Il se passe des choses inquiétantes en Chine. Le marché interbancaire a connu deux accès de panique, le 7 juin et la semaine dernière, aussitôt éteints par des injections monétaires de la banque centrale, la Banque populaire de Chine, mais les tensions demeurent. Deux grandes banques commerciales (ICBC et Bank of China) ont vu leurs services online stoppés pendant plusieurs heures, les rumeurs circulent comme jamais, on parle de plus en plus d’une crise bancaire…
En fait la Chine cherche à sortir d’une gigantesque bulle de crédit : selon Fitch, sur ces cinq dernières années, le ratio du crédit par rapport au PIB est passé de 75% à 200%, une progression sans précédent sur la planète. Pour répondre à la crise de 2008 et éviter un effondrement de la production, les autorités chinoises ont en effet vigoureusement relancé le crédit bancaire pour soutenir la construction immobilière et les infrastructures. Où cela a-t-il mené ? A beaucoup d’investissements improductifs (des quartiers ou des villes entières sont vides d’habitant, comme en Espagne). Résultat la croissance baisse, et il faut rembourser !
Le crédit a d’autant plus dérapé qu’un marché officieux s’est mis en place : les grandes entreprises, qui ont un accès facile au crédit, empruntent non pour investir mais pour prêter à leur tour à des entreprises plus petites. Une fuite en avant dangereuse, et un comportement typique d’une bulle.
La Banque populaire de Chine veut arrêter cette course sans fin, et bien sûr d’inquiétants craquements se font entendre. Il faut à la fois restreindre le crédit et assainir le système bancaire, tout en évitant l’explosion de la bulle immobilière, vaste chantier ! Si dans le même temps le pays achète de grandes quantités d’or, comme nous l’avons expliqué récemment, il est peu probable que ce comportement vertueux suffise à faire face à la montagne de dette existante.
La Chine est confrontée au même problème que le Japon, les Etats-Unis, l’Europe, c'est-à-dire sortir des politiques monétaires laxistes, qui ont prouvé leur inefficacité (pas de relance de l’activité), tout en évitant un krach. Est-ce possible ? On peut en douter étant donné la masse de dette accumulée, les nombreuses bulles, les bilans bancaires dégradés, et la quantité de mauvais investissements. Partout dans le monde, les marchés boursiers tremblent à la simple évocation d’un possible ralentissement du rythme de la planche à billets, ils sont devenus complètement dépendants des injections de liquidité des banques centrales, au détriment de toute analyse des facteurs réels.
Mais concernant la Chine se rajoute le problème du manque de transparence, de l’étroit contrôle de l’information par le pouvoir, d’une comptabilité publique très peu fiable, de relations consanguines entre les grandes entreprises et le pouvoir, et d’un taux de croissance du PIB qui relève plus de la propagande que d’une mesure objective. On n’y voit rien. On ne perçoit que des symptômes, comme ces crises de liquidité sur le marché interbancaire. L’Etat contrôle tout, ce qui lui laisse plus de possibilité de manipulation, mais le jour où il lâchera prise, il faudra s’attendre à de sacrées secousses.