. Elles n’ont
pas d’autre choix que d’approcher des limites de leur zone de
sûreté jusqu’à les franchir. Toute banque qui ne
sort pas de l’assiette se retrouve moins performante que les autres et
est bien vite remplacée par un compétiteur plus agressif.
C’est comme cela que fonctionne le principe d’évolution
qu’est celui de la survie du plus fort, de la survie de celui le mieux
adapté à son environnement. Si vous n’êtes pas
compétitif dans un environnement dans lequel les banques centrales ont
la frousse, alors vous finirez par être dépassé par tout
le monde.
C’est pourquoi les banques sont forcées de ne
pas juger correctement la valeur des nantissements.
J’imagine tout à fait que le fait que les
banques centrales ferment les yeux sur la création monétaire
puisse finir par nous mener tout droit à la catastrophe. Viendra un
jour où tout explosera et nous nous retrouverons au fond d’un
très, très grand trou. Mais il est nécessaire de
comprendre comment la monnaie grimpe jusque tout en haut de la pyramide des
compensateurs pour être capable de discerner ce qu’il se produit.
Imaginez q’un homme du nom
de Godfrey gagne sa vie en construisant des cabanes
de jardin. Voyons ce qu’il se passerait si les banques
commençaient à accepter les cabanes de jardin comme
nantissement contre les nouveaux prêts.
Les gens pourraient alors utiliser leur cabane de jardin
à deux fins différentes. Elles auraient bien entendu bien plus
de valeur aux yeux de ceux qui ont besoin et d’un abri de jardin et de
dette. Même ceux qui n’ont pas d’outils de jardinage pourraient
soudainement se rendre compte de ce que sont vraiment les cabanes de jardin
et de ce qu’elles valent, même vides.
Godfrey
construit donc des cabanes. Il en construit des tas pour des gens comme Brad,
qui doit à sa banque des fortunes qu’il n’a pas
l’air d’être sur le point de rembourser d’ici peu. Et
pourtant, sa banque pense tirer un profit respectable, parce qu’elle
n’appréhende pas les prêts nantis par les cabanes de
jardin comme étant douteux ou à risque. Les cabanes
représentent pour le moment un excellent nantissement à hauteur
de 99% de leur valeur marché, et aucune banque de la ville de Brad ne
pourra survivre si elle refuse de reconnaître ce fait.
Godfrey
recrute donc des employés, et aucun chèque n’est jamais
refusé. Le nombre de cabanes de jardin augmente fortement dans la région,
et la banque de Brad se retrouve vite dans le rouge auprès de la
banque centrale.
Viendra un jour où, et malgré sa frousse, le
gouverneur de la banque centrale enverra une lettre recommandée au
patron exubérant de la banque de Brad pour lui demander de repenser
l’utilisation de cabanes de jardin comme nantissements. Bientôt,
les cabanes de jardins qui jusqu’alors avaient deux utilités ne
serviront à nouveau plus qu’à ranger des outils de
jardinage – faisant ainsi chuter leur valeur intrinsèque. Le fait
que les cabanes de jardin soient disponibles en abondance ne fera
qu’aggraver le problème. Le moment sera alors très mal
venu de posséder une cabane de jardin.
C’est plus ou moins de cette manière que nait
une crise des subprimes et tous les
problèmes qui en découlent.
Je commence à douter fortement de tout ce que les
régulateurs bancaires qualifient de nantissement à risque
zéro. Il est bien évident qu’à chaque fois
qu’ils disent ‘voilà un actif qui est solide comme le
roc’, les banques se mettent à en acheter jusqu’à
en pousser la valeur jusqu’à des niveaux ridicules qui ne
peuvent être maintenus et finissent par générer
d’énormes balances à la banque centrale.
Il existe aujourd’hui une forme de nantissement
soi-disant solide comme le roc qui est déjà
surévaluée de manière grotesque et qui infeste le
système financier dans son ensemble, se préparant à nous
porter un coup fatal – rien à voir avec
l’échauffement que nous venons de voir en nous penchant sur
l’exemple des subprimes.
Vous l’aurez compris, ce dont je fais mention ici
sont les obligations souveraines.
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