En politique, rare est
l’unanimité. Et pourtant, Hollande réussit le pari de se mettre à peu près
tout le monde à dos, tant du côté de ses opposants traditionnels que du côté de
ses alliés. On ne compte plus les éditos, les chroniques, les articles
d’opinion de grands « penseurs » et autres journalistes autant de
gauche que de droite qui constatent que la politique de Hollande se résume à
une augmentation des impôts tous azimuts et une totale indigence d’objectifs
clairs.
Et si l’on se rafraîchit la
mémoire, cette absence dramatique de cap était annoncée depuis le départ
puisque le candidat Hollande souhaitait essentiellement le changement, sans
jamais préciser en quoi, ni comment. Avec un capitaine de pédalo dont le cap
est le changement, on comprend que le bateau France fasse des ronds dans une
eau de plus en plus tumultueuse. À cette lacune décontractée d’objectifs, il
faut ajouter une inexpérience évidente du pouvoir, visible jusque dans le
choix d’un premier ministre qui a tout du gaz inerte : incolore, inodore et
sans saveur. Non seulement, le gouvernement de Jean-Marc Azote ne semble en
rien tenu par une quelconque discipline, les saillies problématiques des uns se succédant aux boulettes tragi-comiques des autres, mais en plus,
absolument aucune action d’ampleur significative ne peut être versée à son
crédit, à l’exception notable mais ô combien dilatoire des bricolages
sociétaux dont — il faut bien le dire — le peuple aurait très bien pu se
passer encore quelques années devant les urgences économiques qui
s’accumulent.
Devant cette débâcle, on aurait
pu s’attendre à un déferlement d’attaques de la droite, et surtout, à un
rassemblement large et cohérent de l’opposition.
Force est de constater qu’il
n’en est rien. Je passe rapidement sur l’affrontement aussi pathétique
qu’illustratif entre Jean-François Copé et François Fillon, deux petits coqs
avides de devenir calife à la place du calife alors que ce dernier, justement,
est en tournée mondiale de branlouillage festif
pour arrondir ses fins de mois et n’a, à l’évidence, plus rien à carrer du
microcosme politique parisiano-parisien. Je ne
m’étendrai pas non plus sur les chamailleries d’enfants gâtés de l’opposition
pour la mairie de Paris, et les déchirements internes de l’UMP, la création
de l’UDI par un Borloo illisible, ou les pleurnicheries à présent inaudibles
d’un Bayrou dont, je vous le rappelle, il fut un jour considéré comme dans
l’opposition aux socialistes (ce qu’il est réellement maintenant est
probablement l’objet d’une demi-douzaine de thèses en sciences politiques de
l’extrêmement-petit, mais n’intéresse plus personne d’autre).
Eh oui : bien que les
socialistes actuels puissent maintenant revendiquer sans risquer la moindre
usurpation le titre de la Plus Belle Bande De Clowns Inopérants Jamais
Parvenue Au Pouvoir, la droite et le centre n’en ont absolument pas profité
pour proposer une alternative crédible. On peut se demander pourquoi. Et on
peut aussi observer que pour exister, une opposition devrait, par définition,
s’opposer.
Or, s’il y a bien une chose
que ni Bayrou, ni Borloo, ni Fillon, ni Copé, ni NKM, ni Estrosi
ni aucun autre ténor de la « droite » ne fait, c’est s’opposer.
Quand on voit qu’il semble
parfaitement admis qu’un type comme Christian Estrosi
puisse prétendre être à droite alors qu’il distribue exactement la même purée que celle qu’on trouve
à gauche, on commence à comprendre le problème.
Quand on voit ce que fit NKM
pour l’écologie (les fameuses PM10 ne sont qu’un exemple) et le réchauffisme climatique, on a du mal à voir une
quelconque ligne de démarcation d’une Batho ou
d’une Duflot. Cécile, Delphine et Nathalie sont
d’ailleurs parfaitement interchangeables dans leurs analyses écologiques et
les « solutions » qu’elles proposent aux problèmes qu’elles se sont
acharnées à trouver. Du reste, cette remarque est si évidente qu’elle n’a pas
échappé à Marine Le Pen.
