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François
Hollande a dévoilé le 3ème plan de lutte
contre le cancer pour les cinq années à venir. Si cette lutte
est évidemment une excellente chose, il convient néanmoins
d’examiner une tendance qui, dans la lignée des plans précédents,
montre sa limite sans pour autant que les pouvoirs publics en prennent la
mesure. Il en est ainsi de l’augmentation continue du prix du tabac,
accusé d’être à l’origine du cancer du
poumon. Les limites de cette
mesure ne sont pas seulement économiques, à savoir
qu’elles sont la cause d’une véritable anomalie sur les
marchés, mais elles sont aussi sanitaires.
L’impact
bénéfique de ces hausses à répétition est,
en effet, remis en cause sur le plan sanitaire. Le gouvernement, et
François Hollande, ne soulignent-ils pas eux-mêmes
d’ailleurs qu’alors que la France est le pays d’Europe
où les prix du tabac ont le plus fortement augmenté,
« il y a aujourd’hui plus de fumeurs qu’il y a cinq
ans », reconnaissant par la même occasion que les choses ne
sont pas aussi simples qu’ils veulent le croire ?
Mais ce
n’est pas tout. Inefficace, la contrainte fiscale pourrait même
se révéler dangereuse, qu’il s’agisse de tabac,
d’alcool ou d’alimentation (sodas et boissons sucrées,
aliments trop gras, etc.). En effet, sans une véritable
évolution dans les modes de consommation, on assiste non pas à
une baisse de la consommation mais seulement à celle des ventes
officielles des produits surtaxés. Les consommateurs ont tout
simplement tendance à leur substituer d’autres produits tout
aussi, voire plus nocifs, sur le plan de la santé.
L’expérience
américaine des « taxes sodas » montre par
exemple que les consommateurs – notamment les enfants et les
adolescents – se mettent à boire d’autres boissons
caloriques relativement moins chères avec un effet inexistant ou
minime sur le surpoids et l’obésité. Quand les pouvoirs
publics ont décidé de taxer le gras – comme au Danemark
–, les consommateurs ont augmenté leurs achats transfrontaliers
et se sont tournés vers des produits moins chers, présentant
tout autant de risques, sinon plus pour la santé du fait de leur moindre qualité.
Le même phénomène a été observé pour
l’alcool, les consommateurs se rabattant sur des boissons alcooliques
moins chères et plus fortes, ou leur substituant une autre substance
comme le cannabis.
Les taxes sur
le tabac – que François Hollande propose encore
d’augmenter – ne sont pas exemptes de tels effets pervers. Des
études montrent ainsi que les fumeurs passent à des cigarettes
plus puissantes (et moins chères) et se mettent à fumer chaque
cigarette de manière plus intense, augmentant l’absorption de nicotine
et de goudron – considéré comme la cause de cancer
– par cigarette fumée. Du coup, la hausse des taxes sur le tabac
n’est pas forcément associée à une
amélioration de l’état de santé de la population,
même quand le nombre de cigarettes vendues diminue.
Ensuite, les
taxes sont la raison nécessaire et suffisante de l’émergence
de trafics plus ou moins licites qui profitent de chaque nouvelle hausse. Car il ne faut perdre de vue que ce
n’est pas la nature du produit surtaxé en soi qui en est
à l’origine, mais la lourde fiscalité à laquelle il
est soumis. La gabelle en France fut ainsi à l’origine
d’une contrebande intensive de sel à l’époque. Le
savon, qui fut soumis en Angleterre jusqu’au milieu du XIXe
siècle à une taxation spécifique allant
jusqu’à 110 à 120% de son prix, fut lui aussi
l’objet d’une contrebande dynamique.
Or,
l’annonce de François Hollande de poursuivre dans cette voie, fait
suite à une augmentation très récente du prix du tabac, la
3ème du genre en quinze mois et coïncide avec une
chute du marché légal. Celui-ci aurait, en effet, baissé
de près de 8% en 2013. Le marché parallèle est quant
à lui estimé à 23%, soit près d’une
cigarette sur quatre.
Le dynamisme
du marché noir risque même de s’amplifier dans la mesure
où il est maintenant possible de rapatrier en France, depuis le
début de l’année, jusqu’à 50 cartouches
(soit dix fois plus qu’avant) et 5000 cigares (soit cent fois plus) pour
une voiture de cinq personnes.
Au
final, François Hollande a manqué l’occasion d’innover
en matière de lutte contre le cancer, là où les bonnes
intentions ne suffisent pas. En alimentant les marchés illicites –
dont on sait qu’ils sont loin d’être la panacée
– par des hausses de prix trop nombreuses et trop importantes, il va
tarir les recettes dont il espère qu’elles pourraient pourtant nourrir
le fonds de lutte contre le cancer.
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