La plupart des
lecteurs de Voltaire et des personnes, en général, connaissent
surtout cet auteur pour ses contes et ses essais philosophiques mais beaucoup
moins pour ses œuvres économiques.
Benoît Malbranque a donc voulu remettre au goût du jour
ces dernières par le biais d’une compilation publiée sur
le site de l’Institut Coppet où il est chercheur associé.
J’ai
donc lu attentivement les écrits
de Voltaire en la matière ainsi que l’avant-propos de
Benoît Malbranque et les commentaires finaux
de Condorcet.
Lesdits
avant-propos me laissaient penser que Voltaire était libéral en
économie. Deux faits allaient en ce sens :
-
Benoît Malbranque
semblait regretter que Rothbard ne l’incluait
pas dans sa monumentale Histoire de la
pensée économique qui faisait pourtant la part belle aux
économistes français des temps modernes ;
-
-
Il était question de
l’admiration profonde de Voltaire pour le libéral, Turgot.
-
La suite m’apporta
un démenti.
Il est vrai
que Voltaire, précurseur de Laffer,
défendit la baisse des « impôts de
consommation » mais… pour permettre une augmentation des
recettes du Royaume. En cela, il était surtout partisan d’une
« efficacité fiscale » favorable aux
intérêts de la nation, quitte à essorer plus encore les
citoyens de France.
En pages 45 et
46, Voltaire alla même jusqu’à critiquer les personnes
hostiles au paiement de l’impôt. Ces personnes, selon lui, ne
comprenaient pas que payer les impôts, c’était
« les payer à soi-même » car ils
permettraient, entre autres choses, l’embellie des villes et la
défense du Royaume. Est-on en droit de dire que cette conception a
vécu et que l’expérience montre, au contraire, que
l’impôt conduit à des gaspillages exagérés
et non à un accroissement
du bien public ?
Voltaire
n’était donc pas le libéral que semblait décrire
Benoît Malbranque. Voltaire a souvent
insisté, dans ses œuvres économiques, sur l’impact
(positif) que le gouvernement pouvait avoir sur l’économie.
En outre,
malheureusement, Voltaire sous-estime l’importance de la monnaie, se
laissant même aller à une anthologie (certes, quelque peu
nuancée) de John Law. John Law était un
« illusionniste » ayant trompé le Royaume de
France à la mort de Louis XIV en lui faisant croire qu’il
était possible d’effacer la lourde dette contractée par
le « Roi-Soleil » par le biais de la planche
à billets. Peu de monde nie l’échec patent de son
système mais, pourtant, Voltaire accourt à sa défense,
rappelant que ses idées ont doté la France d’une
« Compagnie des Indes ». Voltaire minimisa ainsi
l’impact de l’altération de notre monnaie.
Au passage,
nous touchons à un autre point sensible de l’œuvre de
Voltaire : le colonialisme. Voltaire le condamna tout en insistant sur les
progrès matériels qu’il induisait.
Il est vrai
que certains passages de ses œuvres méritent d’être
soulignés positivement : il eut d’abord une grande admiration
pour Turgot et, surtout, si ce n’est pas explicite, il semblait
s’inscrire dans la tradition de toutes les Lumières en rappelant
l’effet harmonieux du commerce.
Il n’en
demeure pas moins qu’on peut être déçu à la
lecture de ces textes compilés et on ne saurait que trop conseiller au
lecteur éventuel de lire l’analyse de Condorcet en fin
d’ouvrage.
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