Faut-il parler
d’un nouveau modèle suédois ? La réforme des
« vouchers »*
mise en œuvre par le gouvernement de centre-droit de Carl Bildt
(1991-1994) a repris l’essentiel des idées formulées par
Milton Friedman. Il s’agit
d’un régime fondé sur le droit de choisir
l’école de ses enfants, grâce à
l’instauration d’un chèque-éducation virtuel
équivalant au coût moyen de l’élève dans le système
public d’éducation.
Qu’en
est-il 20 ans après ? Qu’on en juge :
-
En
2010-2011, les écoles libres représentaient 16 % de toutes les
écoles offrant la scolarité obligatoire et quasiment la moitié
(48 %) des lycées.
-
12
% des élèves en élémentaire/collège sont
inscrits dans une école libre, un chiffre en nette croissance depuis
l’introduction des chèques-éducation en 1992.
-
En
2009-2010, 226 établissements
élémentaires/collège et 302 lycées libres ont
demandé une autorisation de démarrage ou d’extension de
leurs activités.
Ces
résultats reflètent les bienfaits d’un marché
éducatif en plein essor :
-
La
présence de groupes privés témoigne de la
préférence pour la société anonyme (près
de deux tiers des écoles), suivie de formes associatives et de
fondations (le tiers restant).
-
En
parallèle, la plupart des écoles libres restent de petite
taille (85 % des entreprises ou associations gèrent un seul établissement).
-
Un
élève sur dix fréquente une école gérée
par une grande entreprise scolaire.
Contrairement
à la France où la part des écoles
« libres » est depuis longtemps fixée par
décret, le marché scolaire suédois est dynamique :
90 écoles ont été créées au lendemain de
la réforme, alors qu’elles étaient au nombre de 1230 pour l’année
scolaire 2010-2011.
Les
entreprises se spécialisent pour la quasi-totalité dans un
niveau d’enseignement (primaire/secondaire) : seuls 7 % des
sociétés gèrent des établissements à deux
niveaux. En revanche, la croissance a été
particulièrement forte au niveau lycée, en partie
à cause d’une augmentation considérable du nombre
d’élèves : de 2005 à 2009, on est
passé de 795 à 980 établissements, alors que pendant la
même période le nombre d’écoles
élémentaires et de collèges publics a subi une forte
contraction.
Le choix des
élèves et des parents exerce une influence importante sur
l’offre d’une municipalité donnée. Une demande en
baisse peut entraîner la suppression de certains programmes, voire la
fermeture d’établissements. À l’inverse, une
demande accrue signifie une organisation plus efficace, une diversification
des enseignements grâce à une concurrence plus intense.
Cela se
répercute également sur le plan de la gestion : le
coût moyen d’un élève dans une école libre
était plus faible de 11 % que dans le public en 2009. De même,
les coûts municipaux ont augmenté de 13 % et ceux des
écoles libres de 4 % (alors que ces dernières versent en outre
la TVA, à la différence du système public !).
Les
détracteurs du système dénoncent la possibilité
de monter des écoles sur une base commerciale, en dépit des
résultats positifs. Comme pour toute entreprise, il
s’avère cependant que les profits servent davantage à
développer les activités de l’établissement
qu’à rémunérer des actionnaires (qui souvent
adoptent une stratégie d’investissement de long terme).
À l’inverse,
un journaliste représentant le Syndicat des municipalités
relève le caractère absurde des critiques : « Le
profit ne nuit pas à la qualité, c’est un mythe. Certes,
des entrepreneurs et des municipalités peuvent commettre des abus.
Mais l’exception n’est pas la règle ».
Commentaire
intéressant, sachant que le Parti social-démocrate et le mouvement
syndical en Suède ont pendant des décennies refusé toute
alternative au système public. Le soutien populaire au libre choix
scolaire reste solide et s’amplifie. Alors que 75 % des personnes
interrogées y étaient favorables en 2011, la situation a
évolué un an plus tard : 62 % des électeurs ayant
voté pour les sociaux-démocrates, la Gauche ou les Verts sont
désormais du même avis.
Ce
plébiscite s’appuie sur des faits, reconnus aussi par
l’Agence nationale pour l’éducation dans un rapport de
2012 : « Le marché scolaire ne saurait être
appréhendé comme un phénomène statique, mais
comme un univers marqué par des évolutions rapides et
successives. Ceci relève à la fois de la dynamique des acteurs
indépendants, des choix faits par les élèves et les parents,
et de l’évolution des budgets des entrepreneurs ».
Tout ceci
semble indiquer une lame de fond en matière de liberté
d’éducation que la classe politique ferait mieux de suivre
attentivement.
* Article
basé sur une étude de l’auteur publiée par
l’IREF, « Les vouchers et les écoles libres :
l’exemple suédois », février 2013.
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