| Vers quoi s’achemine progressivement l’application de la stratégie des dirigeants européens, si ce n’est vers un échec consommé ? Mais combien de temps faudra-t-il pour que cela soit reconnu, si c’est finalement le cas ? En attendant, les signes de son délitement se multiplient. Afin de justifier son inaction, la BCE peut bien s’accrocher à l’idée que la forte pression déflationniste qui est actuellement enregistrée n’est pas destinée à durer, elle n’en devient pas moins préoccupante à ses propres yeux. Devant le niveau élevé atteint par l’euro, Mario Draghi a déclaré hier jeudi que « le renforcement du taux de change effectif de l’euro au cours de la dernière année et demie a certainement eu un impact important sur notre bas niveau d’inflation », pour ensuite affirmer que la BCE « se tient prête à de nouvelles actions si nécessaire ». On ne sait toujours pas lesquelles, et pour cause. Encore une fois, c’est un scénario de japonisation qui se profile, la hausse de la devise ayant un effet déflationniste prononcé, comme cela avait été le cas au Japon. En annonçant ses intentions sans avoir à les mettre en œuvre, la BCE a réussi à apaiser le marché obligataire mais un tel miracle peut-il être être renouvelé alors que la poussée déflationniste fait obstacle à un désendettement poursuivi avec acharnement malgré son coût social élevé ? Dans le cas contraire, quelles mesures la BCE peut-elle prendre, dans un contexte où les divergences d’intérêt s’accroissent au sein de la zone euro ? Une grande partie de l’Europe, qualifiée de périphérique pour signifier qu’elle est à deux vitesses, a sombré dans une crise globale et l’autre ne se porte pas très bien. La Grèce présente le spectacle d’un désastre total, accompagnée sur la même pente par l’Irlande, l’Espagne et le Portugal. Tel est le bilan inavouable de cette politique d’aide conditionnelle dont ces pays ne sont pas prêts de se relever. Le gouvernement grec cherche à obtenir une nouvelle restructuration de sa dette, la promesse des dirigeants européens oubliée, et un large appel à procéder de même est lancé au Portugal, ne pas y répondre en prolongeant l’agonie sociale ne fait que retarder l’échéance. Matteo Renzi, le nouveau premier ministre italien, tente de ruser en annonçant un paquet de mesures destinées à promouvoir une croissance à effet vertueux. Oubliant pour les financer la diminution du déficit public (2,6%) prévue cette année pour s’en tenir au respect du seuil de 3% afin de se donner des marges de manœuvre budgétaires. Mais ne va-t-il pas le franchir dans la foulée, ne s’engage-t-il pas dans une mise en cause du pacte de stabilité en se préparant à créer un fait accompli ? Le FMI continue de son côté à faire entendre une petite musique dissonante. Les études se suivent à propos de l’accroissement des inégalités, après avoir affirmé que « les politiques redistributives peuvent aller de pair avec l’efficience économique ». Il est constaté dans la dernière en date que « la vaste consolidation budgétaire en cours dans plusieurs économies a fait naître des inquiétudes liées à son impact potentiel sur les inégalités » et préconisé – une fois n’est pas coutume – que les coupes budgétaires épargnent les plans sociaux, que les dépenses « à visée sociale » soient augmentées, et que soit également instaurée une fiscalité « plus progressive » en imposant davantage les revenus élevés et le patrimoine foncier. Côté banques, le grand projet de filet de sécurité représenté par l’Union bancaire est toujours aussi inconsistant. Les deux co-législateurs que sont le Parlement et le Conseil européens persistent dans leurs désaccords, et si un compromis de dernière heure intervient, il soulignera l’absence de crédibilité de ce dispositif que le Parlement a tenté d’améliorer à la marge. Un fait nouveau. Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE, voudrait prendre un peu de recul en soulignant « le processus de désendettement est inévitable et rien ne sert de chercher à l’éviter, il s’agit seulement de le gérer convenablement ». Certes ! mais encore ? Se penchant sur la manière dont les banques procèdent à celui-ci, il observe que « le mauvais désendettement entrave la transmission de nos taux d’intérêt aux consommateurs » (les banques ne les répercutant pas). Par celui-ci, il entend les tailles sans discernement dans les bilans bancaires ayant comme conséquence la diminution du crédit. Mais il voit comme remède la revue de détail des actifs bancaires entreprise par la BCE, dont on apprend au passage que ce serait son objectif, non sans se demander avec perplexité comment il va être procédé… | |