Mes chères
contrariées, mes chers contrariens !
Comme promis, aujourd’hui je
vais vous parler d’immobilier. Cet édito, compte tenu du sujet,
est plus long que d’habitude. Je m’en excuse mais cette
thématique est très vaste et, hélas, je ne l’aborde
pas dans sa totalité.
Dans tout patrimoine, et particulièrement
ces 15 dernières années, l’immobilier est incontournable.
Il représente en moyenne 80 % du patrimoine accumulé et
détenu par les ménages. Et encore, ce n’est qu’une
moyenne !
Un tout petit peu d’histoire
psychologique de l’immobilier !
Je veux faire ce petit rappel pour
tous les naïfs ou ceux qui n’auraient pas de mémoire, ou
tout simplement auraient oublié que ce que nous vivons
aujourd’hui n’a pas toujours été. Je parle de
l’appréciation et du jugement porté par la grande masse
sur l’immobilier.
La dernière bulle
immobilière ayant explosé en France est celle de la fin des
années 80. À cette époque, on a expliqué que
c’est la première guerre du Golfe qui a entraîné l’explosion
du marché immobilier en 1990-1991 ! Cela est bien entendu
complètement faux.
Ce qui a cassé le
marché immobilier à cette époque fût tout
simplement la réunification allemande. Helmut Kohl, le chancelier
allemand de l’époque, avait pris une décision politique
consistant à convertir 1 mark de l’est au même cours
qu’un deutch mark. Résultat :
l’Allemagne, qui n’utilise pas la planche à billets, a eu
un besoin monumental de financement. Ce besoin a déstabilisé
les marchés financiers et obligataires. La hausse très forte de
la demande d’argent a propulsé les taux
d’intérêt vers les 7 à 8 % !
Je vous laisse donc imaginer les
taux d’emprunt pour acquérir un bien immobilier. Ils
étaient tout simplement bien souvent supérieur
à 10 %.
Résultat ? Les prix, notamment à Paris, vont être
divisés par deux (vous avez bien lu) en moins de 5 ans.
En 1997, il était totalement ringard de prendre un crédit sur 8
ans à 10 % pour acheter un deux pièces à Paris pour 400
000 francs… Lorsque vous faisiez cela, votre entourage, vos amis, vos
collègues vous regardaient comme un extraterrestre un peu
crétin qui n’avait rien compris… puisque
l’immobilier, ça baisse toujours !
Aujourd’hui,
évidemment, c’est l’inverse. Lorsque vous êtes
locataire, on vous regarde de haut… Ah tu es encore locataire, oh, un
jour, toi aussi tu réussiras à acheter…
Aujourd’hui, être propriétaire est synonyme de
réussite sociale, être propriétaire est devenu en soi un
statut social au même titre que cadre !
Évidemment c’est
absurde puisque s’endetter à 3,5 % sur 30 ans avec tous les
aléas économiques que l’on connaît, le tout pour
obtenir un clapier mal fichu à un prix stratosphérique ne va
pas forcément s’avérer être le placement du
siècle !
Quels sont les risques
spécifiques associés au placement immobilier?
Risque de perte de capital
(retournement du marché)
Risques locatifs et d’impayés. Gel des loyers. Suspension des
expulsions et prolongement jusqu’à nouvel ordre de la
trêve hivernale… devenant également estivale et sans doute
automnale.
Risque fiscal. L’insécurité fiscale atteint des sommets.
L’immobilier français n’est pas, par nature, délocalisable donc très facilement taxable.
On peut vite s’enfuir avec ses pièces d’or, moins
facilement avec ses terres agricoles, ses forêts ou encore… son
immobilier !
Risque d’entretien, un propriétaire n’étant jamais
à l’abri d’un ravalement ou de travaux lourds et
imprévus.
Risque de dégradation et de difficultés de gestion des
copropriétés dont le taux de copropriétés
à la dérive augmente.
Quelles sont les perspectives du
marché immobilier français ?
Le marché de
l’immobilier amorce une phase de baisse durable mettant fin à
une exception française puisque partout dans le monde les prix
baissent depuis plusieurs années.
Il existe des facteurs de soutien
qui s’expriment et sont devenus peu nombreux, pour ne pas dire
qu’il n’y en a plus. D’ailleurs, les derniers chiffres du
secteur sont assez mauvais. Chute des transactions, effondrement de la
construction neuve, baisse des prix y compris dans les grandes villes, Paris
ne faisant pas exception.
- Des taux
d’intérêt qui restent très bas, environ 3,5 % sur
15 à 20 ans. Malgré ces taux d’emprunt au plus bas, les
prix baissent. Je vous laisse imaginer l’état du marché
immobilier en cas de montée des taux même modérée
lorsque la FED va cesser ses politiques d’injection de monnaie (si la
FED va jusqu’au bout, ce qui n’est pas évident du tout).
Le marché immobilier est très sensible aux taux. Le fait
qu’ils soient au plus bas n’est pas une bonne nouvelle, puisque
même ainsi, il n’y a plus de primo-accédants
pour alimenter la chaîne aux niveaux de prix atteints.