Quand on voit que Bayrou ne se
réveille de sa léthargie centriste que pour sortir une énorme connerie égalitariste typiquement gauchiste, on peine à
voir la différence avec les discours d’un Mélenchon, une fois la fièvre et la
passion du vieux communiste évacuées pour s’adapter au contenant mollasse du
patron du Modem. Qui d’autre qu’un collectiviste à la petite semaine peut
parler d’égalité réelle
sans frémir en se commémorant toutes les abominations qui furent mises en
place précisément pour cette notion délétère ?
Collectif Antigone
Je pourrai continuer
facilement la litanie. Les cinq années précédentes de sarkozysme
ne laissent absolument aucun doute sur la valeur exacte des ténors de la
droite lorsqu’il s’agit de faire quelque chose de concret, lorsqu’ils ont le
pouvoir : on retrouve exactement le même matraquage fiscal, des déficits
budgétaires records, une attitude vis-à-vis des
(petites et moyennes) entreprises aussi ambiguë voire destructrice, et une
méconnaissance aussi compacte de l’économie et des finances.
La réalité est claire : si la
droite n’arrive pas à former un bloc cohérent d’opposition à la gauche, c’est
parce qu’elle n’en est qu’un avatar édulcoré. Il n’y a plus, en France,
qu’une seule coloration politique, plus ou moins diluée dans, au choix, du
corporatisme ou du populisme. Le placement des uns et des autres à droite ou
à gauche sur l’échiquier politique est aussi arbitraire qu’artificiel.
D’ailleurs, le peuple français n’a jamais été aussi peu investi dans la
politique et aussi peu en accord avec ses élites : il sait, pour le voir, le
lire et l’entendre tous les jours dans tous les médias, qu’on pourrait à
loisir interchanger l’un ou l’autre politicien
actuellement en poste par un autre du bord opposé sans que le discours
prononcé ne choque dans la bouche du nouveau venu.
Et les extrêmes des deux bords
n’offrent en terme de différenciation qu’un packaging plus criard sur des
idées de la même eau : s’il y a toujours un ou deux thèmes qui différencient
un Mélenchon d’une Le Pen, le corpus central (économique notamment) est
extrêmement proche l’un de l’autre et aussi peu différent des
« recettes » que proposent in fine tant l’UMP que le PS.
Ainsi, aucun parti en France
n’a clairement compris que l’austérité
n’a jamais été mise en place ; l’avalanche d’impôts, elle,
s’est effectivement abattue sur les Français. Mais ça, ce n’est pas de
l’austérité, c’est juste de la bêtise keynésienne et socialiste. L’austérité,
c’est exactement
le contraire : très concrètement, c’est la coupe franche et massive des
services publics non régaliens, la diminution drastique de la taille et de
l’emprise de l’État. Cette simple remarque, aucun parti en
France ne la fait, … à l’exception du Parti Libéral Démocrate, dont on ne peut pas dire que les
médias s’emparent franchement des idées.
Regardons les choses en face :
à une microscopique exception près, les partis pensent tous la même purée,
les médias relaient religieusement cette pensée unique et y ajoutent leur
propre couche de politiquement correct pour éliminer tout ce qui pourrait
saillir encore un peu. La droite n’est finalement qu’un parfum alternatif de
gauche dépensière et collectiviste. Ne pouvant se démarquer par ses idées,
elle tente la différenciation sur des détails, des broutilles qu’on monte en
épingle pour attirer l’électeur. Pas étonnant, dès lors, qu’elle ne puisse
constituer une opposition crédible : elle ne s’oppose pas.
Et encore une fois, la
conclusion est sans appel : sans opposition, le pays est destiné à continuer
sur la même route, celle qui le conduit directement au précipice, et peu
importe les petits détours rigolos que le capitaine de pédalo peut bien
tenter ici ou là. Quoi qu’il arrive, ce pays est foutu.