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Chroniqueur
économique à la radio RMC, Eric Brunet vient de publier un
livre chez Albin Michel intitulé Sauve
qui peut ! Le titre accrocheur révèle
d’emblée la thèse du livre : la France
n’arrive pas à se réformer et pousse les meilleures
volontés à s’exiler. L’auteur va en fait plus loin.
Il ne s’agit pas seulement de partir pour se sauver soi-même mais
aussi de partir pour sauver la France, … quitte à revenir quand
les choses se seront assainies. D’ailleurs, le livre se conclut sur les
propos de Gaspard Koenig, qui depuis Londres a crée
Génération libre.
Il entend bien faire bouger les choses en France pour retrouver l’envie
de revenir.
Car le constat
pour l’auteur est implacable. La France va mal et il semble à ce
stade incurable. Il conseille donc de s’en protéger en partant
pour continuer à l’aimer. De la cabale contre les riches,
à la pression fiscale en passant par le manque d’entrain au
travail, le désir d’être fonctionnaire ou encore un niveau
d’enseignement en berne, le livre passe en revue les faits qui ont
égrené les derniers mois et années et qui alimentent sa
thèse.
Et c’est
sans doute là que réside l’intérêt du livre.
Car si le message est finalement très pessimiste, et peut-être
assez réaliste malheureusement, sur l’Etat de la France, il
n’y a pas besoin d’adhérer à l’idée
qu’il faut se sauver, pour savourer les anecdotes et des faits à
côté desquels certains – comme moi – étaient
passés.
Par exemple,
on découvre avec émerveillement qu’un entrepreneur
français, travaillant en France, a récemment été
célébré outre-Atlantique. « En septembre
2012, le magazine scientifique canadien Discovery Series publiait un classement honorant
les entrepreneurs les plus révolutionnaires. Figuraient sur le podium
le directeur d’Apple, Steve Jobs, le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg et le réalisateur James Cameron, et
à la quatrième place, l’un de nos
compatriotes. » Il s’agit de Bertin
Nahum. On apprend que cet entrepreneur d’origine béninoise,
né au Sénégal, a suivi ses études à
l’Institut national des sciences appliquées de Lyon. Il est le
créateur d’un robot, baptisé Rosa, capable
d’assister un chirurgien lors d’une intervention sur le cerveau
pour des opérations aussi délicates que la ponction d’une
tumeur ou la pose d’une électrode. Il dirige aujourd’hui Medtech et
enregistre un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros.
(p.130-132)
Pour continuer
à rêver, dans un chapitre qui ne s’y prête pourtant
pas, on
lit qu’il est maintenant possible de voir un film en Premium au
Pathé Wepler, place de Clichy à
Paris. « Ecran plus large, projection 4K, son Dolby Atmos, possibilité de choisir son siège
à l’avance, plus de places pour les jambes … »,
le cinéma se réinvente pour améliorer
l’expérience du public. Car cette nouvelle offre a sans doute de
quoi attirer des cinéphiles qui auraient peut-être sinon
téléchargé le film afin de le regarder chez eux. Alors
plutôt que de bouder ce plaisir au nom d’une provocation sociale
ressentie par quelques antis, je n’ai pas pu m’empêcher de
dire que tout n’allait pas si mal finalement. D’ailleurs, le
Grand palais ne s’est-il pas récemment lancé dans une
opération du même genre en créant un véritable drive-in ?
D’autres
faits ou déclarations ont le mérite d’être
rappelés afin de mettre en perspective des propos qui ne sont in fine que des postures
« prêtes à l’emploi » et
« jetables ». Ainsi, on se souviendra de la une de Libération en ce 10 septembre
2012 sur la photo du milliardaire Bernard Arnault accompagnée du titre
« Casse-toi, riche
con ! ». Eric Brunet rappelle les émois de la classe
politique à propos du manque de patriotisme du PDG et souligne en
particulier l’indignation d’un Jean-Luc Mélenchon, qui
deux ans auparavant, avait pourtant suggéré
« qu’ils s’en aillent tous, les patrons hors de prix,
les sorciers du fric. »
Plus
sérieusement, l’auteur attire notre attention sur ce paradoxe français,
à savoir que : « ceux-là mêmes qui,
depuis vingt ans, font l’apologie de la disparition des
frontières, du nomadisme, de la double nationalité, du
« partout chez soi », n’hésitent pas
à traîner dans la boue certaines célébrités
qui ont opté pour l’exil fiscal. (p.110-11).
Pour conclure,
si le livre n’offre pas véritablement de raisonnement de fond,
ce qui du coup amène à « mettre dans le même
sac » l’entrepreneuriat familial et la consanguinité
politique, il fourmille néanmoins d’informations
intéressantes. Il rappelle des chiffres qu’il est bon
d’avoir en tête quand on parle de politique publique en France.
On n’est bien entendu pas obligé de s’exiler pour
s’insurger mais c’est utile de rappeler que les victimes ne sont
pas toujours celles qu’on croit et que la
pratique du bouc émissaire est dangereuse.
Le 2 mai 2013,
Eric Brunet a été l’invité d’Hedwige
Chevrillon sur BFM Business.
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