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Le mardi 25 février, la Commission européenne dévoilait
à Strasbourg ses prévisions macro-économiques pour 2014
et 2015. Selon elle, la reprise de la croissance, débutée au deuxième
trimestre 2013, va se poursuivre. Celle-ci devrait ainsi atteindre 1,5 % dans
l'Union européenne (UE) et 1,2% dans la zone euro cette année, puis
respectivement 2% et 1,8% l’an prochain. Perspectives un peu moins
optimistes pour la France qui devrait, à l’inverse de 2012 et
2013, faire moins bien que la zone euro avec 1,0% puis 1,7%.
Malheureusement, cette reprise de la croissance ne se traduirait pas
en France par un retournement de la courbe du chômage en 2014 ni
même en 2015. Celle-ci devrait en effet se stabiliser à 11,0%.
La Commission européenne est moins optimiste pour la France que pour
les autres pays : le chômage devrait, d'ici 2015, baisser dans l'Union
européenne et dans la zone euro à respectivement 10,4% et 11,7%.
Au niveau budgétaire, les dépenses publiques devraient
diminuer (en pourcentage du PIB) entre 2013 et 2015, mais à des
rythmes très différents. Ainsi, la baisse en France restera
très modérée avec une diminution de 0,1 point par an
pour atteindre 57,0% du PIB en 2015. La France sera alors le 2ème
pays de l’UE en termes de dépenses publiques, juste
derrière la Finlande (57,9%).
Les recettes fiscales devraient légèrement baisser entre
2013 et 2015 en zone euro (-0,3 point de PIB, à 46,5%), mais
resteraient stables en France à 53,1%. Vraisemblablement victime
d’un effet Laffer, elles se révèlent, en effet,
moins élevées que prévu. La baisse par rapport aux
prévisions de la loi de finance initiale s’est
élevée à 14,3 milliards d’euros, soit 3,5
milliards de plus qu’estimé dans le collectif (principalement
à cause de recettes décevantes pour l’impôt sur les
sociétés et l’impôt sur le revenu). Finalement, le
déficit du budget de l'État 2013 est supérieur de 13,4
milliards d’euros à la prévision initiale alors que les
recettes fiscales et sociales manquantes dépasseraient
24 milliards pour l'ensemble des administrations publiques.
En conséquence, la réduction des déficits publics
devrait se poursuivre, mais à un rythme modéré. Les
déficits budgétaires baisseraient dans la zone euro de 0,5
point de PIB en 2014 puis de 0,1 point l’année suivante pour
s’établir à 2,5%.
La diminution serait sans surprise encore plus faible en France, contrairement
aux prévisions très optimistes du gouvernement :
Ainsi, les objectifs de réduction du déficit public français
ne seront pas atteints et devront encore être reportés. Les
gesticulations du ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, qui
souhaite « entamer un dialogue avec la Commission pour identifier
les sources d'écarts avec nos prévisions » ne
trompent plus personne. Bien qu’il s’en défende, un
nouveau délai sera sans doute nécessaire pour repasser sous la
barre des 3%. La prévision des 3,9% en 2015 étant
réalisée à politique inchangée, atteindre cet
objectif nécessiterait un effort de 18 milliards d'euros dont nous
n’avons pas encore vu l’amorce.
Devant l’incapacité chronique de certains États
membres à respecter les critères de déficit public, la notion de ‘déficit
structurel’ avait été introduite excluant du calcul les
effets de la conjoncture. Las, la France risque là aussi de manquer
la cible :
Selon Bruxelles, le solde structurel pourrait ne s'être
amélioré que de 1,0 point de PIB en 2013 et de 0,5 point cette
année (et non de 1,3 point et 0,8 point comme initialement
prévu). Pire, le déficit structurel pourrait se creuser en 2015
à 2,7%, soit 0,1 point de plus qu’en 2013. Le déficit
structurel de la zone euro se dégraderait de 0,2 point, à 1,8%.
Olli Rehn reste pour
l’instant très diplomate : « Les autorités
françaises ont entrepris des réformes budgétaires et
structurelles importantes. Elles ne sont pas faciles. Les résultats ne
sont pas immédiats. Mais elles sont indispensables pour augmenter le
potentiel de croissance et d'emplois de son économie. J'encourage la
France à poursuivre dans cet élan. » Toutefois, le
commissaire n’en pense sans doute pas moins et ses précautions
oratoires ont sans doute plus à voir avec la proximité des
prochaines élections européennes qu’avec la
solidité du plan de redressement français. Paris va devoir faire
de sérieux efforts pour convaincre Bruxelles de son sérieux budgétaire.
Certains au sein même du PS n’hésitent pas à mettre
ouvertement
en doute la volonté présidentielle. Pour Gaëtan Gorce, sénateur socialiste de la Nièvre,
François Hollande n’a « ni les
moyens » ni « la volonté de dégager 50 milliards d’économies
supplémentaires » et ses
annonces sont un « leurre destiné à enfumer » la
Commission européenne.
C’est tout le travail de Jean-Marc Ayrault que de donner des
gages à Bruxelles, notamment en déclarant
qu’il fallait « dégager au moins 50 milliards
d’euros d’économies par rapport à
l’évolution spontanée de la dépense publique sur
les années 2015-2017. » Pour cela il compte lancer 6 chantiers
source d’économie : la masse salariale de la fonction
publique, l'assurance-maladie, les dépenses de solidarité,
l'emploi (dispositifs de l'État et Unédic),
les collectivités locales et un « paquet »
constitué de la politique du logement, des transports et de
l'environnement. Pour rassurer Bruxelles, la présentation de la loi de
programmation des finances publiques (2015-2017), qui se déroule
normalement en même temps que celle du budget (en septembre), pourrait être
avancée au printemps.
La France va donc se retrouver parmi les derniers de la zone euro au
classement des déficits publics. Pourtant, les résultats
des administrations des 17 autres pays restent moyens puisqu’une seule
arriverait à l’équilibre en 2014 (l’allemande,
à tout juste 0,0%) :
La faiblesse des taux d’intérêts souverains
actuelle évite l’envolée de la dette publique. Celle-ci atteindrait
cependant en 2015 95,4% en zone euro et 89,5% dans l’Union européenne,
en léger reflux. À l’inverse, la dette française
continuerait à augmenter pour atteindre 97,3% du PIB. Les
prévisions de la Commission européenne s’opposent
là encore à celles du gouvernement français qui
souhaitait inverser aussi cette courbe...
Les prévisions de la Commission européenne corroborent
donc les craintes de la Cour des comptes.
Celle-ci, en rendant son rapport le 11 février dernier, avait
déjà souligné
les risques pesant sur les objectifs gouvernementaux. Elle jugeait notamment
que les recettes fiscales étaient trop optimistes et les
économies insuffisantes, ce qui compromettait les objectifs de
déficit. Si les déclarations restent pour l’instant
très diplomates, le ton pourrait nettement se durcir d’ici
quelques mois s’il s’avérait que les économies
promises par le président et l’exécutif ne sont pas au
rendez-vous.
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