| La solvabilité des États développés ne souffre pas d’être discutée, leur signature ne doit pas être mise en défaut. Où faut-il chercher la raison de cet interdit, dans le puissant rôle de consolidation que la dette souveraine joue dans le système financier, ou parce que la solvabilité des banques est globalement en question et qu’il faut bien se raccrocher à quelque chose ? Une nouvelle analyse de Royal Bank of Scotland (RBS) confirme que, s’il n’en est pas fait des choux gras, la taille de la bulle de la dette privée dépasse de loin celle de la dette publique. Que l’on en juge : les banques européennes devraient diminuer la taille de leurs bilans de 3.200 milliards d’euros d’ici 2018, afin de respecter la réglementation Bâle III, en particulier son ratio exprimant l’effet de levier. Le chiffre est faramineux mais l’objectif reste modeste, puisqu’il leur permettra, une fois réalisé, de supporter 3% de pertes sur la totalité de leurs actifs, pas davantage ! Selon la BCE, les banques auraient déjà réduit la taille de leurs bilans de 2.900 milliards d’euros depuis mai 2012, mais elles ne sont pas encore arrivées à mi-parcours de l’effort de désendettement qu’elles doivent accomplir, et la suite pourrait être plus difficile. Tous les moyens seront bons pour y parvenir : vente d’actifs, ou d’activités et diminution de l’encours du crédit, mais la réalisation d’un objectif de cette taille n’est pas sans risque. Afin de préserver autant que possible une rentabilité durement érodée, les banques sont incitées à prendre davantage de risques avec le volume plus réduit d’actifs avec lequel elles peuvent jouer, devant déjà compter avec leurs actifs leur restant sur les bras, qui ne sont pas nécessairement de la meilleure qualité. C’est au nom de ce danger, afin de limiter les coupes à opérer, qu’une proposition circule avec insistance : l’adoption au titre du renforcement des banques d’une combinaison de deux ratios, l’un reposant sur l’effet de levier, et l’autre sur le rapport entre les actifs pondérés et les fond propres, permettant de noyer un peu le poisson. Un défaut généralisé serait la solution toute trouvée, tout comme pour les États, mais s’y résoudre serait pénétrer encore plus profond en territoire inconnu. Déjà que nous y sommes un peu perdus, comme les banquiers centraux en mal de sincérité le reconnaissent. Le renforcement des fonds propres est un sujet tout aussi délicat. Qu’est-il en effet proposé aux investisseurs à qui il est demandé de souscrire aux émissions obligataires des banques ? Soit de prendre le risque d’être demain victimes d’un bail-in, dans le cadre d’un renflouement, soit de devenir un jour actionnaires d’une banque en déconfiture, si les obligations qu’ils détiennent sont hybrides et convertibles en actions. Deux sorts peu réjouissants au nom desquels se profile le danger d’une hausse des taux obligataires qui affectera à nouveau leur rentabilité après avoir rétréci leurs marges, expliquant la préférence donnée à la réduction de la taille du bilan et la diminution du crédit. Que ce soit pour les États ou pour le système financier, le loyer de l’argent est une variable essentielle. Au montant justifié par le risque de ne pas être remboursé, il ne peut pas trop augmenter sauf à précipiter l’insolvabilité des débiteurs dont il s’agit de se prémunir ! Mais la demande de crédit se faisant pressante et le risque de défaut ne disparaissant pas, comment résister ? L’étude de RBS fait apparaître que les grandes banques européennes – dont la Deutsche Bank, Barclays et le Crédit agricole – partagent avec leurs consoeurs de taille plus réduite les mêmes besoins de financement. Les deux premières ont d’ailleurs déjà annoncé des objectifs de réduction de leur bilan. Côté réglementation Bâle III, des choix sont encore à faire entre renforcement des fonds propres et mesures destinées à rassurer les investisseurs ; elles concernent le détail des critères d’éligibilité des obligations hybrides. Les marges de manoeuvre se rétrécissent au fur et à mesure que les objectifs se précisent. Décidément, le désendettement des banques n’est pas affaire plus facile que celui des États, il va bien falloir le reconnaître. En attendant, le système financier ne retrouve toujours pas son équilibre, les banques centrales condamnées à jouer les équilibristes sans savoir quand elles pourront siffler la fin de la partie. D’une manière ou d’une autre, la taille du système financier doit être réduite. La méthode qui est privilégiée en fait à nouveau supporter le poids à l’économie et le coût indirect aux États, un pari très hasardeux en raison de sa disproportion avec celle de l’économie, qu’elle écrase. Une autre méthode consisterait à organiser cette réduction sans s’en remettre au marché, mais elle est loin d’être envisagée… | |