La France, terre de liberté ?
Rassurez-vous : ça n’était plus franchement vrai depuis un moment, et ça va
devenir pire dans les mois qui viennent. Le gouvernement, les parlementaires,
l’opinion publique elle-même s’emploient à dissoudre consciencieusement cette
idée ridicule dans un gros baril de sécurité d’état, d’outrance et
d’égalitarisme…
Pour s’en convaincre, il
suffit de regarder quelques éléments d’actualité qui s’enchaînent dans une
relative indifférence des médias. Il faut dire à leur décharge que le tableau
d’ensemble brossé par ces morceaux de bravoure n’est visible qu’en prenant un
peu de recul. Chacun, pris séparément, n’est qu’un point de cette couleur
brune ou d’un vert-kaki douteux supplémentaire à une toile déjà chargée sur
laquelle le nez des médias est constamment scotché au point d’en avoir sur le
bout.
Cependant, lorsqu’on s’éloigne
un peu, le doute n’est pas permis : la France n’est plus si loin d’une
République Soviétique traditionnelle au point que ceux
qui y reviennent de temps en temps ne peuvent que constater l’effondrement en
cours.
Prenez le cas de Mélenchon. Ce dernier, épuisé (politiquement,
physiquement et financièrement) après ses vestes mémorables à la
présidentielle et aux législatives de l’année dernière, ne faisait plus guère
parler de lui. Progressivement, une fois ses blessures (d’amour-propre)
léchées et refermées, le voilà qui montre à nouveau le bout de son gros nez
et qui profite de l’amateurisme consternant d’un gouvernement de clowns et de
branleurs pour venir poser sa petite crotte dans des médias toujours aussi
complaisants. Il profite de la proposition de loi ahurissante d’amnistie
(déjà discutée dans un précédent billet) pour se poser, une fois de plus, en
défenseur de la veuve, de l’orphelin et du syndicaliste injustement
pourchassé en France, comme chacun le sait.
Pour rappel, cette proposition
consiste à amnistier les faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et
d’activités syndicales et revendicatives jusqu’au 6 mai dernier, autrement
dit à passer l’éponge sur toutes les destructions d’outil de travail, les
séquestrations de patron, les tabassages syndicaux, les intimidations et
autres faits parfois mafieux qui caractérisent assez bien la vie
syndicale dans ce pays. Évidemment, un tel projet ne peut qu’enchanter toute
l’extrême-gauche (qui rêve encore, de nos jours, à de grands soirs et des
petits matins qui chantent), les écolos (la version bio des précédents) et
même une bonne partie de la gauche dite parlementaire (la version molle et
pateline des précédents). D’ailleurs, mercredi, le Sénat devra voter pour ou contre cette proposition d’amnistie.
Et là, Mélenchon attend les
sénateurs au tournant. Ça va charcler :
« On va voir quel est le
degré d’indépendance des parlementaires socialistes et d’Europe Ecologie-Les
Verts. Ceux qui ne voteront pas avec nous, on ne les lâchera pas. On les
pourchassera jusque dans le dernier village de France. »
Poutine aurait ajouté « jusque dans leurs
chiottes », mais on comprend l’idée générale : ceux qui
auront la désagréable idée pas républicaine d’être en désaccord avec cette
loi d’amnistie rencontreront Boris et Igor, les copains lituaniens de Mélenchon, qui leur péteront un
genou ou deux et l’affaire sera réglé, à l’amiable comme il se doit en
démocratie. Eh oui : la liberté d’opinion passe aussi par ce genre
d’arrangements.
On pourrait croire que
j’exagère, mais cette façon de penser, ces expressions, ces menaces même pas
voilées contre ceux qui ne pensent pas, ne votent pas comme il faut, c’est la
suite logique de la déliquescence démocratique qui s’est emparée de la France
depuis déjà un bon moment et dont la presse, le nez collé à la
micro-actualité quotidienne, n’a absolument rien à faire.
Prenez
Aurélie Filippetti. Si, avec Jean-Luc l’aigri, on
avait droit aux remugles du trotskisme assumé et des méthodes d’intimidations
habituelles des phalanges communistes, bref, du muscle et du poing bien
concret, avec la ministre de la Culture, on retombe dans l’oppression administrative
feutrée, la clef de bras discrète par l’utilisation habile de tous les moyens
qu’offrent la fiscalité et l’opinion publique.
