Je l’écrivais il y a quelques jours : les automobilistes n’ont jamais été considérés comme autre chose que des vaches à lait par tous les gouvernements. Et quand ce ne sont pas des prétextes écologiques ou sanitaires qui sont utilisés pour pomper les uns, ce sont des prétextes sécuritaires qui ratisseront les autres.
Bien évidemment, le premier exemple qui vient frapper l’esprit (et le portefeuille) dès qu’on parle de sécurité et de ratisser de l’automobiliste, c’est celui du radar automatique. Mis en place dans les années les plus pétaradantes d’un sarkozysme détendu de la sanction, les appareils avaient dans un premier temps été loués pour leur efficacité à diminuer le nombre de morts sur les routes françaises. L’analyse un peu plus fine que ce que laissait entendre la Sécurité Routière (et des médias humidement complaisants à son égard) montrait qu’en réalité, l’arrivée des radars automatiques coïncidait aussi avec l’entrée en force de toute un batterie de sécurités passives sur les véhicules, à la faveur du renouvellement du parc. Sécurité passive qui, elle, n’est que du fait des constructeurs et de la volonté des consommateurs à ne pas mourir ensardinés dans une boîte de tôle à 140 km/h, embobinés sur un pylône de pont.
Du reste, il suffit de comparer les moyens mis en œuvre pour déployer ces radars (dont l’écrasante majorité ne se trouve absolument pas aux endroits les plus dangereux de circulation, mais bien dans les plus belles lignes droites de France), avec les moyens — ou à leur absence, disons — pour lutter contre des maladies ou des accidents domestiques pourtant faciles à éviter, et qui font plus de morts tous les ans, à raison de plusieurs ordres de grandeur pour comprendre très vite que le but de toute la manœuvre est exclusivement financier : rapporter des thunes à l’État.
Cependant, pour les radars, sous condition de les installer aux bons endroits (i.e. dans les sections accidentogènes), on peut encore vaguement soupirer sur leur existence et leur accorder une éventuelle utilité. Il en va furieusement autrement des éthylotests, qui avaient réussi à se frayer une place obligatoire dans les voitures françaises grâce au lobbyisme éhonté d’un fabricant ; en effet, aucune raison, aucun prétexte, aucun échafaudage logique ou prémices de raisonnement n’arrivent à justifier leur ridicule présence à bord.
Et l’absurdité du dispositif était à ce point évidente qu’elle a fini par faire montrer les crocs à suffisamment d’associations de consommateurs et d’automobilistes excédés pour que le gouvernement décide d’y mettre fin, trop heureux de détricoter dans la liesse populaire une enième connerie consternante de Sarkozy. Bien évidemment, cette décision fut mise en musique comme à l’habitude en France, c’est-à-dire comme un projet piloté par des clowns hydrocéphales : à présent, vous devez donc absolument avoir un ou deux (je ne sais plus) éthylotests à bord de votre véhicule, MAIS si vous n’en avez pas (ce qui est donc une infraction) vous ne serez pas sanctionné.
Il faut reconnaître que la vie en Absurdistan est tout de même bien amusante. Tout s’y passe comme si chaque Français, finalement, désirait ardemment que son pays devienne tous les jours plus impraticable : s’il n’y avait pas toutes les administrations débiles, les règles, décrets, obligations, lois et autres normes toutes plus stupides les unes que les autres à respecter, le Français, à l’évidence, s’ennuierait de toute cette liberté de faire ce qu’il veut tant qu’il engage toute sa responsabilité et rien que sa responsabilité.
Bien sûr, il faut comprendre que si lobbyisme il y avait eu pour installer les éthylotests, lobbyisme il y aurait aussi pour ne surtout pas les faire disparaître du paysage. Et l’on découvre, absolument pas surpris, quelque article lacrymogène pondus par le pigiste de garde revenant en détail sur les couinements apeurés des fabricants de ce matériel, qui redoutent la suppression de 1500 emplois.
