À la suite d’un intéressant échange d’email avec un monégasque (que je remercie au passage), je vous propose une petite incursion à Monaco, dans le monde footballistico-bancaire qui sera l’occasion de découvrir les visées hégémoniques de la France sur la principauté et la préfiguration assez dramatique de ce qui attend les Français en matière fiscale dans les prochains mois.
Ah, Monaco ! Ses hôtels, ses yachts, son grand prix automobile, son prince, ses stars, ses paillettes, et son club de foot ! Si l’on y ajoute son traitement fiscal de faveur, sa petite taille et son PIB/habitant joyeusement élevé, la petite principauté aura toujours déclenché le plus vif intérêt des puissants en place, au premier rang desquels les éternels jaloux socialistes qui lorgnent sur le rocher depuis un moment.
L’histoire en atteste, et il n’y a même pas besoin de revenir sur les années 60, pendant lesquelles l’État français entendit accroître son emprise sur ce petit bout de territoire au travers de sa télévision (TMC) et de sa radio (RMC) : depuis l’essor des sociétés de crédit monégasques, la France entend en effet, par tous les moyens et de façon assez régulière, récupérer une partie du bel argent qui s’entrepose en principauté et qui échappe ainsi à l’impôt. Ainsi, en avril 1962, les Français tenteront de renégocier les accords fiscaux les liant aux monégasques ; Nice matin du 12 avril 1962 explique ainsi :
« La France voulait obtenir (…) l’alignement fiscal de la Principauté sur son propre régime fiscal. Elle estime en effet que le régime fiscal privilégié monégasque, étant donné l’essor économique de la Principauté, porte préjudice aux intérêts français. »
Toute ressemblance avec l’actuelle chasse aux exilés fiscaux français n’est absolument pas fortuite, d’autant plus que s’est accru le contraste entre la situation économique monégasque et la française, au détriment évident de cette dernière. Du reste, difficile de ne pas se rappeler que ce furent, en 2000, deux socialistes bon teint qui déclenchèrent une crise entre les deux pays, troublions excités de l’impôt qui ne sont autre que Sa Grande Frétillance Arnaud Montebourg (pour qui « Monaco n’est qu’une extension fiscale de la France ») et le laïcard de combat, Vincent Peillon et qui avaient gratifié le peuple français d’un énième et pénible rapport sur les moyens indispensables à mettre en place pour lutter contre la fraude fiscale. Que voulez-vous, les socialistes sont obsédés par l’argent (surtout celui des autres).
Bien sûr, les développements récents de nouvelles tensions entre la principauté et la France ne sont en rien étrangers à la présence de ces deux mêmes politocards de compétition dans l’actuel gouvernement ; l’affaire tient en peu de mots : l’arrivée du club de foot de Monaco en Ligue 1 lui imposerait, sur un fumeux principe d’une égalité fiscale, de venir s’installer sur le territoire français. Eh oui, que voulez-vous : comme d’habitude en Socialie, il faut que tout le monde coure avec les mêmes boulets aux pattes, sinon c’est honteusement avantageux pour ceux qui ont les jambes libres !
La traque fiscale, ici du côté du club de foot monégasque, est donc ouverte, et comme les communiqués de presse, début mai, le prouveront, le but est limpide : pomper le bon argent frais d’un club bénéficiaire vers une fédération (la FFF) déficitaire, le tout, sous la férule d’un État français décidément très interventionniste.
Du reste, c’est un mouvement d’ensemble qui ne peut tromper personne. On ne se refait pas : en janvier dernier, le gouvernement français avait nettement durci ses positions vis-à-vis de ses ressortissants expatriés en Suisse, ce qui n’avait pas manqué de faire des vagues, tant la modification unilatérale d’accords fiscaux était cavalière. En avril, les amusantes opérations de fermetures bancaire à Chypre suivies de ponctions sur les dépôts ont permis de montrer ce qu’il était possible de faire en matière d’intervention étatique décomplexée. S’en était suivie la mise en route d’une directive européenne destinée à faciliter ce genre d’opération sur toute l’Europe.
Dès lors, on comprend que si la France (ie. les minustres au pouvoir) veut vraiment croquer des avoirs monégasques, il n’y aura pas l’épaisseur d’une feuille à cigarette pour l’empêcher de procéder.
Les petites bisbilles avec le club de foot monégasques ne sont qu’une première passe d’arme entre la France et la principauté. Il faut en effet savoir que les banques installées en Principauté sont, pour la plupart, des sociétés anonymes monégasques et donc relèvent du droit monégasque, mais sont pourtant assimilables à des banques françaises : elles sont en effet toutes sous la coupe de la Banque de France. Mieux : il n’y a pas de secret bancaire monégasque, et chaque compte ouvert est déclaré à la Banque de France, ainsi que chaque transfert supérieur à 10.000€.
Le fait que des ministres français se mêlent ainsi ouvertement des négociations en s’appuyant sur la Ligue de football professionnel (LFP) et la Fédération Française de Foot (FFF) d’un côté et que de l’autre côté, le Prince suive directement ce dossier depuis le début pointe assez clairement vers une future crise majeure, d’autant plus que les montants des dépôts dans les banques monégasques sont intéressants, avec pas loin de 82 milliards d’euros qu’on pourrait, moyennant une réévaluation unilatérale des accords fiscaux, imposer (aussi sauvagement que possible). Rappelez-vous bien qu’avant Avril 2013, un scénario chypriote était impossible.
Ici, le club de football monégasque servirait alors de déclencheur d’une opération médiatique du gouvernement français, visant à donner une image de paradis fiscal honteux à la Principauté et la légitimité des outragés au gouvernement français pour « intervenir » : il y a tant de riches et de banques privées à Monaco qu’il faut y mettre bon ordre, morbleu ! Arnaud, on n’attend plus que toi !
Ce scénario n’est pas irréaliste : Monaco est, en apparence au moins, une proie facile pour le gouvernement français ; en s’attaquant au club de football, il teste la résistance et la capacité de défense de la Principauté, ainsi que l’opinion publique française en essayant de la retourner contre Monaco. Ces gesticulations inquiètent toute la hiérarchie monégasque, d’autant que, comme d’habitude avec les décisions socialistes, on pourrait s’attendre à des effets de bord assez dramatiques : par exemple, plus de 35.000 personnes viennent tous les jours travailler à Monaco ; la Principauté leur assure une source de revenus indispensables, de même qu’elle draine un public touristique considérable sur toute la Côte d’Azur. L’intervention française aurait un impact immédiat et signerait à plus ou moins courte échéance, la fin de la principauté : les riches partiraient, le prix de l’immobilier s’effondrerait rapidement et la plupart des entreprises monégasques mettraient la clé sous la porte.
Interviendra ? Interviendra pas ? Au moment où j’écris ces lignes, on est dans la pure spéculation. Peut-être Monaco passera à côté de l’appétit grandissant d’un État Français au bord de la faillite. Mais dans quelques heures (à partir du 23 mai), ce sera le Grand Prix de Formule 1 la manifestation, prompte à attirer le strass et les paillettes sera peut-être l’occasion pour nos minustres d’en remettre une couche sur la fiscalité trop arrangeante de la Principauté pendant que la population française doit faire le gros dos sous l’averse de taxes qu’ils lui imposent.
Quoi qu’il en soit, s’il faut parier sur la mauvaise foi et l’absence totale de scrupules et de toute honte d’un gouvernement aux abois, on ne prendra jamais de gros risques.