C’est curieux, n’est-ce
pas ? Le fameux or-papier (les contrats à terme) a un prix qui est non
seulement proche de celui de l’or physique, mais qui semble aussi s’y référer.
Et ce malgré le fait que l’or papier soit vilipendé par la communauté de
l’or.
J’écris ces lignes un dimanche
soir alors que de très faibles niveaux de liquidité sont disponibles sur les
marchés. Et pourtant, le prix de l’or au comptant (XAU) est de 1665,80
dollars, et les contrats à termes arrivant à échéance au mois de décembre
sont à 1674,40 dollars. Notez un écart positif de 0,5% entre le prix comptant
et le prix à terme. Cet écart est remarquablement consistant au fil du temps.
Si le prix comptant chute de 1,2%, alors les contrats à termes du mois de
décembre chutent également de 1,2%.
Il est essentiel de souligner
que ce sont là des prix différents, pour différents produits, sur différents
marchés. L’or papier n’a rien à voir avec l’or physique ! S’il
n’existait aucune force qui lie ces prix entre eux,
ils se détacheraient et l’un pourrait grimper dans le même temps que l’autre
chute. Mais ce n’est pas ainsi qu’ils se comportent. Pourquoi ? Quelle
est cette force mystérieuse qui les lie ?
Faisons un pas en arrière un
instant. Les marchés à terme existent pour servir les besoins des producteurs
et des consommateurs. Les producteurs – miniers dans le cas de l’or – ont
besoin d’un financement prévisible et consistant, c’est pourquoi ils vendent
une partie de leur production à l’avance. Les consommateurs, tels que les
entreprises de fabrication de biens électroniques, ont également besoin de
sécuriser à l’avance l’achat des matériaux dont ils ont besoin. Les deux
peuvent signer un contrat qui fixe un prix à une date ultérieure.
Bien entendu, sous un étalon
or, le marché de l’or n’existerait pas. Les contrats à terme de tous les
autres bien seraient fixés en termes d’or. L’or ne serait pas disponible avec
remise, et personne n’aurait à payer de premium pour en obtenir. Il serait
possible d’en emprunter sur intérêt, mais cela correspondrait à un marché
d’obligation, pas à un marché à terme.
Lorsqu’un marché à terme est
établi, les spéculateurs parient sur l’avenir des prix. Ils ne produisent pas
le bien en question ni ne l’utilisent. Ils ne peuvent pas fournir de l’or à
un acheteur, et n’en demandent pas la livraison. Ils désirent simplement
profiter d’une fluctuation de prix. Ils pensent avoir des connaissances
supérieures à celles des autres participants au marché, et utilisent le
marché à terme comme un centre de pari plus simple que le marché physique. En
plus de cela, le marché à terme offre un effet de levier.
Voici à quoi ressemble la
théorie des marchés à terme. Les producteurs et les consommateurs tentent de
réduire le risque. Les spéculateurs placent des paris, ennuyant parfois les
producteurs, parfois les consommateurs.
Nous n’avons pas encore
expliqué pourquoi le prix de l’or papier semble traquer celui de l’or
physique. Pour ce faire, nous avons besoin d’introduire un troisième acteur
sur le marché à terme. L’arbitre se moque du prix, il se concentre sur
l’écart. Il peut acheter du métal physique dans le même temps qu’il vend un
contrat à terme. Cela lui rapporte 8 dollars par once en se basant sur les
prix cités plus haut, ou un peu plus de 0,5%. Comparé aux rendements des
obligations sur un an, qui est de 0,15%, ce n’est pas si mal.
Tant que le prix des contrats
à terme est supérieur au prix du métal physique, l’arbitre peut acheter du
métal et vendre des contrats à terme pour empocher l’écart. Cela entraîne
bien entendu une hausse du prix du métal et une baisse du prix du papier,
diminuant l’écart. Il cesse ses opérations lorsque l’écart devient trop peu
important et ne suffit plus à couvrir ses risques.
Si les contrats à terme
deviennent moins chers que le métal physique (ce que l’on appelle
backwardation), ceux qui possèdent de l’or physique le vendent et achètent
des contrats à terme dans l’intention d’en demander la livraison. Dans ce
cas, le prix du métal diminue et celui des contrats à terme augmente. Comme
dans l’exemple précédent, l’écart diminue.
Ce n’est pas une théorie
académique. Cette analyse peut permettre de comprendre ce qu’il se passe
réellement sur le marché. De temps à autres, cela paraît assez évident, mais
uniquement à ceux qui savent observer l’écart.