La République centrafricaine,
chroniquement instable et pauvre, est à nouveau ravagée par un
conflit armé et sa population en paie le prix fort. Même
s’il y a un impératif moral à tenter d’aider la
société centrafricaine, l’État français, dépourvu
de stratégie claire en matière d’engagement militaire et
en proie à une grave crise économique et budgétaire,
est-il le meilleur allié ?
Les premiers renforts de
l’armée française envoyés en République centrafricaine
(RCA) se déploient dans le but de rétablir l'ordre après
une prise de contrôle du pays par des rebelles. Quelques 200 soldats
sont déjà
arrivés sur place, 500 autres devraient rapidement suivre. Dans
le futur, 1 200 soldats français devraient épauler 3 600
soldats africains.
Une population victime de pillards violents
La situation est très
préoccupante. Environ 10 % de la population a fui leur habitation, 25
% a besoin d'aide alimentaire, les forces rebelles sont en partie
constituées d’enfants-soldats et la plupart des écoles et
des hôpitaux en dehors de la capitale ont été pillés.
Ce conflit armé pourrait
dégénérer en conflit religieux et ethnique, ce qui
aurait de graves répercussions dans les pays voisins.
Un pays chroniquement instable et pauvre
La République
centrafricaine est un État en crise permanente, subissant sans cesse mutineries et rebellions. La
dernière en date est le renversement du président centrafricain
François Bozizé par une force rebelle
connue sous le nom Séléka en mars
2013, installant à sa place son propre commandant, Michel Djotodia, un ancien fonctionnaire ayant
étudié 10 ans en URSS et devenu aventurier militaire au
gré des coups d’État.
Des bandes armées, principalement
d'anciens rebelles membres de Séléka
et opérant maintenant plus ou moins indépendamment, pillent les
provinces de ce pays comptant seulement 4,6 millions d’habitants et
aussi grand que l’Ukraine. Certains sont des mercenaires issus des pays
voisins comme le Tchad ou le Soudan.
Des décennies
d'instabilité ont miné l'économie centrafricaine. Le
pays est riche en bois, diamants et autres minéraux mais cette importante
source de revenus est devenue le ferment de toutes les rivalités. La
Centrafrique est ainsi devenue le sixième pays le plus pauvre
d’Afrique.
Ce pays enclavé est la
proie facile des débordements de violence des pays voisins : le
Sud-Soudan, le Darfour, le Tchad et la République démocratique
du Congo tentent de se sortir d'années de conflit et restent
extrêmement instables.
L’État français entre dans sa 9ème
mission militaire simultanée
Comme ce fut le cas lors
l'intervention au Mali en janvier 2013, le ministre de la défense français
Jean- Yves Le Drian a déclaré que les
troupes françaises seraient déployées pour « une
courte période, de l'ordre de 6 mois ». Mais 1 000 soldats
français sont toujours déployés et combattent au Mali
après 10 mois d’opérations sur place et il est
officiellement admis qu’ils resteront sur place en 2014.
On estime que l’intervention
militaire au Mali a coûté aux contribuables français 400
millions d’euros en 2013. Admettons que l’intervention en
Centrafrique ait un coût équivalent. L’État français
a-t-il les moyens de s’engager dans une 9ème opération
militaire simultanée* sachant qu’il est endetté à
90% de son PIB ?
Une victoire militaire rapide en
Centrafrique est possible, mais elle ne conduira pas à un pays stable
et ne créera pas les fondements de l’état de Droit et de
la démocratie libérale. Un régime démocratique corrompu
et kleptocrate ou une autocratie militaire instable sont les régimes
les plus susceptibles d’émerger de ce conflit.
Sans compter que, comme on
l’a vu en Lybie et au Mali, une intervention militaire dans un pays
étranger déclenche toujours une cascade de conséquences
imprévues.
* Listes des opérations
militaires françaises en cours :
1. Liban (depuis 1978, 900
militaires actuellement)
2. Tchad (depuis 1986, 950
militaires actuellement)
3. Golfe de Guinée (depuis
1990, environ 100 militaires actuellement)
4. Kosovo (depuis 1999, 300
militaires actuellement)
5. Afghanistan (depuis 2001, 500
militaires actuellement)
6. Cote d’Ivoire (depuis
septembre 2002, 450 militaires actuellement)
7. Anti-piraterie dans le Golfe
d’Aden (depuis décembre 2008, moins de 180 militaires
actuellement)
8. Mali (depuis janvier 2013, 1000
militaires actuellement)
9. Centrafrique (depuis octobre
2002, renforcé en mars et novembre 2013, 500 militaires actuellement,
1200 planifiés)
À noter que les opérations
militaires françaises ci-dessous viennent de se terminer :
1. Jordanie (depuis août
2012, 80 militaires jusqu’à décembre 2013)
2. Pays Baltes (depuis avril 2013,
80 militaires relevé par un détachement belge en septembre
2013)
|