Le recours au principe
de précaution est devenu au cours des dernières années
de plus en plus systématique notamment en Europe ou en France
où il est inscrit dans la Constitution depuis 2005. Il est
aujourd’hui admis que les interventions précautionnistes
des pouvoirs publics peuvent s’avérer néfastes sur le
plan de l’économie et de l’innovation. Moins nombreuses cependant
sont les évaluations sanitaires et environnementales de
l’application politique du principe de précaution. Et pourtant,
loin de diminuer les risques, elle débouche souvent sur des
« remèdes pire que le mal ».
Le principe de
précaution (PP) est devenu omniprésent. Des produits aussi ordinaires
que les « cornflakes » fortifiés aux vitamines
(en Norvège), les jus de fruit avec ajout de vitamine C (au Danemark)
ou les boissons énergisantes (en France) ont été dans son
collimateur. La cigarette électronique, un produit à la mode et
plébiscité par les consommateurs ne passera sans doute pas
à travers son filet.
Le paradoxe de
ce principe, c’est qu’en dépit de son objectif
affiché, son application politique peut augmenter, au lieu de
diminuer, les risques pris dans leur ensemble. Comment ?
Les
bénéfices des produits visés par le PP ont, en effet,
tendance à être ignorés ou sous-estimés. Les
risques ainsi créés sont d’autant plus importants que les
produits visés sont la référence dans leur secteur
respectif.
Le cas
controversé du DDT illustre bien cela. Produit chimique de référence
dans la lutte contre le paludisme au milieu du 20ème
siècle, il a été soupçonné de nuire à
l’environnement et notamment à certains oiseaux. Une approche précautionniste qui ne disait encore pas son nom
à l’époque a conduit à son interdiction dans les
pays développés. Partout ailleurs, son utilisation a
été découragée. Or, cela s’est
accompagné d’une résurgence de la maladie dans de
nombreux pays. Les coûts du précautionnisme
– dans cas particulièrement dramatique - se chiffrent ainsi en millions
de vies perdues, selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la
santé.
Les
bénéfices incontournables d’autres produits subissent
aujourd’hui le même sort. C’est le cas du Bisphénol
A (BPA), pourtant largement utilisé depuis plus de 50 ans pour
protéger, entre autres, la nourriture dans les boîtes de
conserves, les bocaux, etc., de possibles contaminations. Alors que son
interdiction est déjà prévue en France pour 2015, les
substituts, trouvés dans la précipitation et sans doute moins
performants, pourraient augmenter les risques d’intoxication
alimentaire et de botulisme (une autre maladie mortelle).
De nombreux autres
exemples suggèrent que l’application du PP par les gouvernements
se révèle être à la source même de nouveaux dangers
pour la santé et l’environnement.
Le gouvernement
français actuel envisage ainsi de réduire la puissance des
antennes-relais. Or, cela obligera les opérateurs à multiplier
leur nombre pour compenser la réduction des zones de couverture,
induisant des surcoûts et un gaspillage de ressources rares
contreproductif. Pourquoi ? Car une telle mesure augmentera, selon les
avis scientifiques, l’exposition de 90% des Français aux ondes
électromagnétiques, la puissance d’émission du
portable s’intensifiant chaque fois qu’on change de zone.
Autre exemple,
celui de l’interdiction en France d’immatriculer de nouvelles voitures
de la marque Mercedes-Benz. Le cas a défrayé la chronique l’été
dernier. La raison invoquée? La présence dans leur
système de climatisation du gaz réfrigérant R134a
– la référence depuis des années dans ce domaine
– mais interdit depuis le 1er janvier 2013 au nom du
principe de précaution. Son utilisation a été proscrite au
niveau européen dans le cadre de la lutte contre le
réchauffement climatique et aurait dû être remplacé
par un autre gaz, le HFO 123yf. Pourtant, contrairement à son
prédécesseur, ce dernier beaucoup plus cher, est inflammable.
Et il est hautement toxique, voire mortel, s’il s’enflamme. En
cas d’accident, il pourrait donc mettre en danger la vie des passagers
et du personnel de secours, un danger bien réel selon certains tests.
Ces nouveaux risques – et les dommages causés s’ils se
matérialisent – sont à mettre au passif du principe de
précaution.
Le cas des
biocarburants illustre quant à lui le danger de la
« promotion » de nouvelles technologies par les gouvernements.
Produit aussi
vieux que l’invention du moteur à combustion, il a
été favorisé fiscalement et réglementairement au
cours des dernières décennies pour les mêmes raisons que
le gaz précédemment cité. Le bilan de cette « promotion »
politique n’est pas anodin.
Il a, en
effet, contribué à la flambée des prix agricoles,
augmentant par la même occasion les risques de crises alimentaires. Ainsi,
si l’indice des prix agricoles mesuré par le FMI a
augmenté de 130% entre 2002 et 2008, il a été
estimé que jusqu’à 75% de cette augmentation serait
précisément due aux politique des biocarburants.
Même l’impact
carbone – pourtant la principale justification officielle des
biocarburants au départ – serait négatif.
Ils pourraient causer, selon les estimations, jusqu’à un
doublement des émissions de CO2 sur une période de 30 ans quand
on prend en compte l’ensemble des émissions liées
à leur production.
Le PP aurait
donc causé dans ce cas des malinvestissements
de la part des industriels mais aussi des gaspillages dans
l’utilisation des sols, de l’énergie, de l’eau, en
termes de pesticides et de fertilisants, de biodiversité, etc.
Le principe de
précaution est omniprésent et permet un véritable retour
en force de l’interventionnisme étatique dans
l’économie. Cependant, tel l’éléphant proverbial
dans le magasin de porcelaine, les dégâts et les effets pervers
sont tels qu’ils ne peuvent plus être ignorés. Même
si le propos dérange, il faut sans doute avoir le courage de le « désacraliser »
et de garder raison à chaque fois que des décisions politiques
sont avancées en son nom.
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