Alors que les gobelins de la
Réserve fédérale sifflotent dans le cimetière de feu le quantitative easing, que le dollar gonfle comme par magie à la manière
du poisson lune, que Mario Draghi s’engage à faire
tout son possible pour recouvrir d’euros tous les trous noirs de la dette
depuis Athènes jusqu’à Dublin, que le Japon regarde son économie autrefois
prospère s’empêtrer dans la vase de l’Abénomie
(avec une cerise radioactive sur le gâteau), que la Chine s’étouffe sur le
rattachement de sa devise au dollar, et que la Russie attend patiemment que son
vieil ami l’hiver vienne la couvrir – ainsi que le chaos, les décapitations
et les bagarres psychopathiques qui font rage dans le vieux Levant, sans
parler du doublement du nombre de cas d’Ebola en vingt jours que l’Organisation
mondiale de la santé n’ose pas projeter à plus d’1,2 million pour janvier –
il y a suffisamment d’instabilité tout autour du monde pour que les gentilshommes
de Wall Street fassent fortune une dernière fois en émettant des pronostics
quant à notre avenir avant que le boomerang des conséquences accomplisse
enfin ce que le Département de la Justice d’Eric Holder
a manqué de faire pendant six longues années.
C’est la saison des sorcières,
et vous devriez trembler de peur. Tout particulièrement si vous vivez dans l’une
des régions du monde où l’argent abonde. Tôt ou tard, plus personne ne saura
ce que valent vraiment les devises – du moins pour un long moment – ou, par
la même occasion, ce que quoi que ce soit vaut. Peut-être les pêcheurs
indiens commenceront-ils à utiliser leur or si inutile en tant que plombs.
Jay-Z et Diddy regarderont leur bling-bling
avec désespoir, pensant que, peut-être, ils auraient dû investir sur les
magnétoscopes Betamax. A l’heure où tout peut arriver
et où plus rien n’a d’importance, il peut être dangereux de s’attendre à quoi
que ce soit.
Voici ce qui, je pense,
arrivera : la montée du dollar est la crête d’une grande vague
historique. Cette grande vague un évènement extraordinaire, et sa crête une
vision merveilleuse. Mais bientôt, l’écume viendra cracher et siffler, et la
vague se brisera sur la plage – disons dans les Hamptons
– sur laquelle les propriétaires de hedge funds seront venus passer les derniers jours ensoleillés
de l’année. Ils se retrouveront soudainement emportés par le courant aux
côtés de toute cette fabuleuse liquidité verte, et il ne restera plus
personne sur la plage pour pleurer leur départ. Leurs manoirs en bardeaux
Robert A. M. Stern jusqu’alors nichés entre deux dunes auront aussi été
emportés, et les terrains de tennis, et leurs parterres d’hortensias, et
leurs Teslas, et tout le bric-à-brac temporel de leur « exceptionnalisme ».
Et saison des sorcières
oblige, les vampires seront eux-aussi bientôt de sortie – les sauvages
tatoués qui tout ce temps sont restés à macérer dans leur jus attendent leur
tour pour s’attaquer à la nation qui a fait d’eux des morts-vivants. Je ne
pense pas qu’il soit possible de surestimer le sentiment d’hostilité que
ressent le public américain pour les lâches qui ont fait de leurs Etats-Unis
le piège le plus vil que le monde ait jamais vu. Le problème, c’est qu’ils
ont perdu leur humanité en cours de route. Alors quand ils pourront enfin
régler leurs comptes avec ceux qui tirent les ficelles, certains devraient
penser à partir s’installer en Finlande.
Qui pourrait bien se sentir
confiant quant au devenir de notre monde d’aujourd’hui ? Les retombées
négatives de l’âge de l’information sont sur le point de nous frapper en
pleine figure à la manière d’une armée d’Orcs. La conséquence
de toute cette magie digitale est une nation incapable d’admettre la vérité
ou d’agir honorablement. Le chômage baisse sans que l’emploi grimpe. Candy Crush a fait du monde un endroit sûr pour la démocratie. Nous
avons le meilleur système de sécurité sociale du monde. L’EIIL cherche à entrer
en compétition avec notre industrie du jeu vidéo en matière de
porno-violence, mais voilà que nous allons oblitérer tous les méchants du
monde depuis les stations de commandes de drones de Las Vegas. Voilà qui
devrait les calmer. Dieu merci la saison des vacances est proche.
L’Histoire n’a jamais traversé
de période plus folle. Les semaines qui ont précédé la première guerre
mondiale prennent des airs de fête champêtre en comparaison aux singeries
morbides de ces jours sombres. Amérique, tu as longtemps rêvé de l’apocalypse
des zombies, mais que se passera-t-il quand il ne te sera plus possible de
changer de chaîne ?