En ce temps de
crise budgétaire, une des stratégies
préférées des gouvernements est la hausse des
impôts. La hausse de la fiscalité permet à l’État
d’augmenter ses recettes sans avoir recours à des coupes
budgétaires. Non que ces coupes budgétaires soient mal vues par
la population en général, mais elles le sont surtout par les
groupes d’intérêt ciblés par ces coupes
budgétaires : grandes entreprises ou segments
« défavorisés » de la population. Or,
ces groupes d’intérêt jouent un rôle essentiel dans le
maintien ou non d’un gouvernement au pouvoir.
Néanmoins,
il faut bien une justification à cette hausse des impôts, non
pour convaincre les groupes d’intérêt mentionnés,
mais pour convaincre les contribuables de l’importance de
l’effort supplémentaire qui leur est imposé. L’État
dispose à cet effet de deux alternatives. D’un
côté, il peut utiliser une justification purement morale
(certains diraient plutôt « moralisatrice »),
comme par exemple « les riches doivent rendre quelque chose en
retour car ils tirent nombre d’avantages de la
société dans laquelle ils vivent ».
D’un
autre côté, l’État peut recourir à des
arguments économiques.
La mise en
place de la stratégie moralisatrice souffre de deux difficultés
majeures. D’abord, il faut bien reconnaître qu’il existe
à l’égard de la fiscalité un certain relativisme
moral. Il n’y a tout simplement pas de morale commune sur ce point.
Certains, riches ou pauvres, condamneront toute imposition dépassant
un certain seuil, tandis que d’autres seront partisans de tout effort
fiscal au nom du bien commun, et ceci pour des raisons différentes. Il
est alors difficile de plaire à tout le monde. Il y a ensuite la
question politique. Quelle que soit la position morale de la population vis-à-vis
de la fiscalité, si elle trouve le corps politique moralement peu
crédible, elle acceptera difficilement tout effort fiscal supplémentaire.
Côté
économique, la justification consiste à présenter
l’effort comme économiquement avantageux pour la population. Par
exemple : « sans hausse des impôts, la crise
s’aggravera », « sans impôts, pas des
services publics ». L’essence de l’argument
économique est bien évidemment pour l’État de
fournir des biens publics.
Il faut
remarquer cependant que l’argumentaire économique de l’État
est crédible si et seulement si
la population voit plus d’utilité à la production étatique
des biens publics qu’à leur production privée. Pour ce
faire, l’État procédera à une politique de
communication visant à convaincre la population de l’efficience
économique de l’utilisation de ses recettes fiscales.
On verra
même une stratégie visant à justifier la fiscalité
en combinant des arguments moraux et économiques, comme l’est
l’argument du « patriotisme économique »
du gouvernement Hollande. Ce dernier insiste, en effet, sur
l’idée que payer plus d’impôts permettra de
maintenir le service public français et ainsi de maintenir la grandeur
de la nation française. En effet, la stratégie
moraliste-économique consiste précisément à
associer des efforts économiques – c’est-à-dire,
des dépenses de ressources – à des biens publics de
nature abstraite, difficiles à quantifier comme la réputation
financière du pays ou son standing auprès des autres pays dans
l’échiquier mondial.
Dans tous les
cas, la justification économique des impôts est fondée
sur la capacité de l’État à fournir des biens et
services qui ne seraient pas disponibles, du moins pas en quantité ou
qualité suffisantes, s’ils l’étaient par le secteur
privé.
Nous verrons cependant
dans le prochain billet que la justification économique de l’État
n’est pas défendable car l’État fait un très
mauvais usage du calcul économique par rapport au secteur
privé, qu’il soit à but lucratif ou non.
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