Ce week-end, toute la presse a bruissé de toutes ses feuilles sur l’annonce apocalyptique qu’a faite Manuel Valls, l’actuel premier ministre. Devant le conseil national d’un Parti socialiste intellectuellement à la rue, électoralement déchiqueté et divisé de toutes part, il l’a clairement dit : « Oui, la gauche peut mourir. »
Si, de façon assez évidente, le recours au mélodrame est employé pour tenter de ressouder un parti qui semble décidé à se chamailler presqu’autant que l’UMP, il n’en reste pas moins que l’hypothèse énoncée par le premier ministre a claqué comme un coup de fouet sur les fesses trop rebondies d’élus désemparés : si la gauche continue comme cela, elle court le risque de ne pas être au second tour des élections présidentielles qui ont lieu, pour rappel, dans trois ans, ce qui montre au passage les vraies préoccupations de nos dirigeants.
Il y a de quoi frémir, mon pauvre Manuel…
Maintenant, avant de sombrer dans la tristesse devant une telle nouvelle (ce serait hypocrite : le jour où cette gauche meurt, je débouche du champagne), il semble indispensable, au delà des mots creux de Valls, de nous demander pourquoi diable la gauche serait en passe de mourir.
On peut certes admettre la faiblesse de la gauche, on peut aussi laisser vagabonder ses pensées et feindre de croire qu’une Marine Le Pen pourrait se faire élire (ça donne des petits frissons rigolos), mais on a bien du mal à trouver un début d’explication à cette situation dans les petites phrases floues de Valls. Pour lui, la gauche doit se réinventer, être capable de se dépasser patati patata, ce qui ne veut rien dire de plus concret que lorsque le candidat président voulait réenchanter la politique.
La réalité crue, c’est que si la gauche actuelle se meurt, c’est entre autres parce que, comme le remarque judicieusement Nick de Cusa dans un récent article de Contrepoints, elle a depuis trop longtemps abandonné certains des principes humanistes qui auraient dû l’animer et dont elle se gargarisait jadis. Mais là où ce dernier article encourage Valls à tenter pour sauver la gauche une voie nouvelle, celle du libéralisme, je me bornerais plutôt à constater qu’il faut que cette gauche meure une fois pour toute.
Il faut qu’elle meure parce que tout le monde pense maintenant qu’il faut plus d’État. Et quand tout le monde pense pareil, plus personne ne pense rien du tout. Ainsi, l’UMP, perdue dans les cloaques gluants d’une absence totale d’idées, d’une carence historique de toutes valeurs et de la moindre colonne vertébrale idéologique, est remplie de petits chefaillons médiocres dont l’unique but à moyen ou long terme est d’obtenir une prébende, une sinécure ou un poste de pouvoir notable, et dont les discours se contentent exclusivement de sortir la bouillie keynésienne, interventionniste et pro-État qu’ils entendent partout, pour s’assurer un électorat docile. Ainsi, le FN ne voit de salut que dans le repli vers l’État, la patrie n’étant plus que l’appendice frétillant d’une Nation taillée à grands coups de principes économiquement idiots mais électoralement rentables. Et la gauche, toute la gauche, qui n’a jamais vécu que pour ce grand soir où 100% du pays sera à la botte de l’État, ne peut évidemment concevoir autre chose qu’une augmentation du périmètre du Léviathan. Il n’y a dans les faits plus aucune différence de nature entre la gauche et la droite, tout juste de degré (et encore) : chacun réclame son bubon d’État supplémentaire, mais tous se plaignent, les yeux pleins de larmes, de la pustule de l’autre.
Il faut qu’elle meure parce qu’elle ne voit plus où sont les pauvres et les riches. Elle croit voir les riches dans les patrons alors que la France des patrons est celle des dirigeants de TPE, de PME, de professions libérales sans salariés et autres entrepreneurs.
