Introduction du livre Trop tard
pour la France ? Osons remettre l’État à sa place (Les Belles Lettres, 2014)
INTRODUCTION
Nous
vivons une époque passionnante, avec une remise en cause profonde de
toute une série de croyances et de certitudes.
Alors
que la crise s’est installée de façon durable, nombre
d’économistes avouent leur perplexité devant une
situation qu’ils ont du mal à expliquer et des remèdes
qui s’avèrent inefficaces. Olivier Blanchard, économiste
en chef du FMI, constate par exemple que la macroéconomie est
cassée et propose de la rebâtir.
Ce
constat vient de ce que les outils habituellement utilisés pour sortir
un pays de la crise ne fonctionnent plus. Les politiques budgétaires
ou monétaires se révèlent, les unes comme les autres,
impuissantes à endiguer le marasme actuel.
La
magie des politiques de relance contra-cycliques ne fait plus recette. Cette
méthode, pratiquée en France dès les années 1880,
avant d’être popularisée avec brio au XXe siècle
par les économistes keynésiens, apparaît
aujourd’hui impraticable. En dépit des appels de Paul Krugman,
les plans de relance ont été jusqu’à
présent mesurés, et il est peu probable que cela change. Les
pouvoirs publics, confrontés à un endettement massif, ont en
effet peu de moyens mobilisables.
De
même, nous avons aussi vécu depuis les années 1970 avec
la croyance qu’on pouvait réguler la quantité de monnaie
de façon indépendante et éviter ainsi les crises. Or si
les indicateurs actuels n’attestent pas un retour à
l’inflation, l’idée que la politique monétaire est
capable de relancer la croissance est elle aussi battue en brèche.
Pire, le rôle des banques centrales dans la genèse des crises
financières est dans la ligne de mire.
Enfin,
l’idée que la crise financière avait débuté
dans un secteur financier mal régulé est elle aussi mise
à mal. Il apparaît de plus en plus clairement à tous que
la finance est, depuis des décennies, un secteur hautement
régulé et que cela n’évite nullement les crises.
Ces
débats économiques n’empêchent pas les pouvoirs
publics de remettre au goût du jour des idées anciennes. De la
politique industrielle au patriotisme économique en passant par la
remise en avant de la suprématie de l’État, ces
propositions ne fournissent rien de nouveau et n’ont surtout pas fait
leurs preuves dans le passé.
Ce
livre vise à apporter un décodage alternatif et rappelle
qu’il n’y a pas lieu de rejeter l’économie. Tout au
contraire, nombre de penseurs de premier plan, trop souvent méconnus
du grand public, à commencer par Friedrich A. Hayek, Prix Nobel 1974,
proposent des explications particulièrement pertinentes du cycle
économique. Celles-ci sont très utiles pour comprendre notre
monde chaotique.
Ce
livre est aussi le résultat d’une démarche personnelle.
La crise financière et économique de 2007-2008 m’a
incitée à concrétiser une promesse que je
m’étais faite au lendemain de ma soutenance de thèse et
à me lancer à la découverte de la monnaie, des bulles,
des banques, de l’endettement, etc.
L’objectif
était double. Réussir à expliquer ce qui se passait et
– dans la lignée de la mission de l’Institut
économique Molinari – restituer cette compréhension des
choses en langage accessible pour des lecteurs cherchant, eux aussi, à
comprendre la résurgence des crises et souhaitant des réponses
à la morosité ambiante.
Ce
livre conduit à s’interroger sur le rôle de
l’État dans l’économie, en France notamment
où ce rôle est à la fois plébiscité et
omniprésent. En effet, le XXe et le début du XXIe siècle
y révèlent une croissance ininterrompue de la sphère
publique. Les Français ne semblent pas en prendre la mesure, mais
c’est bel et bien la réalité dans laquelle ils vivent
depuis les années 1980. C’est dans ces années que le
poids des dépenses publiques dépasse la barre symbolique des
50 %. Or, on constate que cette augmentation de la taille de
l’État correspond à un ralentissement de la croissance
économique et on peut finalement se demander s’il n’y a
pas de bonnes explications à cela (chapitre 1).
De
même, la vie économique est régulièrement
troublée par des crises financières. Leur récurrence
donne l’impression qu’elles sont inhérentes au
fonctionnement de nos sociétés, et certains vont même
jusqu’à dire que c’est un mal nécessaire dont il
faudrait s’accommoder. À l’opposé de cette vision
des choses, on peut se demander si, au contraire, cela n’est pas aussi
le fait d’une intervention de plus en plus importante des
autorités publiques en matière monétaire (chapitre 2).
D’ailleurs, la crise des subprimes aux États-Unis offre un cas
d’étude assez intéressant en la matière (chapitre
3).
Pour
bien comprendre ce qui se passe, il est utile de s’interroger sur une
institution fondatrice de nos économies et de notre
prospérité : la monnaie. Car il y a bel et bien un
paradoxe à expliquer au sujet de la monnaie, à savoir
qu’elle est nécessaire au développement économique
mais qu’elle peut aussi – si elle est créée en excès
– engendrer des crises profondes qui bouleversent nos
sociétés (chapitre 4).
La
plupart des États européens ont réagi à la crise
financière en augmentant les dépenses. Puis, suite aux
dérapages constatés, ils cherchent à ramener leurs
déficits publics dans les limites autorisées par le
traité de Maastricht. Il en a résulté la mise en place
de politiques drastiques d’ajustement, ayant permis de ramener le
déficit moyen de l’UE de 6,9 % du PIB en moyenne, en 2009,
à 4 % en 2012.
Cependant,
ces politiques, dites
d’« austérité », continuent
d’être décriées aussi bien par des chefs de
gouvernement, des ministres des Finances, des dirigeants de l’Union
européenne que par le FMI lui-même. La question mérite de
s’y attarder afin de comprendre de quelle austérité on
parle et dans quelles conditions cela peut déboucher sur une reprise
économique durable (chapitre 5).
La
question de l’austérité est en fait
intrinsèquement liée à la question de la capacité
des États à engager des réformes structurelles. Aucun gouvernement
français n’a encore osé prendre le projet à
bras-le-corps – même si le virage de François Hollande en
2014 laisse penser que les choses évoluent. Les marges de
progrès sont très importantes.
En
effet, la France a instauré une gestion publique de divers risques
comme la santé, la retraite ou le chômage. Ces domaines,
particulièrement importants, souffrent de nombreux handicaps. Non
seulement ils coûtent très chers, mais les impôts et
charges ne suffisent plus à les financer et conduisent les pouvoirs
publics à s’endetter pour servir les prestations promises
(chapitres 6 et 7).
Autre
caractéristique du système français : les risques
sociaux sont surtout financés par les fruits du travail sur un
marché extrêmement réglementé. En panne depuis
plus de 30 ans, ce marché rend le financement de la protection sociale
épineux (chapitre 8).
Quand
on ajoute à cela que la France s’est aussi distinguée en
introduisant un outil de gestion publique des risques technologiques sous la
forme du principe de précaution, on comprend bien que la question est
en effet de se demander si l’État n’en fait pas beaucoup
trop (chapitre 9) et d’insister sur l’idée qu’il
n’est pas trop tard pour le remettre à sa place.
Trop tard pour la France ? Osons remettre
l’État à sa place
Édition : Première édition
Support : Livre broché
Nb de pages : 256 p.
ISBN-10 : 2-251-89002-5
ISBN-13 : 978-2-251-89002-9
GTIN13 (EAN13) : 9782251890029
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