Nous avions évoqué il y a un mois dans cet article les menaces pesant sur les comptes bancaires après les prises de position inquiétantes de l’Union européenne, du FMI et du Comité de Bâle, l’instance chargée d’élaborer les normes prudentielles pour les banques. Voici un nouvel élément à verser au dossier : la déclaration de la française Danièle Nouy, présidente du mécanisme de supervision bancaire européen (placé sous l’autorité de la BCE), chargé d’effectuer les stress-tests bancaires dans le courant de cette année et dont les résultats seront annoncés en novembre.
Oui bien sûr, les stress-tests bancaires réalisés jusqu’ici par l’Union européenne n’ont été qu’une vaste blague, les banques irlandaises et Dexia les avaient brillamment passés peu de temps avant de se déclarer en faillite. Mais cette fois le ton a l’air de changer. Dans une interview au Financial Times sur la santé du système bancaire européen, Danièle Nouy affirme en effet tranquillement : "Nous devons admettre que certaines banques n'ont pas d'avenir". Tout simplement. Elle ajoute ensuite qu’elle ne croit pas à des fusions de banques bien portantes avec d’autres plus fragiles, et qu’il faudra donc procéder à la faillite organisée de ces établissements.
Le message a le mérite d’être clair. Ces paroles martiales indiqueraient-elles un changement de point de vue du superviseur bancaire ? Formulons une hypothèse : les stress-tests bancaires seraient cette fois utilisés pour détecter les banques les plus malades et les déclarer en faillite avant même qu’elles puissent le faire elles-mêmes et ainsi alerter les déposants et propager la panique. D’autant que, comme nous l’avions dit, une autre personnalité éminente (Sabine Lautenschläger, vice-présidente de la Bundesbank et candidate au directoire de la BCE), a récemment déclaré que la zone euro devait être capable de définir en l'espace d'un week-end un plan de restructuration d’une banque en péril. Ainsi, avant même que les difficultés d’une banque soient vraiment connues et médiatisées, la faillite serait prononcée par le superviseur bancaire, et les comptes des déposants ponctionnés, le tout en 48 heures, conformément au nouveau mode de règlement des crises bancaires que fait avancer l’Union européenne. Ce serait en quelque sorte la "faillite préventive" (comme George Busch avait ses "guerres préventives").
Ce changement de ton explique-t-il l’agitation qui règne en ce moment en Italie ? Comme s’il fallait se dépêcher de régler les problèmes en interne avant que la BCE armée de sa "supervision" ne débarque, le gouvernement et la banque centrale italienne s’affrontent pour savoir s’il faut ou non créer une "bad bank" de façon à soulager les banques de leurs créances douteuses. Les banques italiennes se trouvent en effet confrontées à une forte augmentation de ces prêts "non performants" (149,6 milliards d'euros, soit 9% de l'ensemble des crédits). UniCredit et Intesa Sanpaolo étudient actuellement la possibilité de céder des créances pourries à des fonds anglo-saxons, tandis que Montei dei Paschi cherche de l’argent frais.
Et ailleurs ? En France plusieurs articles pointent le manque de fonds propres du Crédit Agricole et de la Société Générale, mais on ne signale pas de déclarations publiques pour l’instant. En Espagne, le gouvernement affirme ne plus avoir besoin de l’aide de l’Europe, il est vrai que les banques espagnoles ont reçu près de 70 milliards d'euros d'aides de Madrid et 41,3 milliards d'euros par l'intermédiaire du programme d'aide européen. Mais les créances douteuses augmentent et la Banque d'Espagne prévoit qu’elles s'élèveront à 15 % en 2014 avant de commencer à diminuer en 2015… Bref, nombre de banques européennes restent fragiles, et le couperet risque de tomber plus vite qu’on ne le pense.