- Une demande de logement qui reste
importante et qui est portée par une démographie
française favorable (contrairement à l’Allemagne par
exemple).
- La pierre reste, à juste
titre, une valeur refuge dans l’esprit des Français. C’est
le premier des actifs tangibles. Concernant la résidence principale,
l’avantage énorme est bien entendu la valeur d’usage. On
habite sa maison ou son appartement, on ne loge pas dans un contrat
d’assurance ou dans un PEA.
Les facteurs de risques sont
nettement plus nombreux.
- La fin programmée de
l’ensemble des mesures d’incitation fiscale à
l’investissement locatif, avec la disparition du Scellier
remplacé par le dispositif Duflot qui fait
un (du)flop ! Tout cela a déjà un impact très fort sur
le marché du neuf.
- La fin de
l’exonération d’impôt sur la plus-value pour la
détention des biens inférieurs à 30 ans. Cet avantage
perdure néanmoins encore pour la résidence principale.
François Hollande, qui vient de se rendre compte que plus personne ne
revend sa résidence secondaire, plutôt que de payer un
impôt supplémentaire, a été obligé de
raccourcir ce délais et annonce pour 2014 une possibilité de
taxation très allégée. Il faut dire que l’argent
ne rentre plus dans les caisses de l’État.
- Des conditions de financement
bancaire qui se tendent, pas tant en termes de taux (ces derniers restent
particulièrement bas) mais en termes de risque, les banques se
montrant de plus en plus prudentes. Cette prudence devrait se renforcer avec
la baisse de prix prévisible l’année prochaine. Les
dossiers sans apport ne trouvent désormais plus de financement.
- Des climats
d’inquiétude forte qui n’incitent pas les ménages
à faire des projets sur 25 ou 30 ans (durée moyenne des
crédits).
- Un rendement des placements
immobiliers désormais très faible (de l’ordre de 3 %) et
carrément négatif dans certaines zones aux prix très
élevés. L’augmentation de la pression fiscale et des impôts
continue à détourner les investisseurs de la pierre. Enfin, de
nouvelles mesures environnementales et d’isolation pèseront sur
le coût d’entretien, augmentant significativement les charges.
Il ne faut pas oublier non plus la nouvelle loi Alur,
qui renforce la protection du locataire, diminue considérablement le
rendement pour les propriétaires, et va contribuer à faire
baisser de façon importante les loyers puisque le gouvernement table
sur une diminution de 26 % des loyers… ce qui n’est pas rien, et
va remettre en cause le montage de très nombreuses opérations
immobilières engagées… par des particuliers souvent avec
des montages financiers alambiqués faisant appel à des
crédits in fine par exemple.
Mon conseil pour 2013 et 2014
En raison de sa valeur
d’usage, nous traitons le cas de la Résidence Principale (RP)
à part. Nous sommes neutres sur les RP qui peuvent, en fonction des
cas, avoir du sens. Enfin, acheter sa maison peut répondre à
d’autres impératifs que financiers. C’est aussi des choix
de vie et de famille.
Concernant l’immobilier de
placement à usage locatif, je suis très négatif sur les
perspectives. La possibilité de mécanismes de blocage de loyer
du type loi 48, évoqué par la gauche, ne peut pas être
occultée. Avec la nouvelle garantie universelle des loyers,
l’État deviendra-t-il le plus grand « expulseur » ?
Je n’y crois pas. Le risque est donc considérable qu’assez
rapidement de plus en plus de locataires ne paient plus leur loyer. Surtout
avec l’aggravation de la crise, puisque la France est en voie de
« grècification ».
Dans tous les cas, les
déjà détenteurs d’immobilier locatif ont
intérêt à migrer au plus vite vers des locations
meublées qui devraient être moins touchées par les
réformes que le gouvernement socialiste entreprend (sans pour autant que
cela représente une garantie absolue puisque, là aussi, avec la
loi Alur, les choses changent
considérablement pour les meublés loués comme
résidence principale).
Néanmoins, les
mécanismes législatifs appliqués ne sont pas les
mêmes, notamment en ce qui concerne la durée des baux et les
facilités d’expulsion.
La situation dramatique
prévisible pour les investisseurs utilisant un crédit in fine !
De façon
générale, l’immobilier est le seul placement que
l’on peut tous faire en utilisant
l’effet de levier de la dette, à savoir le crédit.
Il y a en gros deux façons de faire.
1/ Le crédit amortissable
Un investisseur achète un
bien à usage locatif. Il finance cette acquisition par un
crédit. Il rembourse une mensualité constante pendant une
durée de x années. Il va s’arranger pour que
l’effort d’épargne soit le moins important possible.
L’idée c’est que le loyer couvre au maximum le paiement de
la mensualité du crédit. Avec les niveaux de prix atteints,
c’est quasiment impossible, sans oublier que les loyers perçus sont
fiscalisés.
