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Nous venons
d’obtenir un délai de deux ans de la
Commission européenne pour refaire passer le déficit
public sous la barre des 3% du PIB. La Commission
entend privilégier les réformes structurelles, quitte à
renvoyer à plus tard une consolidation
budgétaire. Partout en Europe la priorité n’est
plus à la mise en ordre des comptes, qui pénaliserait la croissance,
mais aux mesures de fonds qui remettent profondément en
question notre modèle
En
première lecture cette décision allège la
pression pesant sur Paris. En même temps, elle exige de
la France des mesures que ce pays n’a pas su mettre
en œuvre depuis près de 40 ans au point que les
défis sont énormes.
Car, depuis 39
ans, les pouvoirs publics n’ont pas réussi une seule fois
à équilibrer leurs dépenses et leurs recettes. La
France ne partage ce triste
record qu’avec des pays aux piètres
résultats économiques. Parmi 185 pays suivi par
le Fonds monétaire international, seuls l’Ethiopie,
la Grèce, le Lesotho, Madagascar, Mozambique et la France
n’ont pas équilibré leurs comptes depuis 1980.
A partir de
2008, un déficit public supérieur à 3%
est même devenu la norme, en contradiction avec les
traités européens. Cela n’est pas la marque de la crise,
mais d’une vieille incapacité à éviter
les dérapages. Depuis l’entrée en vigueur du
traité de Maastricht, le déficit français n’a
été inférieur à 3% qu’à
peine un tiers du temps.
Jusqu’à maintenant,
les pouvoirs publics ont retardé les ajustements, en
considérant que la dette restait gérable et que la croissance
future faciliterait la résorption des déficits. Mais au lieu de
la croissance, c’est la crise qui s’est invitée… Une
crise massive, profonde, qui a déjà secoué nombre
de pays qui nous entourent, qu’il s’agisse de
la Grèce, de l’Italie, de l’Espagne ou du
Portugal.
Ironiquement, la
France a bénéficié des déconvenues
de ces voisins. Au fur et à
mesure qu’ils s’enfonçaient dans la crise,
la dette publique française est devenue de plus en
plus recherchée. Au gré des baisses de taux
d’intérêt orchestrées par les banques
centrales, le coût associé à la
gestion de la dette française a continué de
diminuer. Son service coûte moins de 5% du PIB, soit
autant que 25 ans plus tôt. Or, dans le même
temps, la dette publique rapportée au PIB a triplée.Rien n’a
pu inverser à ce jour la courbe de l’endettement, mais
l’expérience de
plusieurs voisins indique que la situation
française est très fragile.
Cela n’a
évidemment pas échappé à nombre d’acteurs
économiques et politiques qui s’interrogent sur la
capacité à corriger le tir. Car, en
plus de comptes publics en désordre, la
France souffre aussi de handicaps structurels. Par
exemple, le système des retraites par répartition accumule une
dette implicite qui pourrait représenter plus de 200%
du PIB selon l’INSEE. Ceci explique sans doute
l’insistance de la Commission à ce que la
France entame la réforme de son système de retraite
dès cette année.
Alors quelle
est la solution ? Jusqu’à présent les pouvoirs
publics ont joué la carte de l’augmentation de la
fiscalité. Mais attention, un stade critique est sans
doute atteint. Les recettes publiques ont dépassé les 50%
du PIB. Seuls la Norvège, le Danemark, la Finlande ou la
Belgique, captent avec la France plus de la moitié
des richesses crées. Les prélèvements ont
naturellement un impact sur le niveau de vie de tout un chacun,
d’où la montée des inquiétudes sur le pouvoir d’achat. Notre
étude 2013 sur le fardeau fiscal montre par
exemple que plus de 56% des fruits du travail d’un salarié
moyen passe en charges et en impôts. Dans un contexte de
croissance atone, l’augmentation des recettes publiques,
synonyme de réduction du pouvoir d’achat, n’apparait
pas comme une solution pérenne.
Reste
donc l’autre solution : remettre à plat les
dépenses publiques, notamment en réformant les programmes qui
coûtent le plus cher. La France est, une fois encore,
championne en la matière puisqu’elles représentent 56%
du PIB. La bonne nouvelle, c’est que contrairement à
une idée reçue, plus de dépense
collective ne rime pas nécessairement avec plus
de bien-être. La dernière livraison de l’Indice
de développement humain, calculé par l’ONU, nous
positionne loin derrière toute une série de pays
européens ou anglo-saxons ayant des dépenses
publiques inférieures.
Ce
délai de deux ans doit donc être mis à profit pour
faire émerger ce qui manque encore en France : un consensus
autour d’un véritable projet
de société réformateur. L'expérience
du Canada - qui a traversé et surmonte une grave crise de ses
finances publiques au milieu des années 90 – montre
que des changements structurels peuvent se faire s'ils sont portés par
des changements des mentalités. Le président Hollande
sera-t-il capable de réunir les français autour de ce projet de
première importance, voilà bel et bien le défi de ces
deux prochaines années.
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