Dans un précédent
article, nous avions insisté sur certaines défaillances de
notre système de protection sociale. Nous avions effleuré
l’idée selon laquelle les charges sociales pèsent sur
l’emploi. Nous avions aussi indiqué que ce système que
les Français aiment tant était de plus en plus inefficace.
En revanche,
nous nous étions un peu moins penchés sur les
bénéficiaires de l’« assurance
sociale ».
En
préambule, il convient de rappeler qu’en 1999, était
votée la loi instaurant la CMU (couverture maladie universelle) qui
sera, ensuite, mise en œuvre en 2000. Dans un pays qui se prétend
être à la pointe de la protection sociale de ses citoyens, le
simple fait de devoir créer aussi tardivement un tel dispositif
pouvait s’analyser comme un désaveu.
Pour autant,
cela signifie-t-il que seuls les salariés disposent d’une
protection sociale ? La réponse est bien plus complexe que ce
qu’il n’y paraît de prime abord. Le nombre de personnes
couvertes demeure relativement important et ne se limite pas aux
travailleurs. Le système, tel qu’il est conçu,
indépendamment de la création de la couverture maladie
universelle, laisse place aux abus et débouche sur un effet inverse
à celui attendu comme nous allons le voir ci-dessous, notamment en
termes d’emploi.
En effet, le
remboursement des frais médicaux est conditionné de la
façon suivante : il faut avoir cotisé, sur une
période de référence, soit sur un certain montant, soit
sur une durée minimum.
Ainsi, il
faut :
-
pendant
un mois ou trente jours consécutifs : avoir travaillé au
moins 60 heures, ou avoir cotisé sur un salaire d’au moins 60
fois le SMIC horaire (soit 553,2 €) ;
-
pendant
trois mois : avoir travaillé au minimum 120 heures, ou avoir
cotisé sur un salaire minimum de 120 fois le SMIC horaire (soit 553,2 €) ;
-
pendant
un an : avoir travaillé au minimum 1200 heures ou avoir
cotisé sur un salaire d’au moins 2030 fois le SMIC horaire (soit
18716,6 €).
Les
congés payés sont inclus dans le calcul des heures
travaillées de même que le chômage partiel, par exemple.
Reste à
se poser la question des droits sociaux de salariés perdant leur
emploi. Ces derniers jouissent d’une disposition transitoire
favorable : le maintien des droits. La question du maintien des droits
à l’assurance sociale mérite attention au vu des enjeux
qu’elle implique. La problématique est la suivante : qui
est susceptible d’en bénéficier ?
Le maintien
des droits est souvent transitoire et vise à offrir une
sécurité temporaire à ses
« anciens » bénéficiaires.
Il s’applique
donc :
-
Au
salarié au chômage qui n’est pas indemnisé par
Pôle Emploi. En l’espèce, la durée est d’un
an à compter de la rupture du contrat de travail.
-
Au
salarié au chômage qui n’est plus indemnisé par
Pôle Emploi. Dans ce cas, il n’y a aucune limitation de
durée et le départ du maintien des droits débute
à compter de la fin du versement de l’allocation-chômage.
-
Au
salarié pendant un congé sabbatique, un congé sans
solde, un congé pour création d’entreprise. Comme pour le
premier cas, la durée est d’un an à compter de la
cessation de l’activité salariée.
-
À
l’étudiant qui a terminé ou interrompu ses études.
Ses droits sont maintenus à compter de la fin de sa dernière
année universitaire et sa durée dépend de sa situation
ultérieure (début d’une activité salariée,
chômage, âge, etc.).
-
À
la personne ayant-droit d’un assuré social lorsqu’elle ne
remplit plus les conditions pour être ayant-droit (divorce, rupture de
la vie maritale ou du PACS, enfant de plus de 16 ans ne poursuivant pas ses
études, etc.). Là encore, le point de départ du
délai se situe au moment où les conditions ne sont plus
remplies. Quant à la durée du maintien des droits, elle est, en
principe, d’un an.
-
À
la personne ayant-droit d’un assuré social
décédé. La durée est, en principe, d’un an
à compter du décès dudit assuré.
-
À
la personne titulaire d’une pension, rente ou allocation,
lorsqu’une telle pension, rente ou allocation est supprimée. Le
point de départ du maintien des droits se situe au moment de la
suppression.
-
Au
salarié au chômage qui perçoit une indemnisation du
Pôle Emploi et ce, jusqu’à la fin du versement de
l’indemnisation.
Que se
passe-t-il à l’expiration du maintien des droits ? Ces
personnes bénéficient alors de la CMU (Couverture Maladie
Universelle).
Que conclure
de ce petit topo ? Tout d’abord, le fait que la CMU est une innovation
bien moins révolutionnaire que ce qu’on a pu prétendre
dans le passé. Le système du « maintien des
droits » permet d’élargir considérablement
– certes, pas à l’infini – le nombre de personnes
bénéficiant de l’assurance sociale. Et il ouvre la voie
à toutes les dérives : un salarié qui n’aura,
par exemple, travaillé qu’un mois, sera couvert pendant une
période de douze mois.
Ce
système fait l’objet d’une auto-admiration en France, en
ce qu’il est universellement protecteur. Personne ne serait laissé
sur le carreau. Il répondrait ainsi aux impératifs de justice
sociale.
Mais, en
réalité, son coût exorbitant est indéniablement
une des causes du chômage en France. Le Professeur Patrice
François, qu’on ne saurait « suspecter »
d’« ultra-libéralisme », explique
lui-même que le coût du travail, induit par le coût
élevé de la protection sociale, est source de délocalisations,
lesquelles détruisent des emplois en France.
De la
même manière, le système social français est non
seulement coûteux mais on pourrait ajouter que son efficacité
est moindre, en témoignent les déremboursements constants que
subissent les assurés sociaux.
Malheureusement,
le vent de réformes structurelles n’est pas encore
arrivé.
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