Andrew Dickson White
termine son essai historique sur l’hyperinflation,
« L’Inflation monétaire pendant la
Révolution », par une phrase essentielle de la littérature
économique : « Il y a une leçon à tirer de
tout cela sur laquelle il est le devoir de chaque Homme de
méditer ». Cette leçon, ou le fait qu’il
existe une connexion entre l’impression excessive de monnaie par le
gouvernement, l’inflation et la destruction de l’épargne
de la classe moyenne, a été ignorée tout au long de
l’ère moderne. Au point que ceux qui la connaissent ne cessent
de se demander si les pouvoirs publics l’apprendront un jour.
L’essai de
White nous explique comment des Hommes aux intentions nobles peuvent plonger
une nation dans un chaos monétaire au service d’une fin
politique. Mais il nous dit aussi autre chose – quelque chose de
peut-être plus profond encore. Les institutions démocratiques,
nous dit-il, aussi bien intentionnées qu’elles soient, ont une
tendance presque prédestinée à imprimer de la monnaie
lorsqu’elles se retrouvent face à des circonstances peu
plaisantes.
Les épisodes
d’hyperinflation, depuis le premier (la dévaluation de la
première devise papier par Gengis Khan) jusqu’au plus
récent (au Zimbabwe), se développent lentement et presque
calmement jusqu’à ce que le public se rende compte de quelque
chose et que les prix flambent plus brutalement que jamais. Frederich Kessler, un
professeur de droit de Berkeley qui a fait l’expérience de
l’inflation des années 1920 en Allemagne, en a fait la
description lors d’un entretien publié dans l’ouvrage de
Ralph Foster intitulé « Fiat Paper
Money: The History and Evolution of Our Currency » (2008):
« C’était terrible,
terrible ! Comme si la foudre nous avait frappé de plein fouet. Personne
n’y était préparé. Vous ne pouvez imaginer la
rapidité à laquelle se sont développés les
évènements. Les rayons des magasins étaient vides. Plus
rien de pouvait être acheté avec de la monnaie papier ».
A la fin de
« L’Inflation monétaire pendant la
Révolution », White présente
l’évolution du prix du Louis d’or d’un
cinquième d’once :
« Le Louis d’or – une pièce
d’or de 0,1867 once – était utilisé pour mesurer le
marché, et présentait chaque jour avec une précision
déconcertante le déclin de la valeur de l’assignat. Cette
mesure ne pouvait être changée, elle ne pouvait être
influencée. La Convention nationale aurait aussi bien pu tenter
d’influencer la polarité des compas de marins. Le premier
août 1795, ce Louis d’or de 25 francs valait 920 francs de
papier. Le premier septembre, il en valait 1200 ; 2600 le premier
novembre et 3050 le premier décembre. En février 1796, il
valait 7200 francs. Un Franc d’or valait 288 francs papier. Les prix de
toutes les ressources ont aussi augmenté proportionnellement.
Voici d’autres exemples : une mesure de farine qui
valait deux francs en 1790 en valait 225 en 1795. Une paire de chaussure de
cinq francs en valait 200 ; un chapeau de 14 francs coûtait
désormais 500 francs ; le prix du beurre est passé
à 560 francs les 500 grammes ; et celui d’une dinde
à 900 francs. Tous les prix ont gonflé à l’exception
du prix du travail. Les usines ont fermé, les salaires ont
baissé, et ils semblent ne pas avoir été tombés
plus bas en raison de la mobilisation de nombreux travailleurs dans
l’armée. Ceux qui avaient prévu la catastrophe et
s’étaient endettés jubilaient. Celui qui avait
emprunté 10.000 francs en 1790 pouvait s’acquitter de sa dette
pour 35 francs en 1796. »
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