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Fiscaliser les
allocations familiales ? Vous n’y pensez pas ! La suggestion
du premier président de la Cour des comptes Didier Migaud
a suscité la polémique dans l’opposition, qui
défend becs et ongles le modèle social français. Pour
l’heure, si le Parti socialiste n’exclut pas d’en
débattre, le gouvernement n’a encore fait aucune proposition
concrète dans ce sens. Mais quelques observations sont
déjà possibles.
Tout
d’abord, ne soyons pas hypocrites : si cette option fait
polémique, ce n’est pas, comme on le prétend, parce
qu’elle contredit l’esprit de la politique familiale en vigueur
depuis 80 ans, mais parce qu’elle implique un élargissement de
l’assiette fiscale.
Il y a bien
sûr des solutions de rechange, mais elles sont plus périlleuses.
En 1997, l’évocation d’un plafonnement des prestations
familiales avait monté les associations familiales contre le
gouvernement Jospin, qui avait dû s’incliner. Il serait
également peu judicieux, de la part d’un gouvernement
socialiste, de baisser les allocations familiales, la
« solidarité » étant le fond de commerce de la gauche française. À
ce jour, malgré le rétropédalage du gouvernement Juppé
en 1996, il est tout à fait possible que le gouvernement
privilégie la piste de la fiscalisation.
En effet, en
réduisant les dépenses comme le recommande la Cour des comptes,
le gouvernement socialiste donnerait l’impression de vouloir sacrifier
le modèle social français (que le monde entier nous envie,
etc.), quand les Français y voient leur meilleur rempart contre la
crise. De ce point de vue, l’imposition des allocations familiales
présente donc plus d’avantages que d’inconvénients.
On peut
montrer du doigt cet entêtement à vouloir vivre au-dessus de ses
moyens. Mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus intéressant
dans cette polémique.
En refusant
d’exclure a priori la possibilité d’une fiscalisation des
allocations familiales, donc une baisse du pouvoir d’achat, les
socialistes admettent implicitement qu’une partie des aides
versées aux familles (52,6 milliards d’euros en 2012, dont 12,9
milliards d’allocations familiales) n’était pas absolument
nécessaire. Or c’est l’absolue nécessité que
les partis de gauche ont toujours invoquée pour justifier ces aides
(ce qui permet parallèlement d’injurier les sceptiques).
À noter
également qu’une fois encore, on prend le problème
à l’envers. L’opinion dénonce comme une
absurdité la fiscalisation des revenus jusque-là non
imposables, mais globalement, le fonctionnement de l’impôt sur le
revenu fait consensus. Tout se passe comme si le contribuable français,
résigné, tolérait qu’on lui enlève le pain
de la bouche pourvu qu’on lui laisse quelques miettes :
exonérations, abattements, crédits
d’impôt…
Aussi, ne nous
y trompons pas. Le problème en soi, ce n’est pas la
fiscalisation des allocations familiales, mais bien la fiscalité
française en général et les dépenses
invoquées pour la justifier. Un problème qui devient chaque
jour plus évident à mesure que le gouvernement cherche de
nouvelles ressources.
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