Comme tout le monde en parle et beaucoup feignent de s’y intéresser, peut-être faut-il sacrifier aux lubies du moment et se pencher sur le – pourtant évident – « retour » en politique de Nicolas Sarkozy, ne serait-ce que pour rappeler d’où il vient, et mettre son bilan en rapport avec celui qu’on peut déjà dresser pour l’actuel occupant de l’Élysée.
À ce titre, difficile de ne pas noter les longs soupirs de soulagement de la gauche tant cette nouvelle lui redonne, un peu, confiance en l’avenir. Le retour de Nicolas Sarkozy semble plutôt et à première vue une bonne nouvelle pour la gauche, complètement désemparée par l’état général de l’économie et de la politique en France, ses scores abyssaux aux dernières élections et sa popularité catastrophique, visible jusque dans l’aigreur de plus en plus tenace de ses organes médiatiques quasi-officiels. En gros, l’idée des socialistes est qu’en revenant sur la scène médiatique, Sarkozy, comme à son habitude, captera l’attention médiatique et mettra encore un peu plus de bazar dans une droite devenue aussi inexistante que la gauche.
C’est, bien sûr, un pari comme un autre, et comme tout pari, il a sa part de risque, à commencer par celui du contraste violent entre la fadeur et la mollesse de l’actuel président et l’agitation frénétique et les coups de gueules calibrés de son prédécesseur : malheureusement pour lui, le charisme microscopique de Hollande l’a clairement desservi dans les relations internationales de la France, là où Sarkozy pouvait se vanter d’être, au moins, écouté, même si l’absence totale d’actions concrètes et de moyens, par derrière, auront abouti, pour les deux présidents, à un résultat strictement identique de déclassement du pays, progressif mais marqué.
L’autre risque pour la gauche, c’est que Sarkozy, comme il l’a fait précédemment (et dans un contexte bien plus favorable), réussisse à formuler un discours qui lui permette de récupérer une partie de cet électorat qui a été aspiré par le Front National depuis son départ en 2012. Le chemin pour parvenir à une telle alchimie est extrêmement étroit, particulièrement risqué et comporte probablement plus de risque de fragmenter encore plus la droite que de chance de la rassembler.
En effet, pendant que le revenant enchaînait les conférences financièrement roboratives, d’autres candidats à la présidence se sont déclarés. On pourra retenir François Fillon, qui, pour se donner un peu de contenance, a tenté quelques tortillements libéraux qui ne convaincront personne, ou encore Alain Juppé, dont la candidature, quasi-lunaire, ne permet pas d’occulter le fait qu’en tant qu’ancien repris de justice, il est plutôt mal placé pour nous faire croire à un quelconque renouvellement de l’offre politique, surtout pour quelqu’un de la génération Chirac…
Toutes ces considérations contextuelles faites, n’oublions pas d’où vient Sarkozy.
Qui peut, décemment, oublier pourquoi il fut battu en 2012 ? Pas parce qu’il n’avait pas assez redressé le pays, non, mais bien parce qu’il l’avait enfoncé, et le rendait dans un état pire que celui qu’il l’avait trouvé. Qui peut oublier qu’il fut battu non parce que Hollande fit preuve de charisme ou de puissance argumentative, mais parce que la majorité des électeurs, n’ayant en réalité aucune espèce de sympathie pour le fadasse énarque en face de Sarkozy, ne pouvait plus le voir en peinture ?
Qui peut négliger le bilan de ses cinq années de présidences où le pays est passé d’un taux de chômage de 8.0% à 9.8% ?
Oh, certes, les actuels aficionados de l’ex-président ne manqueront pas d’observer qu’en la matière, le pauvre Hollande a dépassé toutes les prévisions les plus pessimistes, et mérite donc largement le renvoi pur et simple par les électeurs lorsque son tour viendra. Mais pour prétendre gouverner un pays, on ne peut se comparer qu’aux meilleurs, pas aux pires ! Et Sarkozy ne pourra décemment pas faire valoir le bilan catastrophique de son rival pour faire oublier le sien, à peine moins désastreux.
Qui pourra omettre de ce bilan le constat effarant d’une dette qui a explosé ?
Oh, certes, elle n’a pas arrêté de gonfler non plus sous Hollande, et ce pauvret aura eu le délicat plaisir d’être le président sous lequel elle aura passé la barre symbolique des 2000 milliards d’euros, avant de passer celle, encore plus symbolique et autrement plus périlleuse, des 100% du PIB, dans les prochains mois (en cours d’année 2015, au rythme actuel). Mais là encore, comment ne pas voir que c’est bien sous Sarkozy, celui qui revient, maintenant, se poser comme un sauveur d’une France délabrée et en désarroi total, que cette dette est passé de 62% du PIB à plus de 88% ?