Et là encore, c’est d’autant
plus facile qu’à force de tordre le sens des mots, les citoyens eux-mêmes se
rangent aux analyses foireuses des politiciens. Les contribuables ne fuient plus l’enfer fiscal français,
ils fraudent la solidarité nationale pour
se réfugier dans des paradis
fiscaux. Dernier en date : l’animateur Arthur qui, malgré ses
nombreux amis et ses propres penchants de gauche sociale, solidaire et bisou
compatibles, a dû juger dans un moment d’égarement que se faire ramoner
l’intégralité du colon par les services fiscaux pour financer les soirées petits-fours d’Aurélie, ça commençait à bien faire.
La ministre a donc, très
calmement, expliqué qu’il y aura rétorsion : puisque le contribuable ne veut pas
cracher au bassinet, pas question que les chaînes publiques emploient à
nouveau ses services. D’un certain point de vue, c’est de bonne guerre : on
pourra objecter qu’il n’y a aucune raison que le service public (qui vit des
deniers de l’État, donc de tous) accepte de reverser une partie de son argent
à quelqu’un qui fait tout pour échapper aux impôts punitifs du pays. Mais ce
serait aussi aller un peu vite en besogne et oublier que l’animateur ne fait
rien d’illégal en l’occurrence.
De ce point de vue, on
pourrait considérer que la loi est trop permissive, ce qui tend à montrer,
une fois encore, que la Prison Fiscale France va se renforcer. Youpi. Ou on
peut estimer qu’il s’agit d’une pure obligation morale (cette morale dont les
socialauds se gargarisent et se barbouillent les
babines à longueur de temps), celle de participer à la faillite fiscale
française, y compris jusqu’à en déposer le bilan le cas échéant. Dans ce cas,
pourquoi l’assortir de menaces ? Aurélie, si ton combat est moral, juste,
grand, il n’y aura pas besoin de faire plier par la force l’animateur : son
public lui fera très bien sentir qu’il a dépassé les bornes. Et si tu en
viens à utiliser ce genre de procédés, Aurélie, c’est précisément parce que
tu sais que ce combat n’est qu’un énième avatar de ce besoin inextinguible de
pognon par l’État, qu’il n’est pas moral, mais motivé par la cupidité.
Et
à ces bons procédés d’une gauche totalitaire qui n’hésitera pas à fermer le
poing, à cette autre gauche de fer dans un gant de velours administratif
létal, il faudra ajouter la gauche gluante du sécuritaire, de la République
du Bisounoursland qui ne s’est jamais autant
acharnée à distribuer du câlin, du réconfort et des édredons moelleux pour
atténuer les angles saillants de la vie. Prenant toujours prétexte des
méchants pédophiles, des vilains nazis et des abominables racistes qui
hantent les interwebs par paquet de douze comme la
mauvaise bière qu’ils boivent, on apprend, atterré mais pas surpris, que le
gouvernement prépare encore
une réforme de loi de 1881 sur la liberté de la presse, afin
de mettre en coupe réglée cet espace de libre expression qu’internet était
encore à peu près.
Bien que la plupart des
Français soient maintenant majoritairement convaincus que les médias traditionnels sont biaisés et tous dans le
même sens (à gauche, donc), Internet constitue pour eux le seul média
garantissant la liberté d’expression. Heureusement, l’intervention musclée
des politiciens, à force d’ajouter des lois sur des dispositions, des
circulaires, des commissions et des Hautotorités
(HADOPI en premier), va permettre de revenir bien vite sur cette situation
d’autant plus scandaleuse qu’elle échappait jusqu’à présent pas mal au
contrôle de ces petits saprophytes.
Encore une fois, chacun de ces
éléments, aussi ridicules qu’agaçants, ne constitue pas en soi une preuve
irréfutable que ce pays est foutu. L’avalanche de ces éléments, en revanche,
pris dans leur funeste ensemble, ne laisse aucun doute : chaque jour qui
passe, une petite liberté est gommée, un coup de canif est fiché au contrat
républicain et démocratique. Chaque jour qui passe, les collectivistes font
assaut d’imagination pour tordre le sens des mots et prétendre travailler
pour notre bien à tous, et, sans que le citoyen ne s’en rende vraiment
compte, chaque jour qui passe, un nouveau clou est planté dans le cercueil
confortable et capitonné qu’ils nous ont réservé.
Et un cercueil, aussi
confortable et capitonné soit-il, finit toujours par être enterré.