La fameuse
taxe à 75% n’est neuve ni la pire. Toutefois, si la super taxe anglaise
d’après-guerre touchait surtout les
revenus des stars de la musique, la taxe à 75% française semble
concerner une autre catégorie d’entreprises : les clubs de
football. En effet, ils seraient environ seize clubs à payer des
salaires de plus d’un million d’euros. À eux-seuls, ils
réaliseraient le quart des rentrées fiscales
espérées, soit 40 à 50 million d’euros.
Pourquoi le
football est-il le domaine d’activité le plus touché ?
Il semblerait que les clubs de football disposent des plus faibles leviers
d’optimisation fiscale. Or, ces leviers d’optimisation fiscale
sont les seuls à donner aux entrepreneurs la possibilité de poursuivre
leurs activités sur le territoire français, de continuer
à vendre des produits et des services à des prix avantageux
pour les consommateurs et ce en dépit de l’augmentation de la
pression fiscale. Par exemple, ils peuvent enregistrer leurs entreprises
à l’étranger dans des pays au régime fiscal plus
clément. Amazon paye ainsi sa taxe sur le revenu au Luxembourg.
Lorsque la spécificité de leur modèle d’affaires
les contraint à avoir pignon sur rue, alors il est toujours possible
de mettre en place des arrangements selon le modèle de Starbucks.
Cette société achète les matières
premières à des filiales en Suisse à des prix
suffisamment élevés pour ne pas avoir à déclarer
de profits dans les pays européens qui exigent des taxes importantes.
Si les clubs de football mènent la
fronde contre la taxe à 75%, c’est justement parce que contrairement
à d’autres entreprises, ils ne disposent pas des mêmes
leviers d’optimisation fiscale. La nouvelle taxe concerne, en effet,
les salaires et non pas les revenus. C’est précisément ce
que les représentants des clubs de foot répètent sans
cesse : des salaires très élevés ne signifient pas
forcement des profits très élevés. Dans certains
domaines comme le football, être obligé de payer de nouvelles
taxes sur de très hauts salaires reviendrait à devoir augmenter
proportionnellement ces salaires et à creuser ainsi davantage les
déficits des clubs. Comme la taxe est indexée sur les salaires
et non sur les revenus, les leviers mentionnés
précédemment pour les grandes multinationales ne sont pas
disponibles pour les sportifs en général.
C’est
ainsi que nombre de sportifs, parmi les mieux lotis, ont tout simplement
quitté la France. En tennis par exemple, l’ensemble des membres
de l’équipe de coupe Davis de
France (l’entraîneur compris) n’est plus depuis longtemps
résident en France mais en Suisse. Dans la plupart des sports, le fisc
français doit se contenter d’un prélèvement
à la source de 15% pour les revenus
(prix, primes etc.) qui seraient obtenus sur le territoire français
(et là encore, il y a des exceptions liées aux conventions
fiscales avec d’autres pays comme Monaco ou le Luxembourg).
Mais les clubs ne peuvent pas bénéficier
de ce privilège là non plus (et payer uniquement la taxe de
15%), car ils sont physiquement basés en France et quand bien
même les joueurs seraient résidents à
l’étranger, ils reçoivent leurs salaires en France. Les
clubs se voient donc obligés de payer des taxes sur les salaires
qu’ils versent. Pourquoi les clubs ne déménageraient-ils
pas tout simplement à l’étranger ? D’autant
plus qu’il s’agirait non pas d’y déplacer les stades
mais d’y déménager uniquement le siège social,
comme Amazon.
La raison pour
laquelle les clubs ne peuvent pas déménager à
l’étranger à l’instar des entrepreneurs et autres
sportifs dans les jeux individuels, c’est qu’ils doivent
être affiliés à la Fédération française
de football (FFF) s’ils veulent pouvoir participer aux
compétitions internationales. Ceci explique d’ailleurs le
débat autour de la mention de l’AS Monaco dans la liste des clubs de foot visés
par la taxe. Car en l’absence d’une fédération de
football monégasque, l’AS Monaco a décidé de
s’affilier à la FFF pour pouvoir participer aux
compétitions internationales comme celles organisées par
l’UEFA (Union des associations européennes de football).
Or, face
à cette menace fiscale, l’intérêt de créer
une fédération monégasque deviendra plus important et l’AS
Monaco pourrait enfin décider de se retirer de la FFF et
s’inscrire dans la fédération de football de son pays.
Cette démarche ne devrait pas être très compliquée
car Monaco reste un des seuls États
souverains à ne pas avoir de fédération.
La solution
semble donc toute trouvée. Pourquoi les autres clubs français
dans le même cas de figure ne déménageraient-ils pas
leurs sièges sociaux dans le championnat monégasque ? Ou
encore si le fait de créer une nouvelle fédération peut
paraître compliqué, pourquoi Monaco et les autres clubs
français visés par la taxe à 75% ne seraient-ils pas affiliés
à d’autres fédérations (d’Andorre, Belgique,
Luxembourg, Suisse) ayant des championnats internes d’un niveau
suffisamment modeste pour leur garantir la participation dans les
compétitions des clubs organisées par l’UEFA (Union européenne
du football amateur) ?
Cette solution
peut paraître farfelue à première vue car les clubs de
football représentent plus qu’un siège social dans la
mesure où ils sont attachés de manière organique
à leur territoire à travers leurs supporteurs et leurs
rivalités avec les clubs voisins. Elle reste néanmoins parfaitement
cohérente avec les modèles d’affaires existants car elle
donnerait les mêmes leviers d’optimisation fiscale aux clubs de
foot qu’aux entreprises et introduirait la concurrence entre les
fédérations nationales de football. Elle serait même
utile d’un point de vue politique car elle permettrait de mieux mesurer
le désir de vivre en France et d’un point de vue
économique, elle permettrait à ceux qui ignorent encore la courbe
de Laffer d’observer une nouvelle
fois que plus de taxes signifie en fin de compte moins de revenus.
Reste
qu’il est fort peu probable que le championnat français se
délocalise à Monaco dès lors qu’un arrangement
fiscal convenable sera identifié. Le prochain billet explorera les
coulisses d’une telle négociation.
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