Qui pourra réellement acquitter Nicolas Sarkozy de l’avalanche de mesures anti-libérales, liberticides, contre-productives voire pleinement stupides dont il nous aura gratifié pendant son quinquennat, depuis ses lois de muselage d’internet (HADOPI, anyone) jusqu’au tabassage fiscal traditionnel ? Qui peut oublier l’ahurissante accumulation d’actes manqués du revenant, et sa liste à rallonge de taxes, d’impôts et de ponctions nouvelles introduites sous sa présidence ? Qui peut oublier la liste suivante ?
- Taxe sur les hauts revenus
- Taxe sur les loyers élevés des micro-logements
- Taxe sur les sodas et boissons sucrées
- Taxe sur les nuitées d’hôtel supérieures à 200 euros
- Taxe sur la provision pour hausse des prix du secteur pétrolier
- Taxe sur les activités privées de sécurité
- Taxe de risque systémique pour les banques
- Taxe de droit de timbre pour l’introduction d’une instance
- Taxe sur les opérateurs ferroviaires privés
- Taxe sur la capitalisation boursière
- Taxe sur les sociétés d’assurances
- Surtaxe sur les entreprises dites « de réseau »
- Taxe spéciale d’équipement au profit de la société du grand Paris.
- Taxe sur les exploitants de centrales nucléaires.
- Taxe sur les bonus des traders
- Taxe sur les complémentaires santé pour frais générés par la grippe A
- Taxe sur le produit des appels à des numéros surtaxés
- Taxe d’interjection d’appel principal
- Droit de timbre perçu en cas de renouvellement anticipé de la CNI
- Taxe sur le certificat d’immatriculation d’un véhicule neuf ou d’occasion
- Taxe écologique sur les poids lourds
- “Forfait social” pour les employeurs
- Taxe minière sur la production d’or en Guyane.
- Taxe sur les véhicules polluants
- Taxe fixe sur chaque rapport de certification des comptes
- Taxe sur les distributeurs de pharmacie
- Taxe sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions
- Taxe sur les indemnités de mise à la retraite d’office
- Taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules
- Hausse du forfait social sur l’intéressement et la participation
- Hausse de la taxe sur les conventions d’assurance
- Hausse de la taxe sur le tabac et l’alcool
- Hausse du barème de la taxe sur les véhicules de société.
- Hausse de l’assiette de la CSS
- Hausse du taux de la contribution sur le gain de la levée des stock-options
- Hausse de la taxe sur les retraites chapeaux
- Hausse du taux de forfait social sur l’épargne salariale
- Hausse de la taxe sur le tabac.
- Hausse du forfait journalier hospitalier et du « forfait social »
- Hausse des prélèvements sociaux sur les « retraites chapeaux »
- Hausse de la fiscalité sur les plus-values mobilières
- Hausse de la taxe sur le CA de la branche santé des assurances complémentaires
- Hausse de la taxe sur les retraites chapeaux.
- Fin de la défiscalisation totale des heures supplémentaires
- Suppression de l’abattement sur la participation et l’intéressement
- Réduction de cotisations patronales « Fillon » sur les bas salaires
- Plafonnement de la réduction d’assiette au titre des frais professionnels
- Fin de l’exonération de prélèvements sociaux sur certains contrats d’assurance-vie
- Fin des exonérations fiscales des sportifs professionnels
- Suppression de l’exonération de la taxe sur les accidents du travail et maladies professionnelles.
Qui pourra l’absoudre des affaires multiples qu’il trimballe comme autant de marmites sonores et rebondies, à tel point que les palais républicains ont fait place aux palais de justice pour lui et sa clique dans les années qui ont suivi son échec électoral ? Qui a oublié que le népotisme ne s’est jamais aussi bien porté que sous son mandat ? Là encore, rappeler les histoires frivoles de Hollande n’y changera rien : tant Chirac que Sarkozy lui ont tout appris, et remettre le couvert pour ces plats-là ne peut pas se faire sans une vague nausée.
Avec ce retour de Nicolas Sarkozy, la politique française continue de s’enfoncer dans la dépression nerveuse, complète avec régression fœtale et apathie constitutionnelle. La gauche ne propose plus aucune politique concrète, et se contente de l’amoncellement géologique de réformettes ridicules et la complexification maladive de tout ce qu’elle touche. La droite, aussi intellectuellement à la rue, ressort de placards poussiéreux d’anciens premiers ministres usés qui se sont essentiellement caractérisés par leur capacité à baisser leur pantalon sans la moindre friction ni la moindre hésitation, ou un ex-président qui oublie un peu vite qu’il a réussi à perdre face à un type qui n’a jamais réussi à déclencher autre chose qu’un ennui tiède.
S’il y a bien une chose qui marque ce retour à la politique de Sarkozy, c’est le vide intersidéral qui règne au niveau des idées politiques actuellement, autant à droite (et ses extrêmes) qu’à gauche (et ses extrêmes).
Et jamais 2017 n’aura paru aussi loin.
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