L’or est surtout un métal monétaire, alors qu’aujourd’hui l’argent est surtout un métal industriel, mais qui possède toujours une grande composante monétaire, surtout en temps de crise monétaire, en tant qu’ « or du pauvre ». La performance récente de l’argent confirme que, même s’il est surtout un métal industriel, son aspect monétaire domine largement la performance de son prix dans ces circonstances. Avec l’aide de quelques graphiques, allant du très long terme au court terme, jetons un coup d’oeil aux performances de l'or et de l’argent depuis le début du 19ème siècle.
La culture nord-américaine considère qu'une analyse sur cent ans est une absurdité, tandis que, pour les Européens, c’est acceptable et que, pour les Asiatiques, c’est tout à fait normal. Il me reste toujours trois pièces d’or, que j’ai reçues de mon grand-père, qui datent du début du 19ème siècle. J’ai déjà échangé des pièces d’or à près de $800 et d’autres à $300, mais il a toujours été possible de les échanger contre plusieurs biens et services. Une centaine d’années nous permet aussi d’observer la performance de l’or et de l’argent à travers différents systèmes monétaires, plusieurs crises économiques, et deux Guerres mondiales. Cent ans, cela représente également presque toute l’histoire des monnaies fiduciaires, d’abord adossées à l’or, et ensuite adossées à rien d’autre que la confiance en la dette souveraine. Aristote, le philosophe grec, élève de Platon et maître d’Alexandre le Grand, parlait déjà de la monnaie fiduciaire, il y a plus de 2,400 ans, en disant : « En effet, il n’y a rien de mal en soit avec la monnaie fiduciaire, à condition que les rois soient dotés de l’autorité parfaite et de l’intelligence des dieux. » La monnaie papier, une forme plus récente de monnaie fiduciaire, trouve ses origines en Chine, au 9ème siècle. C’est l’explorateur italien Marco Polo qui nous a fait part de cette première expérience et de ce premier effondrement de monnaie papier, et il en avait rapporté quelques échantillons lors de son voyage en Chine.
Quand vous regardez pour la première fois le graphique #1 de l’or et l’argent, vous ne pouvez pas éviter d’être impressionné par le changement du pourcentage de croissance depuis 1970 : qu’est-il arrivé en 1970 pour créer tant de volatilité et de croissance dans les prix de l’or et de l’argent ? Même si la monnaie papier fut introduite au début du 19ème siècle, ce n’est qu’en 1970 que toutes les devises cessèrent d’être reliées à des actifs tangibles, à travers l’or. L’or, depuis 1900, avait grimpé de 6,116% et l’argent de 3,193% mais, comme vous pouvez le voir, la majeure partie de cette performance extraordinaire est relative à la monnaie fiduciaire (dollar US) et, surtout, est survenue depuis 1970. C’est l’année où la monnaie papier fut totalement détachée de l’or.
Graphique #1: Pourcentage de croissance de l’or et de l’argent depuis janvier 1900
Dans le graphique #2 nous voyons la performance de l’or et de l’argent depuis la fin du standard or. L’or était en hausse de 3,457,6% et l’argent de 929,4%. Les deux montées en flèche ont eu lieu durant une crise financière/monétaire.
Graphique #2: Pourcentage de croissance de l’or et de l’argent depuis janvier 1970
Depuis 2000, la performance de l’or a plafonné à 550%, tandis que celle de l’argent a plafonné à 800%, et, en mai 2014, la performance de l’or est à 348,7% et celle de l’argent à 256%. Même ajustées pour l’inflation, ces performances ne sont pas mal du tout.
Graphique #3 : Pourcentage de croissance de l’or et de l’argent depuis janvier 2000
Si nous regardons maintenant la performance de l’or et de l’argent depuis la crise financière de 2008, nous voyons, dans le graphique #4, qu’après une chute d’environ 80% durant la crise, l’or et l’argent ont eu des croissances respectives de 94,9% et 70,1%.
