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Vous connaissez tous Conchita Wurst, le
travesti qui a remporté le Concours Eurovision de la chanson le 10 mai
2014.
Après les élections européennes, qui se sont
tenues du 22 au 25 mai derniers, je milite fortement pour que cette personne
puisse prendre la tête de la Commission européenne ou la
présidence du Conseil européen. En effet, le drag queen
représente parfaitement l’Europe. Et ceci pour de nombreuses
raisons.
Premièrement, le concours de l’Eurovision de la chanson est
organisé par l’Union européenne de
radio-télévision (UER) qui rassemble des membres actifs dans 48
pays européens et 7 pays non européens, auxquels il convient
d’ajouter des membres associés dans 21 pays. Donc, l’Eurovision
c’est aussi une vision de l’Europe… future, à
l’image de la frénésie d’élargissement dont
font preuve les dirigeants européens.
Deuxièmement, le vainqueur du concours 2014 a obtenu plus de
67 % des votes, ce qui est une très large majorité. En tout
cas, une majorité bien plus assurée que celle issue des dernières
élections européennes. En effet, aucun groupe ne détient
la majorité à lui seul, et le PPE (Parti populaire
européen) arrivé en tête ne détient que 28 %
des sièges.
Par ailleurs, le vainqueur est désigné après une
sélection nationale, et les téléspectateurs peuvent
participer aux différents votes. C’est donc parfaitement
démocratique. Et pas loin d’être aussi
représentatif que ce nouveau Parlement européen élu par
43 % des électeurs.
Troisièmement, les représentants français ont
terminé à la 26ème place en 2014 – la
dernière ! –, à la 23ème en 2013,
ou encore à la 22ème en 2012. Bref, ce concours illustre
parfaitement notre décrochage vis-à-vis des autres pays
d’Europe.
Quatrièmement, avec un nom à consonance germanique
– il est autrichien – et un prénom d’origine
ibérique, Conchita Wurst réunit
l’Europe du nord et celle du sud.
Cinquièmement, son nom – Wurst
– signifie « saucisse » ou
« saucisson » en allemand. Des Balkans à la
Baltique, la saucisse est partout présente en Europe, sous des formes
très diverses, du chorizo espagnol à la Falukorv
suédoise, en passant par la kulen croate, le
pastourma chypriote, la Montbéliard en
France ou encore la luganega italienne. La saucisse
est donc, tout à la fois, le symbole de la diversité
européenne, mais aussi de son unité. En effet, sa forme est
toujours, peu ou prou, la même, de même que sa composition, le
plus souvent à base de porc. Et avec le porc, nous avons la figure parfaite
de la fraternité européenne. Ne dit-on pas, en Français,
« copains comme cochons » ?
Enfin, sixième et dernier point, Conchita Wurst représente
parfaitement l’Europe qui se cherche, qui n’est pas certaine de
sa nature, qui oscille entre libertés et contraintes accrues.
Il existe, en effet, l’Europe d’inspiration
libérale avec la libre circulation des personnes, des marchandises et
des services à l’intérieur de ses frontières, le
combat contre les monopoles publics et les subventions des États aux
entreprises, l’encadrement des déficits publics, la mutuelle
reconnaissance des diplômes et des qualifications, la liberté
d’établissement et de prestations de services.
Mais en parallèle, il existe l’Europe de la norme, de la
contrainte, de l’uniformité, de la restriction du libre-arbitre.
J’ai déjà, ici même,
cité ces projets de réglementation communautaire comme
l’interdiction des talons aiguilles dans les salons de coiffure, la
teneur minimale en sucre dans les confitures, le nombre de litres d’eau
que doit consommer une chasse d’eau ou encore l’utilisation de
bouteilles scellées non réutilisables pour servir l’huile
d’olive au restaurant.
Certes, il arrive heureusement que la Commission européenne
fasse marche arrière devant le tollé provoqué par de
telles mesures, mais le fait même que des esprits puissent concevoir de
telles choses reste inquiétant. Et parfois, ils arrivent à
leurs fins.
Ainsi en 2012, une pénurie d’œufs a frappé
l’Europe du fait de l’obligation pour les éleveurs de se
conformer à la réglementation communautaire. Claude Dumoulin,
éleveur dans la Somme, affirme que cela lui a coûté 3,2
millions d’euros pour 125 000 poules, soit 25 euros par poule. Le
Monde rapporte que « La nouvelle directive
"bien-être animal" prévoit […] quelques
aménagements censés répondre aux besoins
comportementaux des animaux : les poules peuvent désormais se mouvoir dans des
cages de 20 à 60 individus (contre six dans des cages fermées
jusqu'ici), de petits perchoirs métalliques ont été
posés […], un grattoir leur propose de se faire les griffes
et un "nid", sorte d'isoloir entouré d'une
jupe en plastique orange, leur
permet de pondre à
l'abri des regards. » Bien évidemment, tout cela a un
coût, supporté par le consommateur.
En ce moment, ce sont les pépiniéristes qui se battent
contre le règlement unique de commercialisation sur les plantes
agricoles et ornementales, qui va compliquer leur travail. Et, comme
d’habitude, générer des frais supplémentaires.
Thierry Denis, pépiniériste dans le Morvan, affirme
« que s’il devait créer son entreprise
aujourd’hui en tenant compte des exigences européennes, il ne
pourrait pas le faire. »
Bref, l’Europe n’est pas libérale, encore moins
« ultralibérale » comme le prétendent
à peu près tous les politiques français. Elle est
ambivalente. Voilà sans doute pourquoi les
« eurosceptiques » ont réalisé de tels
scores à ces élections européennes, comme cela
était prévisible. Voilà
aussi pourquoi Conchita Wurst en est
l’allégorie.
Quoi qu’il en soit, la volonté de tout enrégimenter
n’est jamais loin dans les instances bruxelloises. Espérons
alors que Conchita Wurst, une fois à la
tête du continent, ne soit pas saisi de fureur réglementaire et
qu’il ne cède pas au rêve des eurocrates, qui serait le cauchemar
des citoyens curieux et gourmands : la saucisse unique.
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