À chaque
semaine son nouveau pénitent cathodique. Sans doute une nouvelle
tradition de la France-réconciliée-avec-elle-même™,
sauf avec ses riches. Après Cyril Hanouna,
c’est au tour d’Alessandra Sublet de
« dévoiler » aux Français son salaire.
Tyrannie de la transparence ou souci légitime ?
Les deux en
réalité.
D’une
part, il est inconcevable que nous n’ayons pas accès au centime
près aux salaires, primes, et avantages que reçoit toute
personne payée par de l’argent public. Non parce qu’elle
en gagne peu ou beaucoup, mais parce qu’il s’agit de
l’argent de tous !
Il est tout
à fait anormal que nous ne puissions pas simplement consulter les
grilles salariales de chaque ministère, de chaque administration
régionale, internationale, ou d’un établissement culturel
public. Disposition pourtant prévue par l’article
XIV de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Dans cette
perspective, il n’y a aucune raison de laisser planer plus de
mystère sur les revenus d’Alessandra Sublet,
salariée de la chaine France 5, que sur les émoluments d’un
parlementaire, d’un conseiller général, ou d’un
professeur d’Histoire de l’éducation nationale. Ils sont,
dans tous les cas, rémunérés pour assurer une mission de
service public.
Il en va tout
autrement dans le secteur privé, dans lequel la richesse en question
est créée. Ainsi, la recherche de la transparence dans le
privé est très loin du souci de la bonne dépense des
deniers publics. Ce souci légitime d’information sur
l’utilisation des deniers publics devient une insupportable pulsion de
jalousie collective, alimentée par les idéologues de
l’égalité, qui estiment que chaque euro gagné par
un capitaliste l’a été sur le dos d’un
exploité.
Il faut
remettre les choses à l’endroit, car c’est en
réalité rigoureusement l’inverse : chaque euro
gagné par le directeur de TF1 a permis de faire gagner d’autres
euros aux salariés de TF1. En revanche, chaque euro gagné par
le Président de France Télévision l’a
été sur le dos des contribuables français.
Il est donc
fondamental de distinguer le droit au secret bancaire pour celui qui
s’enrichit grâce à son travail et sa
créativité, du devoir de transparence de l’État
quant à l’utilisation de l’argent des contribuables.
Dans certains
cas, l’arbitrage est plus compliqué. Le cas des acteurs, par
exemple, qui dans une certaine mesure, cumule les deux cas de figure (et de manière
générale, toutes les activités subventionnées par
l’État).
Il serait tout
à fait normal de connaître la part
« publique » de l’argent gagné par tel ou
tel metteur en scène Français. Il ne s’agit pas de
s’intéresser à ses succès ou à ses
échecs, mais de savoir ce que devient l’argent
prélevé aux contribuables. À chacun de juger, ensuite,
s’il est moral ou juste que les impôts payés par un
smicard qui fait des ménages la nuit servent à engraisser les
rentiers de la culture subventionnée (qui n’étant d’ailleurs
pas à une contradiction près, condamnent « le
système » à longueur de films…).
Evidemment, le
« minable » lâché par Ayrault n’est
pas l’ « enrichissez-vous » lancé par
Guizot.
O tempora, o mores…
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