Graphique #4 : Pourcentage de croissance de l’or et de l’argent depuis janvier 2008
Comme nous pouvons le voir dans le graphique #5, depuis le pic d’avril 2011, l’or a chuté de 43%, et l’argent de 97%. Depuis juillet 2013, il semble qu’un plancher soit en train de s’établir. Tout effondrement du dollar US, que je crois imminent, créera un renversement et une remontée de l’or et de l’argent. Je m’attends à ce que l’or mène et que l’argent suive, mais à un rythme plus rapide de changement. Je ne serais pas surpris de voir un effondrement du dollar qui déclencherait de mouvements majeurs de hausse pour l’or de $500 par jour et l’équivalent pour l’argent dans ce type d’environnement.
Graphique #5 : Pourcentage de croissance de l’or et de l’argent depuis janvier 2011
Quand vous regardez ces graphiques de performance, il ne faut pas oublier que ces pourcentages sont en termes nominaux, donc non ajustés pour l’inflation. Les deux graphiques suivants (#6 et #7) montrent les prix de l’or et de l’argent ajustés pour l’inflation depuis 1900. Observez l’énorme volatilité introduite par l’inflation depuis 1900.
Graphique #6 : Prix réels de l’or et de l’argent (ajustés pour l’inflation officielle aux États-Unis)
Graphique #7 : Prix réels de l’or et de l’argent (ajustés pour l’inflation officielle aux États-Unis avant 1980)
Les deux derniers graphiques (#8) montrent l’évolution des prix de l’or et de l’argent en livres Sterling, les deux versus l’inflation au Royaume-Uni et versus l’ajustement pour l’inflation. Encore une fois, nous constatons la volatilité dramatique introduite par l’inflation et l'illusion monétaire que l’inflation crée.
Graphique #8 : Prix de l’or et de l’argent ajustés pour l’inflation depuis 1520 (nominaux, réels, et avec l’inflation au Royaume-Uni)
Des gens me reprochent régulièrement, surtout des traders et surtout d’Amérique du Nord, d’utiliser des graphiques à très long terme. Cependant, à ce moment de l’Histoire où la monnaie papier est très près de s’effondrer et où il y aura une remise à zéro du système monétaire international, il serait stupide d’ignorer l’Histoire. Il est téméraire de surfer sur les vagues à l’approche d’un tsunami. On dit que l’Histoire se répète... mais pas nécessairement la plus récente. Nous sommes témoins d’événements que nous n’avons pas vus depuis 300 ans. La plupart des manuels financiers et économiques ont été écrits dans un environnement inflationniste sans fin. On entend régulièrement, même dans la bouche des économistes traditionnels et des banquiers centraux, que nous sommes en « territoire non cartographié ». Avoir une perspective à long terme aujourd’hui n’est pas un luxe, mais bien une nécessité.
Ceux qui ont acheté l’or et l’argent aux pics de 2011, respectivement à $1,911 et $46, et qui subissent maintenant des pertes respectives de 43% et 97%, s’ils ont acheté cet or ou cet argent pour se protéger contre l’effondrement et la remise à zéro du présent système monétaire, ils ne regretteront pas leur décision. S’ils ont acheté pour spéculer à court terme, ils auraient dû suivre les indicateurs techniques et bien choisir leurs points d’entrée et de sortie pour éviter la douleur des pertes. Une étude en comportement financier a démontré que la douleur d’une perte se ressent trois fois plus que le plaisir d’un gain... alors la douleur d’une perte nominale de 43% pour l’or est ressentie comme une perte de 129%, et la perte nominale de 97% pour l’argent est ressentie comme une perte de 291%...
L’or et l’argent (en tant qu’ «or du pauvre») sont de la monnaie solide et, autant dans un effondrement hyperinflationniste ou déflationniste, maintiendront au moins leur valeur vis-à-vis des autres actifs tangibles. Il est important de se rappeler que l’or et l’argent sont aussi des devises solides, puisqu’ils sont les actifs les plus liquides et négociables. Vous ne devriez pas investir dans ces métaux, mais plutôt les utiliser comme assurance contre l’incertitude. Viendra bien un temps, après la remise à zéro du système monétaire international, pour les échanger contre ce que vous voudrez. Après l’effondrement de l'actuel système monétaire, vous serez content de posséder de la monnaie solide pour l'échanger dans le nouveau système qui émergera. Tout comme en 1945 l’effondrement de la livre Sterling ne provoqua pas la fin du monde, l’effondrement du dollar US ne la provoquera pas. Ce ne sera qu’une remise à zéro.
Graphiques de Nick Laird