La
résolution de la crise chypriote a mis sur le devant de la
scène de nouvelles mesures de sauvetage des banques,
caractérisées notamment par un gel des comptes et une décote
(haircut)
substantielle – voire un risque de perte quasi complète – pour
les (gros) déposants. Or, au lieu d’être une exception
chypriote, de telles politiques de renflouement interne (bail-in) sont dans les cartons de nombreux pouvoirs publics un
peu partout dans le monde.
La Financial
Services Agency japonaise serait ainsi – tel que rapporté
en juin dernier – sur le point de mettre en place de nouvelles
règles de renflouement interne. Celles-ci obligeraient les
investisseurs à subir des pertes en cas de difficultés
bancaires, comme ce fut le cas à Chypre.
Mais le Japon
n’est pas le seul cas. Sur la liste (non exhaustive), figure notamment
l’Union européenne, avec la mise en place d’un nouveau cadre
réglementaire qui touchera donc tous ses pays membres.
Ce n’est
d’ailleurs pas un secret. En effet, le commissaire européen aux
Affaires économiques et monétaires, Olli
Rehn, évoque
ouvertement le fait que la responsabilité des déposants
sera engagée en cas de restructuration ou de faillite bancaire au sein
de l’UE. La nouvelle proposition de directive
de « redressement et résolution » des
défaillances bancaires (Recovery and Resolution Directive ou RRD) stipule ainsi que le renflouement
interne devrait être « appliqué à un
éventail aussi large que possible d'engagements ou de passifs non
garantis ». Or, si les dépôts garantis de moins de
100 000 euros sont pour l’instant exclus, tous les autres dépôts
entrent précisément dans cette dernière
catégorie. Tout compte bancaire dont le solde est supérieur
à ce seuil minimal sera par conséquent concerné.
Un accord a
été trouvé fin juin dernier par les Ministres des
finances réunis pour le Conseil ECOFIN, prévoyant à cet
égard « un niveau de perte minimal » obligatoire
de 8% du passif total de la banque en difficulté, et touchant tous les
créditeurs dont notamment les gros déposants. La directive doit
encore être examinée par le Parlement européen avant la
fin de l’année.
Un rapport
conjoint du Fonds de garantie des dépôts américain (FDIC)
et de la Banque d’Angleterre va dans le même sens et fournit un
autre exemple. Il précise en effet que « les
dépôts non assurés seraient traités de la
même manière que les autres engagements similaires dans le
processus de résolution, et il faut s’attendre à ce
qu’ils soient dépréciés ». Les
déposants dans ces deux pays seront par conséquent
également concernés.
Enfin, les Canadiens devront eux aussi
se préparer à subir le risque d’une « chypriotisation » de leurs comptes bancaires. Le
plan
budgétaire 2013 du gouvernement canadien propose
d’établir un régime de renflouement interne, ou
« recapitalisation interne » selon le terme plus
courant au Canada.
Mais ce n’est pas tout. Il y a un
autre virage réglementaire qui concerne les déposants, y
compris les « petits ». Il consiste dans le fait que
« les systèmes de garantie des dépôts sont
intégrés dans la hiérarchie des créances et sont
considérés comme étant de même rang que les
créances non privilégiées et non garanties »
(point 4.4.15. de la directive européenne RRD).
De quoi s’agit-il ?
Concrètement, cela signifie que les
faibles montants d’argent liquide dont disposent les fonds nationaux de
garantie – en comparaison des dépôts à assurer
– ne serviront plus à indemniser les déposants en cas de
faillite(s) bancaire(s). Ces montants seront désormais versés aux
établissements en difficultés. À cause d’une telle
disposition, les petits déposants courent, volens nolens, des risques plus importants de subir, eux aussi,
des pertes.
En effet, c’est ni plus ni moins comme
si le fonds d’indemnisation des accidents de la circulation se mettait
à verser les montants des dommages au conducteur responsable de la
collision mais insolvable, au lieu de vous les verser à vous en tant
que victime. Qu’arrivera-t-il si celui-là le gaspille, en
restant tout aussi insolvable ?
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