En cas de baisse importante des
loyers, beaucoup de propriétaires se retrouveront à devoir
rajouter de plus en plus tous les mois, sans oublier l’alourdissement
prévisible de la fiscalité. La situation risque donc
d’être délicate pour de nombreux investisseurs.
Une des solutions envisageables
notamment pour ceux qui ont un peu d’épargne (susceptible de se
faire « chyprer » à
n’importe quel moment) est de procéder à un remboursement
partiel par anticipation. Vous gardez la même durée
d’emprunt et vous en profitez pour faire baisser votre mensualité,
ce qui vous donnera une marge de manœuvre. N’oubliez pas non plus
de renégocier votre taux d’emprunt. Il n’est pas rare de
trouver des acquéreurs payant des crédits autour de 4,5 % alors
que les taux sont actuellement au maximum de 3,5 %. Mises bout à bout,
ces deux stratégies vous donneront vraiment une marge de confort que
l’avenir saura, hélas, sans doute vous faire apprécier.
2/ Le crédit in fine
Plus grave est la situation pour
ceux qui ont recours au crédit in fine. Il s’agit de ne payer que
des intérêts pendant 15 ans (montage classique) qui sont
à 100 % déductibles des revenus fonciers. Au bout de 15 ans,
l’acquéreur doit rembourser le capital. Pour ce faire,
l’investisseur économise pendant cinq ans tous les mois une
somme identique versée sur un contrat d’assurance vie fonds euro
nanti au profit de la banque qui a octroyé le crédit (montage
classique).
Le problème est multiple
pour ces investisseurs. Tout d’abord, ils ne sont pas à
l’abri des impayés et des risques immobiliers classiques.
Mais il y a plus grave. Ils sont détenteurs d’épargne
investie en obligations d’États qui sont virtuellement à
peu près tous en faillite. Ils assument donc le risque de contrepartie
(la banque ou la compagnie d’assurance peut faire faillite) et le
risque de placement en cas de non-remboursement de leurs obligations ou
encore de krach obligataire désormais très probable.
Leur risque est donc de perdre
l’épargne destinée à rembourser le crédit
in fine en devant quand même rembourser ce crédit.
L’épargne disparaît, mais pas la dette !
C’est donc une situation
potentiellement dramatique que doit envisager l’investisseur
détenteur d’un crédit in fine.
Il y a trois solutions.
La première consiste
à rembourser le crédit in fine par anticipation ou à le
transformer en crédit amortissable.
La deuxième à
revendre le bien immobilier et à sortir définitivement de cette
opération (avec des pertes éventuelles à prendre ou une
impossibilité fiscale s’il y a un engagement de 9 ans lié
à une défiscalisation – cas très classique
hélas).
La troisième consiste
à avoir une approche juridique (sans garantie absolue de
succès) et à écrire quelques courriers à sa
banque afin de préparer un dossier ayant pour objet de mettre votre
établissement financier en position de « défaut de conseil
». L’idée c’est que la banque doit vous garantir que
votre épargne sera toujours là le jour où elle vous
demandera de rembourser votre dette, l’un ne pouvant pas aller sans
l’autre.
Comme elle ne sera pas en mesure de
le faire (ce qui donne lieu à des échanges épistolaires
assez cocasses du type dialogue de sourd), cela vous permettra soit de
constituer un dossier solide, soit de vous permettre de négocier avec
votre banque les éventuels frais ou pénalités liées
à un remboursement anticipé ou encore un passage en
crédit amortissable.
Dans tous les cas et pour tous les
investisseurs, tenez-vous loin du marché immobilier à usage
locatif. Pour les résidences principales, il est urgent
d’attendre.
Il est fort possible que le
gouvernement souhaite volontairement massacrer le marché immobilier
pour plusieurs raisons. D’abord, les propriétaires qui louent
votent majoritairement à droite. Le peuple pleure rarement sur le méchant
exploiteur propriétaire. Ensuite, baisser le prix des loyers redonnera
mécaniquement du pouvoir d’achat aux ménages sans avoir
à augmenter les salaires.
Il ne faut pas oublier non plus que l’argent qui part dans
l’immobilier est totalement stérile et improductif pour
l’économie, de même que les loyers perçus qui ne
sont qu’une ponction économiquement improductive.
Le gouvernement socialiste semble bien décidé à casser
cette bulle spéculative.
Comme les mauvaises nouvelles volent en escadrille, sachez également
que l’immobilier est avant tout détenu par les seniors. Les
seniors vont progressivement devenir vendeurs (succession,
décès, dépendance, etc.) provoquant un afflux jamais vu
de biens à la vente. Les générations suivantes étant
beaucoup moins riches et solvables, les prix devront s’ajuster.
C’est ce que la FED, dans une étude de 2005, avait
intitulé « L’hiver immobilier, vers un super cycle baisser de 50 ans » !
Alors surtout… ne vous
précipitez pas et attendez que l’immobilier soit
complètement ringard pour y investir. Lorsque votre voisin ne vous
félicitera plus pour votre achat mais vous prendra pour un fou, alors
ce sera le moment de retourner sur le marché !
Charles SANNAT
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