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La réponse à
cette question est trop souvent considérée comme acquise, à savoir que
l’intervention du FMI auprès des États en situation de profonde détresse financière
serait efficace. Examinons cela de plus près.
Conçu à
Bretton Woods en 1944, le FMI procède d’une volonté d’éviter les crises
économiques. Le monde émergeait alors des cendres de la Seconde guerre
mondiale et de la Grande dépression : quarante cinq gouvernements se
mirent d’accord pour maintenir les grands équilibres macroéconomiques. Ils
imaginèrent le FMI dans ce but : les pays membres en difficulté
pourraient désormais compter sur les conseils de l’institution, et surtout
sur ses prêts pour retrouver le chemin de la stabilité.
Les bonnes
intentions ne garantissent hélas jamais les bons résultats. Mais au delà des
intentions, c’est la qualité même du diagnostic originel qui semble faire
question. Comme la Réserve fédérale américaine ou d’autres institutions
emblématiques de la seconde moitié du vingtième siècle, le FMI a été mis en
place pour combattre des crises du capitalisme que l’on croyait inévitables.
Les évènements économiques et financiers des dernières décennies n’ont pas
manqué de rappeler durement ce rêve à la réalité. L’existence du FMI a-t-elle
amorti par exemple la crise des parités de 1971 ? Non. Les pays membres
du Fonds s’étaient mis d’accord en 1945 pour conserver la parité de leurs
taux de change avec le dollar d’une part et celle du dollar et de l’or
d’autre part. Mais les problèmes de balance de paiement, en partie dus à des
politiques monétaires laxistes, en décidèrent autrement : le système
vola malgré tout en éclat. Quelques années plus tard, en 1979, le FMI
a-t-il empêché la déstabilisation de l’ensemble du système monétaire ?
Non plus, et ce malgré ses efforts de coordination internationale par une
politique expansionniste de relance de la demande et d’emprunt massif.
Le FMI
serait-il, dans les faits, incapable de remplir son mandat ? Peut-être
bien, si l’on resitue l’origine des crises à sa juste place, c’est-à -dire
non pas dans la fatalité, mais dans l’existence même d’institutions qui
limitent l’ajustement des prix, des taux d’intérêt et de la masse monétaire.
En effet, la notion de politique de relance de la demande (par l’emprunt)
procède de l’idée que la régulation automatique des équilibres
macroéconomiques n’existe pas, c’est à dire que la Loi de Say, du nom du
célèbre économiste français du XIXème siècle qui postule que l’offre crée sa
propre demande, n’est pas valable. Pour Keynes par exemple, la crise résulte
d’un déficit de demande (globale) qui ne peut être suppléé que par
l’intervention étatique.
Au contraire,
pour les économistes classiques - David Ricardo ou John Stuart Mill
notamment, les crises économiques sont la manifestation d’un déséquilibre
temporel entre la consommation (la demande) et la production (l’offre). La
source du problème se trouve dans l’intervention publique sur le marché monétaire,
qui fausse les signaux que les entrepreneurs utilisent pour ajuster leur
offre. Par exemple, un producteur ne peut pas savoir si une augmentation de
la demande pour son produit est véritable ou si elle est le résultat d’un
excédent de monnaie. Si le signal est faussé, l’offre ne s’ajuste pas à la
demande, alors qu’en l’absence d’intervention, le marché s’autorégule.
Si l’on
reconnaît avec les classiques que les crises économiques ne trouvent pas leur
source dans un déficit de la demande, mais dans le parasitage des signaux de
prix et d’intérêt par les institutions étatiques, alors c’est en vain que le
FMI essaie de remplir son mandat. Depuis le début de la crise actuelle, le
Fonds a considérablement augmenté sa capacité de prêt pour aider les États en
difficulté comme la Grèce. Bien que l’urgence de la situation porte à croire
que cette intervention est indispensable, il faut aussi réaliser que de tels
prêts ne feront que retarder les ajustements nécessaires, dans la mesure où
ils n’assainissent pas le système à la base. Si la cause des crises est
institutionnelle, c’est la tendance naturelle des États à dépenser, taxer,
emprunter et générer de l’inflation qu’il s’agit d’endiguer, et au plus vite.
L’étalon or avait, de ce point de vue, un rôle fort important à jouer car,
sauf à le rejeter, il ne pouvait pas être manipulé. Sans cela, même en
présumant les meilleures intentions, le mandat du FMI restera un rocher de
Sisyphe. Pour ne pas être écrasé par les crises, le temps est venu de
dépasser le keynésianisme pour retrouver les fondamentaux de Say et se
concentrer sur la qualité des institutions qui régissent les décisions
étatiques.
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