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« O povo
é quem mais ordena » (c’est le peuple qui seul
commande), ce vers de la
chanson interdite de Zeca Afonso dont la
diffusion sur la radio officielle avait donné le signal, le 25 avril 1974, de
la fin de la dictature et des guerres coloniales, a trouvé une nouvelle
jeunesse au Portugal. Grândola, Vila Morena est devenu
l’hymne d’une protestation massive qui s’est renouvelée aujourd’hui pour
faire suite à celle de septembre dernier, repris à 18 heures avec émotion
dans tout le pays par des « marées humaines » dont le modèle a été
emprunté aux Espagnols. Des centaines de milliers de manifestants étaient
dans les rues de toutes les villes portugaises, portrait d’une société en
colère mais défilant dans un silence impressionnant, n’étant pas habituée des
cortèges, à l’exception de groupes plus militants. Tous les âges et toutes
les conditions étaient représentés, donnant l’impression que le pays tout
entier cherchait à s’évader d’une prison, à se faire entendre sans y
parvenir, ce que les Espagnols traduisent avec leurs « cris
silencieux ». Sur la multitude des pancartes improvisées, on pouvait
lire « Bandits, rendez-nous notre argent ! » ou « Qui s’endort
dans la démocratie, se réveille dans la dictature » ou « élections
maintenant ! » et « ne volez pas notre
futur ! ».
Les manifestations ont été
organisées via les réseaux sociaux afin « que la Troïka aille se faire
voir ! », un message relayé par une multitude de groupes et
d’associations, la CGTP-IN – le principal syndicat – ayant également appelé à
les rejoindre. À Lisbonne, le Parlement a été symboliquement encerclé et les marées
(celles de la santé et de l’éducation, mais aussi celles des féministes et de
l’arc-en-ciel ou encore des indignés et des retraités) ont convergé vers la
place du Marquis de Pombal pour n’en faire plus qu’une, avant de lentement
descendre l’avenue de la Liberté et se diriger vers le Terreiro
do Paço, au bord du Tage. De partout affluèrent
tous ceux qui n’étaient dans aucune. Un groupe de militaires en civil du
temps du 25 avril s’était de son côté formé avant de s’intégrer dans le
cortège.
Une « motion de censure
populaire » a été lue depuis le podium dressé sur l’immense place noire
de monde face au Tage : « Ce gouvernement est illégitime, élu sur la
base de promesses qu’il n’a pas accompli.(…) Que le
peuple prenne la parole ! Parce que si le gouvernement ne peut pas démettre
le peuple, le peuple peut démettre le gouvernement. C’est au peuple de
décider ».
Peintre et designer, Margarida Alfacinha était de la
multitude. Son histoire mérite d’être racontée : elle a trouvé une manière
bien à elle de rembourser sa dette aux organismes sociaux car, travaillant
sans contrat dans un système appelé au Portugal les « reçus verts »
(recibos verdes), elle
n’a pu payer la couverture sociale qui représente 30 % de son revenu. Elle
vient d’entreprendre une série de 375 peintures d’un format de 24×15
centimètres – « sur un papier de fort grammage et avec une générosité
élevée », comme elle le précise – qu’elle va proposer à la vente 20
euros chacune afin de payer les 7.500 euros qu’elle doit.
C’est avec un jeu de mot
intraduisible : « Quando uma
dívida se torna uma dádiva » »(quand une dette devient un don) et sur une page facebook qu’elle a popularisé son initiative, relayée
par les médias portugais. Margarida espère que ceux
qui achèteront ses dessins trouveront avec eux « l’espoir et surtout la
capacité d’agir », car elle s’efforce de « peindre des choses
positives, le futur et la joie, le bonheur des choses les plus positives que
l’on rencontre dans la vie ». (Spécial copinage).
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre,
Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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