Les récentes déclarations des
officiels de la Fed et les récentes actions du président de la BCE, Mario Draghi, ont révélé leur détermination à combattre une
inflation trop peu élevée, qui selon eux représente une menace pour la
reprise. Un certain nombre de choses contribuent aux souffrances globales, et
les prix peu élevés sont bien bas dans la liste.
Depuis que les marchés se sont
effondrés en 2008, les banques centrales du monde ont travaillé ensemble pour
faire grimper les prix des actifs financiers et maintenir la hausse des prix.
Elles en ont fait ainsi dans l’idée qu’une hausse des prix représente un
ingrédient vital de la croissance économique. La théorie voudrait qu’une
inflation soutenue crée de la demande en poussant les consommateurs à acheter
avant qu’une hausse de prix, attendue, n’apparaisse. Le revers de la médaille
serait donc que la déflation, ou baisse des prix, étrangle la demande en
poussant les consommateurs à repousser leurs achats au lendemain. Les
bénéfices de l’inflation sont supposés être soulignés par une hausse des prix
des actions et des biens immobiliers, qui génère un semblant de richesse pour
les propriétaires de ces actifs, qui à son tour se répercute dans l’économie.
En d’autres termes, plantez de la monnaie et de l’inflation dans l’économie,
et regardez-les pousser.
Jusqu’à présent, les banques
sont parvenues à générer des bulles et à maintenir l’inflation, mais la
croissance ne s’est pas manifestée pour autant. La théorie voudrait que la
croissance approche, mais comme Godot, elle manque
sans cesse de se présenter. Beaucoup d’économistes ont du mal à comprendre
pourquoi.
Il existe deux explications à
cet échec. Soit ce modèle ne fonctionne pas (et l’inflation et les bulles sur
les actifs ne génèrent pas de croissance) ou les efforts de stimulus que sont
les taux d’intérêts à zéro pourcent et le quantitative easing
n’ont jusqu’alors pas été suffisants. Soit les banquiers doivent mettre en
place une nouvelle approche, soit ils doivent doubler la mise sur leurs
politiques actuelles. Et vous devriez savoir pour quelle solution ils ont
opté. Les banques sont sur le point de tout miser sur l’inflation.
Malgré leur « indépendance »,
les banquiers centraux travaillent main dans la main avec les gouvernements.
Ils sont également les sujets des mêmes pressions politiques et paralysies
bureaucratiques. Il existe une loi non écrite au gouvernement selon laquelle
lorsqu’un programme ne produit pas les effets attendus, la cause n’en est
jamais le non-fonctionnement de ce programme, mais une simple insuffisance. C’est
pourquoi les gouvernements jettent de l’argent par les fenêtres. Pour les
gouvernements, la discipline de marché libre qu’est la diminution des pertes
n’existe pas.
C’est là que nous en sommes
avec le stimulus. Six années de taux d’intérêts à zéro pourcent et plusieurs
trillions de dette publique ne sont pas parvenus à
restaurer la croissance, mais la conclusion que nous avons choisie est que
nous ne leur avons pas accordé suffisamment d’efforts. Ma théorie est quelque
peu différente. Peut-être que les taux d’intérêts à zéro pourcent et les
bulles sur les actifs pèsent sur l’économie plutôt que ne l’assistent ? Peut-être
ont-ils éveillé le zombie d’un modèle déchu et empêché un système viable d’apparaître ?
C’est une possibilité que personne, parmi les rangs du pouvoir, n’est prêt à
considérer.
Mais qu’en serait-il si l’inflation
se poursuivait sans que la croissance ne se présente ? Qu’en serait-il
si une stagflation se développait – une condition qui dans les années 1970 a
causé du tort aux Etats-Unis plus encore que Boogie
Fever ? Peut-être la nouvelle génération d’économistes s’en
trouvera-t-elle surprise, mais une forte inflation et un fort taux de chômage
peuvent coexister. A vrai dire, les deux ont été combinés dans les années
1970 et 80 pour produire l’indice de la misère. Mais selon la pensée
économique actuelle, cet indice ne devrait pas être. L’inflation doit causer
la croissance. Si le taux de chômage est élevé, c’est soi-disant parce qu’il
n’y a pas une demande suffisante pour faire grimper les prix. Mais c’est l’expansion
monétaire qui fait grimper les prix, et pas un marché de l’emploi sain.
La tragédie, c'est que si ces
politiques ne génèrent pas la croissance attendue, ce qu’elles ne feront pas,
ceux qui en subiront les conséquences seront ceux qui pourront le moins se le
permettre : les pauvres et les personnes âgées. L’inflation et la
stagnation signifient une baisse du pouvoir d’achat. Les riches pourront en
mitiger les effets grâce à un portefeuille bien construit et des destinations
de vacances moins chères. Ils n’auront pas à sauter des repas. Ce sont ceux
qui ont les revenus les plus modestes qui en souffriront le plus.
De nombreux économistes
tentent aujourd’hui de nous faire croire que les Etats-Unis ont finalement
déterminé la formule miracle et que nous allons désormais récolter les fruits
de nos expériences monétaires. Ils pensent que le Japon et l’Europe ont été
trop timides pour mettre en place un programme de stimulus suffisant et tentent
désormais de rattraper les Etats-Unis. Mais cette théorie est erronée pour un
certain nombre de raisons. Premièrement, les Etats-Unis ne sont pas en phase
de reprise mais en phase de décélération. Le PIB annualisé des Etats-Unis
pour la première moitié de 2014 s’élève à 1%, moins encore qu’en 2013. Le
taux de chômage baisse, mais le taux de participation au marché du travail a
atteint un record à la baisse sur 36 ans, et les salaires stagnent. La dette
publique a gagné 5 trillions de dollars, sans pour autant mener à quoi que ce
soit. Les Etats-Unis ne sont pas le modèle que les autres pays devraient
suivre.
Il est également incorrect de
penser que les problèmes auxquels font face l’Europe et le Japon puissent
être résolus par une hausse de l’inflation. Une hausse des prix ne fera qu’alourdir
le fardeau qui pèse sur les consommateurs européens et japonais, et ne
revitalisera pas leurs économies. Les problèmes de l’Europe, du Japon et des
Etats-Unis sont liés à une oppression de l’épargne, de l’investissement et de
la productivité générée par les taux d’intérêts zéro, les déficits
budgétaires, les réglementations commerciales, les lois du travail et les
taxes. Puisqu’aucun des gouvernements de ces pays n’a la volonté politique de
faire face à ces problèmes, ils espèrent simplement qu’une dose accrue de
magie monétaire suffira.
Alors que la Fed, la BCE, la
Banque du Japon et d’autres mettent leurs œufs dans le même panier et espère
que toujours plus d’inflation nous sortira de l’abysse, nous devrions leur
souhaiter bonne chance. Il va leur falloir un miracle.
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