1914
n’aura pas uniquement accouché de ce grand malheur pour
l’humanité qu’a été la Première Guerre
mondiale. Des grands hommes ont également vu le jour durant
cette année (Sisowath Sirik Matak, Louis de
Funès, etc).
Nous pourrions
également ajouter un des plus prolifiques philosophes français
du XXème siècle : Michel Villey.
À
l’occasion du centenaire de sa naissance (rappelons qu’il
s’est éteint il y a près de vingt-six ans), il
m’est venu l’envie de relire un de ses opus phares, Le droit et les droits de l’homme.
Petit ouvrage, en apparence, mais assez dense dans le contenu.
Cet ouvrage a
suscité les vociférations de nombre de ses collègues car
Michel Villey ne fit ni plus ni moins que s’attaquer
à une « vache sacrée » de
l’ère contemporaine : les droits de l’homme. Pour
mettre les points sur les « i », il va de soi que Villey n’est pas un partisan de
l’autoritarisme et critique seulement la manière, souvent
inconsistante, dont les penseurs modernes défendent les droits de
l’homme.
Il est vrai
qu’aujourd’hui (et il est sans doute dommage que Villey ne consacre pas plus de lignes à
l’ère contemporaine), les droits de l’homme sont devenus
un concept « fourre-tout » et illisible. En
témoignent ces nombreuses « générations de
droits » qui reflètent, chacune, l’idéologie
dominante du moment. Les droits de la première
génération ont été adoptés durant
l’ère libérale. Ceux de la deuxième
génération l’ont été durant la domination
des idées socialistes. Plus récemment, des droits « contemporains »
ont également vu le jour (droits environnementaux, droit au
développement, droit à la paix, droit à la
différence, droit des minorités, etc).
Plusieurs de ces droits « récents » entreront
nécessairement en collision avec les droits de la première
génération. Preuve que les droits de l’homme sont un
concept aisément récupérable, y compris par des États
totalitaires, comme l’U.R.S.S. stalinienne. Le droit perd ainsi de son
éclat et devient subjectif.
Dans son petit
opus, Michel Villey nous fait ainsi remonter le
temps jusqu’à l’ère antique et, notamment à
la période gréco-romaine. L’auteur rappelle la dette
intellectuelle que nous devons à Aristote et à plusieurs
penseurs romains, comme Gaius. Il modère également les
clichés sur l’esclavage à Rome, démontrant que si,
effectivement, les esclaves ne disposaient pas des mêmes droits que
leurs propriétaires, ces derniers ne pouvaient avoir un
« droit de vie et de mort » sur lesdits esclaves.
En outre,
c’est principalement à partir du IIIème
siècle avant Jésus-Christ que le statut des esclaves
s’est apparenté à celui de
« chose », preuve que la construction d’un empire
aux frontières toujours plus extensibles débouche
nécessairement sur une violation des droits de l’homme.
Villey s’intéresse
également à l’ère catholique. Il est un profond
admirateur de Saint Thomas d’Aquin, lequel eut surtout le mérite
de se référer à la tradition juridique romaine sans
tenter de la modifier. Certains penseurs catholiques, comme Jean Duns Scot et
Guillaume d’Ockham, n’eurent pas les
mêmes scrupules méthodologiques et développèrent
la doctrine du nominalisme, créée au XIème
siècle par Roscelin de Compiègne. Le nominalisme eut de
profonds effets sur le droit, introduisant un individualisme forcené.
Sous Rome, notamment, le droit tenait compte des aspects sociaux et du fait
que l’individu n’était pas isolé. Le nominalisme
introduisit une nouvelle ère.
Quelques
siècles plus tard, Hobbes s’inspirera des thèses de
Guillaume d’Ockham. Hobbes construira son État
moderne et tout-puissant sur le fondement des libertés
individuelles… Plus tard, John Locke reprendra également les
idées d’Hobbes mais pour mieux les adapter à la
« sauce libérale ».
Villey, dans cet ouvrage, s’indignera
principalement de la récupération idéologique du droit
par ces auteurs qui ont participé à sa construction alors
qu’ils n’étaient pas eux-mêmes des juristes.
Il
déplorera aussi le fait que les universités de droit tendent
à devenir aujourd’hui des universités de sciences
sociales.
L’impérialisme
de certaines disciplines a ainsi envahi lesdites universités et, selon
lui, il faut rechercher, dans cette confusion, le déclin du droit.
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