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Le compte personnel de formation (CPF) est
« une innovation très importante si elle est bien mise en
œuvre », souligne François Hollande, Président
de la République. Ce compte personnel de formation est certainement
l’innovation principale de la réforme de la formation
professionnelle détaillée le 4 mars à Blois. Ce compte
remplacera le droit individuel à la formation (DIF). Mais, si comme le
DIF, le CPF concerne les 28,6 millions salariés de l’Hexagone,
il sera étendu aux chômeurs et aux jeunes qui ont quitté
l’école sans formation. Pour ces derniers, « on ouvrira le capital avant même qu’il n’ait
été constitué, une espèce de
préfinancement » a précisé François
Hollande.
Ce qui est intéressant dans la mise en place de
cette mesure, l’une des plus importantes de la réforme de la
formation professionnelle, c’est qu’elle attache la formation
à un individu plutôt qu’à un statut
: l’argent suit chaque personne qui en dispose librement.
C’est en quelque sorte l’application au domaine professionnel de
ce que les suédois ont mis en place pour le financement de leur
système scolaire : un « voucher », ou
chèque - éducation, qui constitue une sorte de capital qui suit
l’élève dans l’école choisie par ses
parents. Dans le cas du CFP, c’est bien le même principe :
le capital de formation professionnel suivra le salarié tout au long
de sa vie professionnelle et il pourra l’utiliser à tout moment
dans l’organisme de son choix.
François Hollande lui-même décrit le
CFP : « chaque salarié désormais, qu’elle
que soit son entreprise, son statut, son âge, son niveau de
qualification, disposera d’un droit d’au moins 20 heures par an
pour se former. Il accumulera des droits à la formation. S’il
change d’entreprise, il repart avec ses droits, ils ne disparaissent
pas, s’il devient chômeur, il a accumulé un certain nombre
de droits, il peut accéder à une formation. » Dans
les faits, ce compte sera plafonné à 120 heures par an. Si on
le valorise en considérant qu’une heure de formation coûte
en moyenne 50 euros, chaque salarié se retrouve avec un capital de 6 000
euros entre les mains dont il a la liberté d’utilisation depuis
son entrée dans le monde du travail jusqu’à sa retraite.
Le
coût total de la mesure est estimé à 32 milliards d'euros,
c’est-à-dire le coût actuel de la formation professionnelle.
Mais en réalité, avec ce CFP, cela peut très vite déraper :
tout dépendra du nombre de personnes qui voudront faire une formation
et du nombre d’heures qui leur sera nécessaire pour
réaliser cette formation. En temps normal, il est probable que
l’on ne dépasserait pas les niveaux actuels de demandeurs de
formation et donc les 32 milliards d’euros. Mais nous ne sommes pas en
temps normal : la France connaît une crise sans
précédent et surtout un taux de chômage record. Il est
probable, vue l'étendue de la crise, que le nombre de personnes qui
voudraient avoir une formation professionnelle pour changer de
carrière ou avoir des opportunités professionnelles – comme
l'apprentissage des langues par exemple – soit beaucoup plus important.
Il pourrait
donc y avoir de grosses surprises. Il y a d’ailleurs des
précédents comme l’inattendu succès de
l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) entrée
en vigueur au 1er janvier 2002, qui devait
bénéficier à 550 000 personnes maximum la
première année et qui fut en fait allouée à
près de 605 000 en 2002, puis 783 000 en 2003 créant un
problème de financement. Si le compte personnel de formation a un
succès tel que l’a connu l’APA, les dépenses pourraient
augmenter de 30 à 50% par rapport au prévisionnel. Et ce qui
est une bonne idée finit en désastre économique car le
gouvernement ne sait pas financer ça.
Mais le
gouvernement a peut-être l‘impression d’avoir trouvé
la solution. En effet, la
réforme de la formation professionnelle s’accompagne de la reprise
en main du secteur par l’État, comme le souligne François
Hollande qui veut mettre « un peu d’ordre dans tous les
organismes de formations : il y en a d’excellents, il y en a de
bons et il y en a de moins bons : 55 000 aujourd’hui. »
Il pose alors la question préalable à l’intervention
de l’État : « est-ce que
c’est raisonnable d’avoir 55 000 organismes de
formation ? » Il donne évidement la
réponse : « nous devons recentrer le système
sur moins d’organismes et exiger plus de qualité. Il y aura donc
un véritable système de certification comme on en demande pour
les entreprises, de validation, d’évaluation pour que
l’efficacité. »
Cette reprise
en main profitera essentiellement à l’association pour la
formation professionnelle des adultes, l’AFPA, une structure qui vient
d’être renflouée par l’État et qui
bénéfice de 430 millions d’euros sur les quatre
prochaines années pour développer son offre de formation.
Autant dire que l’AFPA sera privilégiée au
détriment de la concurrence du secteur privé qui
d’ailleurs diminuera et devra être certifiée par
l’État. Gageons que l’État saura diriger le
« libre-choix » des salariés désireux de
se former vers l’AFPA et mettre ainsi en place un quasi-monopole.
Réduire ainsi le choix peut-il permettre d’éviter
le scénario catastrophe que nous avons décrit plus haut ?
Pas si sûr. Si le gouvernement semble croire – à tort
– que l’instauration d’un monopole peut permettre une
maîtrise des coûts, il devra en tout cas organiser le
rationnement La réforme de la formation professionnelle n’est
pas encore trouvée.
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