À ce train, je recommande l’obligation aux automobilistes de disposer, sur la plage arrière de leur véhicule, un chien en plastique qui remue la tête. Il suffira de commanditer un consultant ou l’autre pour prouver que cette innovation diminue l’insécurité routière ou l’émission de particules soufrées ou la quantité de CO2 ou n’importe quelle raison idiote, et en tout cas, cela va mécaniquement entraîner la création d’une bonne centaine d’emplois destinés à fabriquer ces ridicules joujoux. Et actuellement, l’emploi, on en a vraiment besoin ! Quant à Bastiat, il peut aller se rhabiller lui et ses éthylotests cassés.
Seulement voilà.
Tout ceci est bel et bien bon, mais à force de cogner toujours sur les automobilistes, ils commencent à trouver la situation un tantinet désagréable. De même que sont rares ceux qui prennent maintenant la route par plaisir et tout plein de frétillance à l’idée de conduire sur les routes de plus en plus surveillées de France, rares sont ceux qui font des excès de vitesse par strict plaisir. Il faut se rendre à l’évidence : conduire en France est devenu une corvée, un luxe ou un risque.
Sans compter qu’en plus, un nombre croissant d’individus ne connaît plus les règles routières indispensables, sans même parler des sanctions afférentes. Oh, bien sûr, on pourrait cyniquement mettre ceci sur le dos d’une incapacité de plus en plus grande à savoir tout simplement lire les indications routières (déchiffrer un panneau autoroutier complexe alors qu’on n’a qu’une méthode globale pourrie sous la main prend du temps) mais plus sérieusement, la signalisation routière devient aussi éparse que cryptique et mal agencée – à ce sujet, je soupçonne ouvertement les DDE françaises de lâcher les pires psychopathes pour installer les signalisations dans les villes et aux abords d’icelles.
Pris pour un mouton, tondu, retondu et culpabilisé sans arrêt pour ses excès (d’alcool, de vitesse, de pollution, …), ce qui devait arriver arriva : l’automobiliste se rebelle.
Pour le moment, c’est encore assez peu visible, encore que la recrudescence des fausses plaques d’immatriculation montre un mouvement général d’ensemble assez symptomatique. Du reste, la façon de traiter cette information est habituelle : si les conducteurs ont de plus en plus souvent des fausses plaques, c’est parce qu’elles sont trop faciles à obtenir. On n’analyse surtout pas la cause, on va vite tenter de résoudre le symptôme, par exemple en déversant une nouvelle avalanche de lois et de règlements pour obtenir une plaque, ce qui va continuer d’agacer les gens honnêtes au point de les faire basculer du côté obscur de la conduite, celle qui revient à explicitement envoyer promener les autorités de moins en moins compétentes.
Et c’est d’ailleurs cette dernière phase qu’explorent actuellement certaines personnes en allant détruire… pardon, démonter (Hat Tip José Bové) — de façon syndicale et revendicative, il va de soi — des radars qui s’offrent à eux. Il est bien sûr de mon devoir d’insister sur le caractère pas du tout bien et vilain méchant d’une telle démarche, et de faire comprendre que détruire ce genre d’équipements ne peut être recommandé, surtout si on n’a pas mis de gants pour éviter les empreintes, et qu’on a trop médiatisé son action, risquant bêtement d’avertir la maréchaussée qui (doit-on le rappeler) n’a pas que ça à faire — les cambriolages et autres incivilités qui dérapent ne diminuant pas des masses. De même qu’il est très vilain de cacher l’objectif des appareils photos, de les recouvrir d’une poubelle ou n’importe quoi d’autre dans le même genre. Ce n’est pas bien. Ne comptez pas sur l’anarchiste qui ne sommeille pas en moi pour applaudir des deux mains.
Ces actions sont intéressantes à suivre. Elles permettent d’établir de façon fidèle un baromètre de l’exaspération française vis-à-vis de la ponction.
Bien sûr, pour le moment, il s’agit de démonter citoyennement et dans un esprit festif quelques appareils débiles de rétorsion routière inappropriée. Mais il faut comprendre qu’au rythme où vont les choses, dans un, deux ou trois ans de l’averse serrée d’avanies socialistes, les démontages pourraient prendre d’autres dimensions…