François Hollande doit se rendre à
l’évidence, il a échoué à inverser la
courbe du chômage. De manière symptomatique, la rhétorique
de la « baisse tendancielle de l'augmentation du nombre de
chômeurs », invoquée
en son temps par Nicolas Sarkozy, raillée
par le candidat François Hollande, a été reprise par le
gouvernement actuel. Celui-ci exprimait
par la voix de Michel Sapin, ministre de l'Emploi, sa satisfaction de passer
de « plus de 30 000 chômeurs par mois
supplémentaires » au premier trimestre à « 5 500
au troisième trimestre ».
Face à cet échec, le
président français semble vouloir changer de tactique en
admettant l’importance de la compétitivité des
entreprises françaises pour qu’elles créent des emplois.
Peut-être son pacte de responsabilité est-il un moyen cynique pour
lui de se défausser sur les entreprises de son échec
futur ? Ces dernières seront alors responsables des mauvais chiffres du chômage. Mais
peut-être a-t-il (enfin) réalisé
que les entreprises sont un allié nécessaire pour créer
des emplois et que la politique du gouvernement depuis le début de son
quinquennat agissait comme un véritable repoussoir pour les
investisseurs potentiels. Ainsi Les
Echos publiaient
le 19 décembre un « manifeste des entreprises
étrangères ». Dans celui-ci, cinquante patrons de
filiales de grands groupes internationaux y tiraient la sonnette
d’alarme, expliquant que « depuis quelques années, [ils
avaient] de plus en plus de mal à convaincre nos maisons mères
d’investir et de créer des emplois en France ».
Il ne s’agit pas d’un sentiment
diffus, mais basé sur des faits. En effet, les indicateurs
défavorables se multiplient et l’image de la France
auprès des investisseurs étrangers est terriblement
dégradée, comme l’explique fort bien Nicolas Doze.
À la fin du mois de janvier était
publié un rapport de la CNUCED, dont un chiffre eut un certain
retentissement médiatique : les investissements directs
étrangers (IDE) vers la France avaient chuté de 77% en 2013.
Bien sûr, cet indicateur est imparfait et volatil. Comme le note
justement l’agence française pour les investissements
internationaux dans son rapport annuel 2012 :
« Cette statistique, cependant, est
peu adaptée à la mesure des flux d’investissements
physiques, directement créateurs d’emplois et de
capacités productives, pour deux raisons principales :
- elle
intègre d’autres opérations que
l’investissement physique (acquisitions, rapatriement de
bénéfices, transferts de trésorerie, flux
financiers inter-groupe…) ;
- elle ne
rend pas compte de certains investissements physiques qui sont
financés non par des flux d’IDE mais par d’autres
sources (levées de fonds sur les marchés locaux
notamment). »
Ainsi, une entreprise étrangère qui
se finance sur le marché des capitaux national ne
génèrera aucun IDE, à l’inverse de celle qui
préfère faire appel à sa
société-mère.
Mais cet indicateur n’est pas
isolé : quand on étudie les classements mondiaux sur
l’environnement économique et la compétitivité, on
s’aperçoit malheureusement que la France décroche de plus
en plus. Regardons ainsi quelques uns des plus connus.
D’après le baromètre
Ernst & Young de l’attractivité de la France 2013, cette
dernière est désormais distancée par le Royaume-Uni et
de l’Allemagne :
Plus grave, la taille des investissements liés
est de plus en plus modeste : seules10 500 créations
d’emplois sont associées à ces projets, soit une baisse
de 20%.
La France est à la 23ème
place dans le dernier classement
du Forum économique mondial (WEF) de Davos. Sa position
s’est donc encore dégradée
de 2 places par rapport à l’année dernière,
où pour la première fois elle n’apparaissait plus dans le
top 20 de ce palmarès qui a trente ans d’existence.
La France est particulièrement mal
placée concernant la lourdeur des réglementations (137ème)
et le niveau d’imposition (134ème).
La France gagne une place dans le classement de Lausanne qui compare 60
pays selon leur compétitivité. Sur le long terme, la tendance
est toutefois largement négative puisque la France était 21ème
en 1997 [1]. Tout l’inverse de l’Allemagne, 16ème
à l’époque et désormais 9ème.
Source :
IMD World Competitiveness Rankings 2013
Rajoutons à cela les classements peu
glorieux à l’indice de liberté économique de l’Heritage
Foundation (70ème sur
178), de l’Institut Fraser
(40ème sur 152) ou au Doing Business [2] de la Banque Mondiale (38ème
sur 189).
À ces indicateurs s’ajoutent les
discours contre-productifs. Il sera ainsi difficile de faire de la France une
terre d’innovation avec un ministre du redressement productif, Arnaud
Montebourg, qui manifeste
une telle hostilité envers celle-ci, comme lors de la récente
conférence LeWeb réunissant des
entrepreneurs de ce secteur. À un spectateur qui l’interrogeait
sur le « gouvernement français [qui ferait] plus pour
défendre les intérêts enracinés des industries
établies plutôt qu’aider les compagnies
innovantes », le ministre répondit naturellement que
« lorsque l’innovation détruit un système, on
doit aller lentement ». Comment attirer les innovateurs avec un
tel discours ?
L’attractivité de la France semble
décliner dangereusement si l’on en croit la batterie
d’indicateurs négatifs. Il semblerait toutefois que
François Hollande souhaite s’engager pour faire changer
d’avis les investisseurs. En effet, après avoir proposé
le pacte de responsabilité aux entreprises, le président
français a reçu
le 4 février une délégation de patrons
d’entreprises étrangères installées en France en
préparation du conseil de l’attractivité qu’il a présidé
le 17 février. S’agit-il d’un début de prise de
conscience que la bataille de l’emploi ne peut se gagner qu’avec
les entreprises, et non contre elles ? Nous en
saurons sans doute bientôt plus sur les réelles intentions du
président français qui devra passer de la parole aux actes.
[1] Il n’y a que deux pays, les Émirats
Arabes Unis et le Qatar, qui ont été intégré
depuis au classement et qui précèdent la France.
[2] Doing Business
présente des indicateurs quantitatifs sur les réglementations
des affaires et sur la protection des droits de la propriété.
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