Il faut qu’elle meure parce qu’elle croit voir des pauvres dans les classes qui sont sous perfusion permanente des services sociaux, constamment encadrés par les associations lucratives sans but qui émargent aux dépenses de l’État via des monceaux de subventions, alors que les pauvres, les vrais, sont ceux qui passent justement entre toutes les gouttes de redistribution plus ou moins communautaristes, corporatistes ou syndicales : la petite classe moyenne, le célibataire sans enfant et sans diplôme ronflant, les kyrielles de salariés qui gagnent un peu trop pour pouvoir bénéficier de la moindre clémence fiscale et en tout cas pas assez pour imaginer prendre plus de deux semaines de vacances ailleurs qu’aux campings familiaux à tarifs préférentiels.
Il faut qu’elle meure parce qu’elle prétend encore aider la classe ouvrière alors que celle-ci a lentement disparu, au profit d’une classe moyenne de petits employés, de petits salariés qui se sentent oubliés par les partis classiques, la gauche ayant choisi les populations fraîchement arrivées pour leur offrir un discours taillé sur mesure, et la droite ayant une vision toute aussi fausse de la France, d’une autre façon aussi ridicule.
Il faut qu’elle meure parce qu’elle n’a toujours pas compris que les grèves qui secouent le pays, depuis 40 ans, ont lentement dérivé, avec la disparition progressive de la classe strictement ouvrière, de mouvements sociaux représentant des pans massifs de la société vers des débrayages spécifiques d’une frange de population à l’abri de toute difficulté économique, de privilégiés manipulés par des syndicalistes dont le mandat est tous les jours moins légitime car lié à une base de plus en plus restreinte. Cette gauche qui, jadis, se faisait fort de nourrir les illusions de grand soir des syndicats en feignant de leur donner une importance qu’ils n’ont fait que perdre depuis les années 70 se retrouve maintenant confrontée à ces mêmes débris idéologues, arqués sur des positions consternantes. Cette gauche meurt parce qu’en croyant apaiser leur faim, elle a nourri des crocodiles idiots qui préfèreront la bouffer qu’abandonner leurs luttes rétrogrades en rase campagne.
Il faut qu’elle meure pour emporter avec elle tous les oripeaux usés de la lutte des classes, dépassée depuis bien longtemps par une lutte des générations qu’elle a œuvré à mettre en place consciencieusement avec sa collectivisation galopante de la retraite ou de la santé, avec son verrouillage idéologique des transports, de l’énergie et de l’éducation. Avec l’idée d’apparence généreuse de vouloir protéger le faible en cognant sur le fort au lieu de seulement s’assurer de l’égalité de tous devant la loi, elle a tant créé de distorsions dans chacun des marchés qu’elle a touchés que les jeunes générations doivent maintenant s’acquitter d’une dette colossale, s’empoisser l’avenir de chômage, d’une épargne impossible à créer, d’un immobilier inabordable, d’une retraite inexistante, d’une précarité stressante, le tout au profit d’une petite frange de la génération âgée qui, à l’orée de la retraite, s’entête à conserver l’intégralité de ses privilèges quitte à jeter tout le reste au drain, par pur caprice.
Car comment considérer autrement qu’un caprice les débrayages qu’on observe actuellement alors que normalement, tout le pays devrait être tendu à l’unisson pour essayer de limiter les effets de la crise ? Comment ne pas vouloir comprendre les risques insensés qu’on fait peser sur toute une génération de bacheliers en sabotant les transports à cette période de l’année ? Comment ne pas trouver particulièrement consternant le fait d’engager des moyens pour contourner un problème qui a été créé de toutes pièces, alors même que les entrepreneurs, premières victimes de ces grèves, émettent des signaux clairs de détresse ?
Ces caprices, ces oppositions sont le résultat direct, palpable et mesurable de toutes ces politiques qu’a menée la gauche (au sens restreint de Parti Socialiste comme au sens large de cette sociale-démocrassie baveuse qui englobe maintenant tout le spectre politique). Cette gauche rosâtre, qui a pervasivement intoxiqué la faible droite, a recoloré le FN, a taché les verts et a dissout les cocos doit mourir : elle a monté les jeunes contre les vieux, les riches contre les pauvres, les retraités contre les actifs, les salariés privilégiés contre les lambdas, elle a clivé ce pays en myriades de petits fiefs, de corporations cimentées dans les lois et les décrets.
Ce pays est foutu. Mais si on veut le reconstruire, alors cette gauche-là doit mourir, sans attendre.
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